A la télévision marocaine, les meilleurs dessins animés étaient d’origine japonaise, basés sur de célèbres mangas. Les «Captain Majed» (Captain Tsubasa de son vrai nom) et autre «Al Namiro Al Mokanaa» ont bercé la jeunesse marocaine sur plusieurs générations. Aujourd’hui, ils ont été remplacés par «One Piece» et «Naruto», entre autres. Mais la passion demeure la même. Comme c’est le cas avec cette culture de vivre symbolisée par le sport et notamment les arts martiaux. Le karaté, le judo ou encore l’aïkido ont la part belle dans les salles de sport du pays. Bref, vous l’aurez compris, les Marocains raffolent de la culture japonaise sous toutes ses coutures, à tel point que cela s’est transformé en normalité. Mais il y a comme un hic. La culture japonaise est bien trop vaste pour être cantonnée à des dessins animés, des arts martiaux, ou encore un art culinaire exquis.
Pour s’en persuader, il suffit d’assister au Festival «Nipponia'KI» qui se déroule en ce moment même (du 22 au 31 octobre) par le biais de l’application Zoom. Une édition particulière à plus d’un égard que l’on doit à Nipponia, l’espace culturel japonais de l’Ecole nationale d’architecture (ENA). Le festival automnal fête ses dix ans et entend plus que jamais faire rayonner la culture japonaise et réunir ses adeptes. Et surtout créer des liens culturels et d'échange avec le Japon. Comme l’avait si bien fait remarquer il y a quelques années Tsuneo Kurokawa, ambassadeur du Japon au Maroc «plus les Marocains iront à la découverte du Japon, plus le Japon se rapprochera du Maroc».
C’est justement la vocation de Nipponia à travers donc son Festival Nipponia’KI. Un évènement où vous partez à la découverte d’un univers enchanté où se mêlent calligraphie japonaise, haiku (art de la poésie japonaise), origami et l’art du manga (bande dessinée). Et ce n’est pas tout. Après la séance inaugurale jeudi soir, consacrée à fêter les 10 ans du festival, celle de vendredi était dédiée à la sublime cérémonie du thé, présentée sous toutes ses coutures par Hafsa Rifki, la fondatrice de Nipponia et ses acolytes. Un moment de partage privilégié, à la fois beau et apaisant, à l’image de la séance de dimanche soir destinée à présenter l’automne japonais, une saison chérie au pays du Soleil Levant. Une réussite dont la programmation n’a pas été de tout repos, sous une forme inédite mais d’avenir.
Si organiser le Festival Nipponia’KI à distance présente à n’en pas douter des challenges techniques et numériques, cela offre plusieurs avantages. «D’habitude notre capacité d’accueil est limitée, vu l’espace et le matériel dont nous disposons. Certes, quand le festival se déroulait à Rabat, on collaborait ponctuellement avec d’autres structures dans différentes villes/pays. Mais c’était coûteux et cela prenait beaucoup de temps à mettre en place», nous confie Hafsa Rifki. Puis d’ajouter : «Là c’est beaucoup plus accessible. On partage notre passion avec un plus large public». Certes, la crise sanitaire a chamboulé bien des plans comme le rappelle notre interlocutrice «le jour où le confinement avait été annoncé, en mars dernier, on était sur le point de commencer notre «Spring week», évènement annuel où la famille Nipponia fête pendant une semaine le printemps avec ses membres autour d’ateliers diversifiés. Tout était prêt, mais on a dû reprogrammer, en attendant que la situation s’améliore», il n’en reste pas moins que le confinement a permis à Nipponia d’ouvrir les yeux sur les potentialités d’organiser des évènements à distance. A tel point que dans le futur «on aimerait garder un format hybride pour organiser nos activités et le Festival Nipponia’KI», annonce Hafsa Rifki, spécialiste en origami, entre autres expressions artistiques.
Pourvu que ça dure diront les plus passionnés. Et ils ne s’y trompent pas. Car malheureusement, excepté Nipponia, les évènements en rapport avec la culture japonaise se font de plus en plus rares au Maroc. Les cours de japonais dispensés dans les universités marocaines par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) sont à conjuguer au passé. Or, ils étaient un creuset pour l’émulation et l’organisation d’évènements culturels. D’après nos informations, le Japon considère que son engagement culturel et social au Maroc n’a plus lieu d’être comme avant. D’autres pays en auraient plus besoin. Peutêtre. Mais une chose est sûre, heureusement que des évènements comme Nipponia’KI existent pour ne pas faire du soleil l’unique lien entre les deux pays.