Le débat sur le prochain mode de scrutin, une urgence pour la classe politique : «Le Premier ministre doit présenter sa réforme électorale»


Narjis Rerhaye
Mercredi 26 Janvier 2011

Le personnel politique piaffe d’impatience et les états-majors partisans ne cachent pas leur inquiétude. Si les lois électorales ne sont pas débattues dans les prochaines semaines, personne ne sera vraiment prêt pour les élections législatives de 2012. A l’USFP, on le dit haut et fort : le dossier électoral doit  impérativement être bouclé en 2011. «La session parlementaire du printemps devrait être en principe consacrée à la réforme du Code électoral, sinon c’est un énorme retard qui sera pris», confie un député usfpéiste.
C’est le même son de cloche du côté du PPS où on estime que la question du calendrier est éminemment importante. «Il ne s’agit surtout pas d’engager un débat aussi important à la dernière minute et trancher dans l’urgence. Cela devient une mauvaise habitude», prévient un cacique du parti des anciens communistes.
Si la classe politique se préoccupe fortement du timing du débat sur la loi électorale –un package où l’on retrouverait le mode de scrutin, les listes électorales, le découpage mais aussi la loi sur les partis, principalement l’article 5 relatif au nomadisme- la méthodologie démocratique est immédiatement convoquée. Des partis politiques comme l’USFP et le PJD estiment que c’est au Premier ministre, Abbas El Fassi, de présenter son projet concernant le Code électoral. «Une loi électorale procède d’abord et avant tout d’une décision politique. C’est au chef de la majorité de la présenter au nom du gouvernement. C’est lui le chef d’orchestre.  Il reviendra ensuite au ministre de l’Intérieur d’en assurer l’exécution et le suivi», soutient un dirigeant de l’Union socialiste des forces populaires.
«En tant que Premier ministre, Abbas El Fassi doit nous donner sa vision pour 2012, c’est à lui de prendre la décision politique et non pas au ministre de l’Intérieur de le faire», renchérit un membre du secrétariat national du PJD.
D’un bout à l’autre de l’échiquier politique, c’est la même itération. Le changement, pour les uns, ou l’aménagement, pour les autres, du mode de scrutin s’impose désormais comme une évidence. Une question politique qui demande un débat autour des forces politiques. «Mais attention en tant que partis et non pas en tant que représentations parlementaires. Il ne s’agit surtout pas de raisonner en termes d’intérêts étroits d’une circonscription », prévient-on dans les rangs du PPS. Le mode de scrutin actuel, la liste, a montré ses limites mais aussi son inefficacité à combattre valablement la balkanisation du champ politique et la corruption électorale. «Il faut ici se demander pourquoi le scrutin de liste n’a pas donné les résultats escomptés. A l’Istiqlal, nous sommes nombreux à penser que le consensus en est en grande partie responsable. Tout le monde fait des concessions. Résultat, la loi est forcément altérée pour satisfaire et les uns et les autres. Une démocratie ne fonctionne pas de la sorte. Il y a une majorité et une opposition. Que chacun assume ses responsabilités !» s’exclame un conseiller du parti fondé par Allal Al Fassi.

Abbas El Fassi fera-t-il jouer sa majorité ?

Le Premier ministre fera-t-il jouer sa majorité pour adopter un Code électoral qui donnera du sens et de la cohérence au paysage politique marocain? La question n’en finit pas de se poser.
Il reste que tout choix de mode de scrutin doit répondre à des objectifs bien déterminés. C’est en tout cas ce qu’avancent les partis de la majorité et de l’opposition. «On choisit un mode de scrutin en fonction des objectifs. C’est loin d’être un choix technique. Chez nous, il s’agit de réduire la balkanisation du champ politique et d’aboutir à une lisibilité. Une coalition large dilue les identités, fausse le jeu et réduit l’efficacité gouvernementale», explique cet Usfpéiste blanchi sous le harnais.
La dimension politique du mode de scrutin est au cœur des préoccupations des militants du PPS. La réhabilitation du politique et la pleine mesure de l’action politique sont autant d’objectifs qui doivent, expliquent-ils,  présider au choix de tel ou tel mode. «Que cherchons-nous à travers un mode de scrutin? Que la politique occupe la place qui lui échoit, que les partis jouent le rôle qui est le leur, que les élites accèdent au Parlement, que les formations politiques ne soient plus otages des créatures électorales», déclare avec force un membre du bureau politique du Parti du progrès et du socialisme.
Scrutin de liste, uninominal, à un tour ou deux tours, plus fort reste ou plus forte moyenne, circonscription régionale ou provinciale? Propositions et contre-propositions fusent. Si au PJD on défend avec force l’idée de l’élargissement de la circonscription au niveau de la région ou de la province, on est favorable à un scrutin de liste à la plus forte moyenne. C’est exactement le même aménagement que revendique le Rassemblement national des indépendants de Mezouar qui est, lui aussi, pour un scrutin de liste à la plus forte moyenne avec un seuil de 8 à 10%  «pour réduire le nombre de partis politiques au Parlement».
Le parti du Premier ministre a, quant à lui, formé une commission interne, chargée d’étudier la question des lois électorales. «Cette commission va faire des propositions en matière de mode de scrutin, de listes électorales, de découpage et de seuil. Avant de trancher, nous allons coordonner avec nos partenaires de la koutla», annonce un Istiqlalien en vue.
Et à l’USFP enfin, rien n’est encore tranché et le débat ne fait que commencer entre les défenseurs de l’amélioration du scrutin de liste actuellement en vigueur et les défenseurs de l’uninominal à deux tours, proposé en 2001 par le 6ème Congrès du parti de la Rose, et qui «donnerait à l’électeur  la possibilité de faire son choix en toute lucidité» et «permettrait d’instaurer une nouvelle culture politique». 


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