Le Maroc gagne deux petites places

La situation de la presse s’est degradée dans plusieurs pays


Chady Chaabi
Vendredi 8 Mai 2020

L’hostilité envers les médias n’est plus l’apanage des pays autoritaires

Le Maroc gagne deux petites places
La dernière édition du classement mondial de la liberté de la presse est dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Les deux extrémités n’ont pas changé, puisque la Norvège se maintient à la première place et la Corée du Nord à la dernière. Mais dans ce classement que l’on doit à Reporters sans frontières, il y a une constante inquiétante, à savoir la persistance des menaces qui pèsent  sur les journalistes. Tous les continents sont concernés sans exception.
 
Le Maroc devancé par la Tunisie et l’Afghanistan
 
Avant de vous expliquer tout cela, commençons par le Maroc. Sur le papier, le Royaume améliore sa position. Il gagne deux places et occupe désormais le 133ème rang, devancé par la Tunisie (72), le Liban (102) ou encore l’Afghanistan (122). Aussi il perd 1,10 point par rapport à l’année précédente pour un score de 42,88. Comment expliquer cette contradiction ? L’hypothèse la plus probable tient dans le fait que les places grignotées par le Maroc sont dues non pas à un progrès mais plutôt à un effet mécanique. La situation de la presse dans plusieurs autres pays s’étant durcie. D’ailleurs, le rapport de Reporters sans frontières regrette que dans un pays comme le Maroc « les pressions judiciaires contre les journalistes persistent de même que la suppression du ministère de la Communication et l’installation du Conseil de presse n’ont pas contribué à créer un environnement de travail apaisé pour les journalistes et les médias ».
 
Pour en arriver à ces résultats et donc déterminer le degré de liberté dont jouissent les journalistes dans 180 pays, Reporters sans frontières se base sur une méthodologie s’appuyant principalement sur les réponses d’experts à un questionnaire proposé par l’organisation. A cette analyse qualitative s’ajoute également « un relevé quantitatif des violences commises contre les journalistes sur la période prise en compte » comme indiqué par RSF sur son site internet. En détail, les thématiques sur lesquelles porte le questionnaire sont : le pluralisme, l’indépendance des médias, l’environnement et l’autocensure. Sans oublier le cadre légal, la transparence et la qualité des infrastructures soutenant la production de l’information.
 
Ces critères permettent à Reporters sans frontières de distribuer les bons mais surtout les mauvais points. Le tout est cartographié avec une couleur blanche accordée aux pays où la situation est bonne. Et en noir pour les nations où la situation est grave. C’est le cas notamment de la Turquie (157e) ou l’Egypte (161e). Pour RSF, fondée en 1985 à Montpellier par quatre journalistes, ces deux pays sont la preuve que l’hostilité des dirigeants politiques n’est plus uniquement la marque de fabrique des pays autoritaires. Du Caire jusqu’à Ankara, les gouvernements auraient basculé, toujours selon RSF, dans une répression effrénée, au point de généraliser les accusations de «terrorisme» contre les journalistes et d’emprisonner arbitrairement ceux qui se montrent critiques envers eux. Mais pas seulement.
 
Répression à l’occasion de l’épidémie de coronavirus
 
Dans son rapport, Reporters sans frontières, leader dans la défense et la promotion de la liberté de l’information, explique que la pandémie de coronavirus a fourni aux régimes autoritaires une parfaite occasion ou du moins une occasion supplémentaire afin de rogner et restreindre un peu plus la liberté de la presse. « Il existe une corrélation évidente entre la répression de la liberté de la presse à l’occasion de l’épidémie de coronavirus et la place des pays au classement mondial », argue l'organisation non gouvernementale, basée à Paris, en citant la Chine (177e) et l’Iran (173e, - 3 places) où ont été mis en place des dispositifs de censure massive. En Iraq également, l’agence de presse Reuters a vu sa licence lui être retirée par les autorités locales pour trois mois. Quelques heures auparavant, l’agence avait remis en cause dans une dépêche les chiffres officiels des cas de coronavirus.
 
Le Vieux Continent n’est pas en reste non plus, comme en atteste le sulfureux Viktor Orbán, Premier ministre hongrois ( 89e, - 2). Il a fait voter une loi dite “coronavirus” prévoyant des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour la diffusion de fausses informations. Un moyen de coercition jugé « totalement démesuré » par RSF. Son secrétaire général, Christophe Deloire, souligne dans le rapport :« La crise sanitaire est l’occasion pour des gouvernements autoritaires de mettre en œuvre la fameuse “doctrine du choc” : profiter de la neutralisation de la vie politique, de la sidération du public et de l’affaiblissement de la mobilisation pour imposer des mesures impossibles à adopter en temps normal ».
 
En somme, et pour finir sur une note positive, on se doit de constater la légère amélioration de l’indice de référence (-0,9%), autrement dit à l’échelle de la planète, il y a du progrès. Infime mais progrès quand même. Cela dit, l’indice global s’est malheureusement dégradé de 12 % depuis la création de ce classement. Et pour cause, alors que le pourcentage des pays situés dans la zone blanche du classement, qui indique “une bonne situation” de la liberté de la presse, demeure inchangé (8 %), c’est moins le cas pour celui des pays situés dans la zone noire qui signale “une situation critique”, car il a augmenté de 2 points et passe à 13 %. Bref, l’avenir des journalistes ne sera clairement pas rose.


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