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La parole lui est donnée dans une longue interview en plusieurs épisodes parus au journal «Le Soir ». A longueur de colonnes, il décrit comment et sous quelle couverture il est venu, il a séjourné au Maroc, le temps de préparer et de mener à bien « l’opération murale ».
Sur le ton de la vantardise à peine dissimulée, avec un cynisme qui prétend se réclamer d’un travail humanitaire, il décrit ses tractations, son travail de sape, de corruption dont, sans aucun doute à ce jour soit 47 ans après, il en camoufle le vrai visage mais en vain.
On jetterait ce « héros » très particulier dans les oubliettes de l’histoire si, encore une fois, s’ouvre à cette occasion cette dramatique question, cette blessure ouverte, l’exode des juifs marocains ; je dirai aujourd’hui Marocains juifs pour bien préciser notre identité.
Ce héros plein de componction humanitaire et prophétique, un agent du Mossad ne mériterait pas qu’on évoque son nom un seul instant si précisément, et c’est là l’extrême gravité de l’affaire, il tentait de s’afficher comme le sauveur « de quelques centaines d’enfants juifs marocains » qu’il voulait acheminer vers Israël ou, autre variante, il parle de les « rapatrier ».
Sur ce seul fait et sans anticiper sur la suite de ce qu’il y a à dire à ce sujet ce sauveur miraculeux, commis aux basses œuvres, est à l’image d’un négrier, trafiquant d’esclaves, trafiquant d’enfants ici, qu’on devrait juger pour son action criminelle.
Mais il est juste temps de voir les choses de plus près avec un souci de vigilance d’autant plus nécessaire qu’il faut déjouer, percer le brouillard de la propagande, de l’idéologie sioniste qui s’infiltre dans les interstices de l’histoire.
Et d’abord arrêtons-nous, pour savourer sans trop s’y attarder, ce portrait qu’il trace de lui-même. Il se décrit dans sa jeunesse comme un idéaliste naïf excentrique, convaincu de ces capacités.
Evoquant James Bond, il lâche cette énormité comme quoi il ne savait pas qu’il travaillait pour le Mossad. Comble de cynisme grotesque, bassement primaire, le voilà qui tente piteusement de se draper dans les plis de la Thora comme s’il était investi d’une mission divine.
La bonne conscience israélienne, celle qui « spirituellement » s’est affirmée à Gaza. Mais venons-en à l’essentiel. Nous sommes en ces jours exaltants d’indépendance conquise, le retour triomphal de Sa Majesté Mohammed V. Le pays change de visage et entre dans l’histoire de son avenir avec toute la complexité des bouleversements et des mutations qui s’ensuivront. Période féconde d’une richesse complexe extrêmement difficile à étudier, que j’ai vécu de plain-pied à l’unisson de tout le peuple marocain.
C’est à la même époque, à deux ou trois ans près, en fait en 1961, que cet agent du Mossad s’infiltre clandestinement au Maroc et, au risque de se répéter, sous cette couverture d’une mission humanitaire, il entreprend ses manœuvres de corruption, de détournement de l’attention, au risque plus d’une fois d’être découvert, et ce pour mener à bien son entreprise.
On aura assez parlé de ce feuilleton d’espionnage de bas étage, assez remué la boue et la fange qui entourent son personnage et ses péripéties. Pas un seul instant il ne faut se laisser abuser par ce scénario révélateur à l’occasion du visage réel du sionisme. Le but de cette opération israélienne confiée à cet agent du Mossad est double. Il faut le percer à jour, le dénoncer, le traquer dans les moindres replis de ces interstices de l’histoire où il croit pouvoir se lover pour se livrer à son travail de sape. But double, nous avons dit, dessein inavouable dont on escomptait qu’il aurait pu faire son trou dans le secret.
Et d’abord semer le doute, faire croire que ces juifs qu’on aura châtrés, amputés de leur enracinement millénaire en ces terres marocaines seraient en danger de mort nécessitant des actes de sauvetage. Et comme corollaire, pour ainsi dire, s’ensuit du même mouvement, cette monstrueuse falsification de la vérité : L’idée que ces juifs seraient un corps étranger en ce pays !
Ouvrons ici une parenthèse. On ne sait que trop comment Israël s’est édifié en chassant le peuple palestinien de son pays, en tentant par sa terreur d’annihiler son existence.
Disons en passant qu’aujourd’hui, avec l’appui de l’Europe, Israël en arrive à la négation même de la question palestinienne. En fermant cette parenthèse, ajoutons qu’Israël, de par sa politique de terreur, de crimes perpétrés en toute tranquillité, de par son existence même, Israël donc a fait que dans tous les pays, dénommés pays arabes, les nationaux de confession juive et leur communauté ont subi les effets d’une irrémédiable destruction.
Mais revenons donc au Maroc et d’abord pour affirmer avec la force d’une évidence que jamais nous, juifs marocains et Marocains juifs, comme je tiens à le formuler, nous n’avons encouru ne serait ce que l’ombre d’un danger. Pour nous, indissolublement avec l’ensemble du peuple marocain, sans la moindre faille, sans la moindre réticence, nous avons communié dans cette annonce d’un destin nouveau où enfin le pays prenait ses affaires en main après le règne du protectorat. Un détail pour souligner s’il en était besoin cette intégration, cette participation, le premier gouvernement marocain a compté parmi ses membres un ministre juif marocain, Marocain juif, le docteur Benzaquen.
Il ne s’agit pas, à la faveur de cet exemple comme de tant d’autres, de faire comme si on évoquait avec soupirs et nostalgie un passé révolu.
Première certitude qui demeure et qui a plus que son prix, nous sommes passés, nous Marocains juifs/juifs marocains, du statut de «dhimi» à celui de citoyens marocains jouissant de la plénitude de leurs droits. Il faut flanquer cette vérité pour ainsi dire à la figure de cet espion très spécial.
Je ne peux faire mieux pour conclure ce texte qui reste ouvert en renvoyant à propos de la tragédie de l’exode des juifs marocains, des Marocains juifs, arrachés à un enracinement millénaire, je ne peux faire mieux que de renvoyer le lecteur à mon livre « Mille ans un jour » (Ed. La Pensée sauvage).
Et je voudrais ajouter encore un mot. De ce jour lointain où, à Asilah, dans ce cimetière marin battu par le chergui, méditant sur la tombe d’un inconnu nommé Naon, le «Parcours immobile» s’est mis en mouvement pour, de livre en livre, offrir à ce pays, le mien, lui prêter une voix fût-elle un grain de poussière, un regard éphémère, pudiquement empreint et sans emphases d’un sentiment d’attachement intime et profond.
Pour conclure, je ne voudrais pas faire l’honneur à cet espion au petit pied de l’insulter, comme j’ai eu la tentation de le faire sur le coup, tel qu’en lui-même il se condamne sans appel.