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Plus de mobilité
Selon ce rapport établi par le Groupe de la Banque africaine de développement en collaboration avec la Commission de l’Union africaine, les voyages en Afrique sont devenus plus ouverts aux citoyens africains en 2022, avec moins de restrictions dans l’ensemble. « Il y a maintenant une répartition égale entre les voyages sans visa et les voyages pour lesquels un visa peut être obtenu à l’arrivée dans le pays de destination », précise le rapport tout en notant que trois pays (le Bénin, la Gambie et les Seychelles) offrent une entrée sans visa aux Africains de tous les autres pays alors qu’en 2016 et 2017, un seul pays le faisait.
Le rapport révèle également que 24 pays africains proposent un e-visa, soit 5 de plus qu’il y a cinq ans ; que 36 pays ont amélioré ou maintenu leur score d’indice d’ouverture sur les visas depuis 2016; que 50 pays ont maintenu ou amélioré leur score d’indice d’ouverture sur les visas par rapport à 2021, généralement après avoir supprimé certaines restrictions en matière de politique des visas mise en place pendant la pandémie; que 48 pays sur 53 — la grande majorité des pays africains — permettent désormais de voyager sans visa aux ressortissants d’au moins un autre pays africain et que 42 pays offrent une exemption de visa aux ressortissants d’au moins 5 autres pays africains.
En outre, ledit rapport indique que pour 27% des voyages intra-africains, les citoyens africains n’ont pas besoin de visa, contre 25% en 2021 et que pour 27% des voyages intra-africains, les citoyens africains peuvent obtenir un visa à l’arrivée, contre 24% en 2021. A souligner que pour 47% des voyages intra-africains, les citoyens africains doivent encore obtenir un visa avant d’entreprendre leur voyage, ce qui représente une amélioration par rapport aux 51% de 2021.
« Fait intéressant, les pays à faible revenu représentent une part importante du Top 20 du classement des pays ayant une politique de visa libérale en 2022 : 45 % des pays figurant dans le Top 20 de l’indice sont classés comme des pays à faible revenu, et 45% figurent parmi la frange inférieure des pays à revenu intermédiaire», fait savoir le rapport. Et d’ajouter: «Dix pays ont amélioré leur score d’indice d’ouverture sur les visas au cours de l’année écoulée, et l’ouverture sur les visas du continent dépasse désormais celle enregistrée au cours de l’année précédant la pandémie de Covid-19 et s’aligne sur le score maximal atteint en 2020 ».
Sur un autre registre, l’édition 2022 du rapport met en avant les trois pays qui ont le plus progressé dans leur ouverture sur les visas, en l’occurrence le Burundi, Djibouti et l’Ethiopie. L’Ethiopie, en particulier, a gagné plusieurs places dans l’indice pour retrouver sa position parmi les 20 plus performants du continent après avoir supprimé les mesures temporaires instituées en 2021.
Concernant le Maroc, il garde toujours sa place parmi le Top 10 des pays les moins accessibles aux voyageurs africains malgré le fait qu’il gagne une nouvelle place dans ce classement pour passer de la 46ème place en 2020 à la 44ème avec un score de 0.132. En effet, le Royaume n’est accessible sans visa que pour les voyageurs de sept pays africains sur 53. Une situation des plus incompréhensibles puisque le Royaume, et avec la réintégration de l’UA, tente de renouer et de renforcer ses liens avec les pays africains, notamment ceux de l’Afrique de l’Ouest, et avec des pays avec lesquels il a des relations anciennes.
