Puisant dans le répertoire traditionnel, le Mouvement Attawhid Wa Al Islah (proche du PJD) a annoncé que "ces actes, quels que soient leurs mobiles et les parties qui en sont à l'origine, sont rejetés par la charia et la raison et condamnés sur les plans politique et social. Ces pratiques ne doivent pas affecter les choix du Maroc fondés sur l'authenticité islamique et les constantes nationales".
Seule, pour des raisons afférentes à son association, Nadia Yassine, de l'Association Al Adl Wal Ihssane, a dérogé à la règle, reliant ce qui s'est passé " à un contexte dominé par la présence d'une jeunesse désenchantée et ignorante et l'influence des moyens de communication, c'est-à-dire "l'islam du pétrole" qui a contribué à l'ignorance et à la stupidité des gens qui ne possèdent pas de formation culturelle et éducative suffisante. En outre, ajoute-t-elle, cela est lié à la crise des pays du Sud et à la mondialisation".
"Il ne faut pas oublier l'impact du 11 septembre 2001 et l'image de Ben Laden dans l'imaginaire de certains jeunes dans le monde arabo -musulman. Car, il leur a donné "l'exemple" de combattre l'injustice causée, soit par les Etats-Unis, soit par les régimes en place", rappelle-t-elle, avant de conclure que "ce qui s'est passé à Casablanca est susceptible de se produire ailleurs tant que les conditions qui l'ont favorisé existent."
Bien entendu, ce qui est le plus frappant dans la majorité de ces discours c'est cette complaisance flagrante à l'égard du régime monarchique et cette course contre la montre pour acquérir sa bénédiction.
Aussi, alors que le sang coulait à Casablanca, les partis politiques furent assez calmes pour voir au-delà de la conjoncture et ne pas perdre de vue l'approche des élections. Le comble de cette hérésie fût atteint le 25 mai 2003, à l'occasion de la tenue d'une manifestation "nationale" contre le terrorisme interdite de fait aux islamistes, toutes tendances confondues. La marche contre le terrorisme se transforma en règlements de comptes précédant les élections et une occasion pour déplumer l'adversaire et le tenir à l'écart de sa masse électorale.
Le PJD constituait, à l'issue des élections de 2002, la troisième force politique à l'époque, derrière les socialistes et le Parti de l'Istiqlal. Sa menace était réelle et pointait déjà à l'horizon.
Positions de la société civile
Au sein de la communauté juive, la vigilance fut de mise. Pour Serge Berdugo, président du Conseil de la Communauté juive du Maroc, "le Royaume est rattrapé par la conjoncture mondiale".
"Ces attentats, dit-il, ne visaient pas spécialement les juifs mais des cibles classiques du terrorisme à savoir les touristes et les étrangers". (17-05-03)
Victor Mamman, président du Cercle de l'Union juive de Casablanca, a, pour sa part, précisé que "le combat contre le terrorisme est désormais l'affaire de tous et nous devons mobiliser toutes nos forces et faire preuve de vigilance pour lutter contre ce virus. Nous n'avons pas peur et nous continuerons à vivre dans notre beau pays après ces attentats qui resteront une tâche noire dans l'histoire du Maroc." (17-05-03).
Simon Levy, dirigeant du Musée du judaïsme au Maroc a tenu, quant à lui, à sonner le tocsin. "Le temps de la naïveté politique, dit-il, est désormais révolu. Chaque parti politique sans exception, doit faire le bilan si on veut colmater les brèches, occuper le vide et faire face au danger qui nous guette. Nous sommes appelés à faire une révision totale. C'est une question de vie ou de mort." (18-05-03)
Dans les rangs des activistes des droits humains, les positions vacillaient entre la condamnation et l'analyse.
La Ligue marocaine pour la défense des droits de l'Homme s'est contentée de rappeler des "évidences". "Le terrorisme, annonce-t-elle, est le fléau de notre époque. Il s'agit du phénomène actuel qui provoque le plus d'inquiétude et d'interrogations dans le monde d'aujourd'hui. Ce qui s'est passé à Casablanca est un terrorisme pur et dur constituant un crime contre l'humanité et une atteinte barbare à la vie. Une agression injustifiée contre des civils innocents." (21-05-03)
Même avis à l'Union des écrivains du Maroc qui a tenu à souligner que "le terrorisme n'est pas un phénomène lointain qu'on suivait à la télévision, mais une réalité qui peut toucher tous les peuples sans distinction de nationalité, de culture ou de croyance." (17-05-03)
Sur un ton plus ferme, le Forum Vérité et Justice n'a pas hésité à qualifier ces actes de "fascisme". (22-05-02)
Du côté du patronat, c'est le discours pragmatique qui a prévalu. Un discours partagé entre la peur et le désir d'exploiter la vulnérabilité des pouvoirs publics pour arracher le plus d'acquis possibles.
Hassan Chami, président de la CGEM, a avancé le 20-05-03, que "la Communauté des affaires est horrifiée par ces actes inhumains". Mais, "les effets des événements tragiques, quels qu'ils soient, ne devront aucunement limiter les actions encourageantes pour l'économie marocaine. Il faut, en tout cas, dépasser le cadre des événements et œuvrer avec davantage de force pour lever les obstacles à l'investissement, encourager les hommes d'affaires, qu'ils soient marocains ou étrangers, à entreprendre davantage."
Réactions dans le monde
Sur le plan international, les positions à l'égard de cet évènement sont restées fidèles aux visions de leurs auteurs. Dans un communiqué publié samedi 17 mai par la Maison Blanche, le président George Bush a déclaré que "ces meurtres viennent démontrer une fois encore que le terrorisme ne connaît ni limites ni frontières", rappelant que "le Maroc est un proche ami des États-Unis" et offrant l'assistance de son gouvernement au Royaume, "pour aider à la traque des responsables pour les déférer devant la justice."
En Espagne, le Roi Juan Carlos Premier s'est montré "profondément impressionné" par les brutaux attentats terroristes commis à Casablanca, alors que le premier ministre José Maria Aznar a annoncé que "Personne ne doit se situer en marge de la lutte contre le terrorisme" (22 .05.2003), tirant ainsi à bout portant sur la thèse de l'exception marocaine, chère aux gouvernants de Rabat.
Le président français Jacques Chirac, a, quant à lui, déclaré que "de tels événements ne peuvent que renforcer notre détermination commune à lutter sans relâche contre le terrorisme international".
Pour Alexandre Yakovenko, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, "le terrorisme est international et il est conduit par le réseau d'Al-Qaïda qui poursuit ses attaques contre le monde civilisé."
"Le réseau d'Al-Qaïda, dit-il, est l'instigateur des attentats de Casablanca, de Riyad et de Tchétchénie", inscrivant ainsi ces actes dans un cadre qui concerne également son pays.
Le même ton a marqué les positions des dirigeants arabes. Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères algérien, a tenu à rappeler que "nous avons tant souffert du terrorisme pour avoir à redire notre solidarité et notre compassion avec ceux qui continuent d'être ciblés par des actes terroristes", alors qu'en Egypte, le Mouvement islamiste des Frères musulmans a choisi d'inverser les rôles en avançant que "ces attentats servent les intérêts des ennemis de l'islam et de la nation islamique qui pratiquent le terrorisme en Palestine, en Irak et en Afghanistan" (18.05.2003), c'est-à-dire les États-Unis d'Amérique, Israël et les forces de la coalition occidentale.