Les restrictions persistent cependant
Dans un entretien accordé au site afrique.latribune.fr, la chercheuse Sylvie Bredeloup soutient que malgré l’existence au sein des ensembles régionaux de conventions de libre- circulation (CEDEAO, CEMAC...), le contrôle a succédé au laisser-faire et les expulsions se sont généralisées à l'intérieur de ces ensembles régionaux. « Des mesures restrictives ont été prises par les Etats dans la perspective de préserver les identités nationales qu'ils considéraient comme menacées par les populations migrantes. La libre- circulation prônée, par exemple à l'intérieur de la CEDEAO, n'est pas effective. Par exemple au Gabon, de nouvelles dispositions ont été prises, relatives aux conditions d'entrée mais aussi de séjour et de sortie du territoire des ressortissants étrangers. C'est ainsi que des Burkinabés et des Sénégalais sont aujourd'hui bloqués au Gabon car ils n'ont pas suffisamment d'argent pour payer la carte de séjour ou pour sortir du territoire », explique-t-elle.
Selon toujours cette dernière, « cette migration à l'intérieur du continent se décline en plusieurs pôles. Il existe un premier pôle autour de la Côte d'Ivoire, un pays peu peuplé et qui avait besoin de main-d'œuvre pour exploiter ses richesses agricoles, attirant des populations en provenance du Mali, du Burkina Faso, et de la Guinée voire du Sénégal.
Le second pôle s'est construit autour du Nigeria qui a drainé des populations originaires notamment du Ghana, du Bénin, attirées par la rente pétrolière. Et puis, il y a ce troisième pôle autour du Sénégal, ancienne capitale de l'AOF attirant les ressortissants de tous les pays voisins comme la Guinée, le Cap-Vert pour des raisons historiques. Le dernier pôle est, lui, concentré autour de l'Afrique du Sud avec les mines d'or et de diamant qui ont attiré énormément de ressortissants du Zimbabwe, du Mozambique et plus récemment de l'Afrique centrale et de l'Ouest ». Et de préciser qu’« en plus d'être intra-africaine, la migration est d'abord rurale-rurale, frontalière...Les personnes qui se déplacent se dirigent prioritairement vers les pays voisins pour exploiter soit les terres, soit les richesses minières ou pétrolières ».
Des profils non figés
Sylvie Bredeloup estime que à peu près 80% des migrations s'opèrent à l'intérieur du continent africain tout en expliquant que ceux qui se déplacent le plus sont les populations d'Afrique de l'Ouest qui, elles-mêmes, circulent au sein de leur ensemble régional. « En comparaison, les populations d'Afrique centrale circulent moins ou se déplacent à l'intérieur de leur pays en lien avec les problèmes politiques importants dans ces zones », a-t-elle indiqué.
Qu’en est-il du profil de ces migrations interafricaines ? «Par le passé, on a eu tendance à mettre en avant la notion de «travailleurs immigrés» pour désigner ou bien ceux qui travaillaient dans les plantations ou qui allaient travailler dans les usines en Europe. Mais on s'aperçoit que cette figure s'est diversifiée : les étudiants, les commerçants, les travailleurs qualifiés font aussi partie des migrants internationaux. On assiste également à une féminisation des migrations africaines. Outre des hommes, des femmes mais aussi des familles toutes entières partent en migration », a-t-elle souligné. Et de conclure : « Ces profils ne sont pas non plus figés : une même personne peut au cours de son parcours migratoire endosser plusieurs profils. Par exemple, un étudiant qui n'a pas pu terminer ses études ou dont la bourse n'a pas été prolongée, peut devenir commerçant pour rester dans le pays d'accueil, un basketteur ou un footballeur dont le contrat n'est pas renouvelé peut acquérir le statut d'étudiant pour avoir des papiers en règle et faire un business pour s'en sortir. Vous avez donc une pluralité de statuts migratoires. De la même manière, on peut un jour être dans la légalité et un autre dans l'illégalité. La notion d’irrégularité n'est donc que temporaire; la majorité des migrants entrent légalement dans un pays et ce n'est que par la suite qu'ils se retrouvent en situation irrégulière. Il existe donc une porosité des statuts migratoires et professionnels qui complexifient l'analyse».
Hassan Bentaleb