Le Conseiller Meziane Belfkih n’est plus : La technostructure se sent orpheline

La nouvelle est tombée dimanche aux premières heures de la soirée. Le conseiller royal Abdelaziz Meziane Belfkih est décédé, à Rabat, à l’hôpital Cheikh Zayd où il avait été admis il y a plusieurs jours. L’homme se battait contre la maladie. Il se battait comme un lion, témoignent ses proches. Et si tous savaient que celui qui était volontiers présenté comme l’éminence grise du pouvoir était condamné, la stupeur, conjuguée à une immense émotion a envahi, dimanche 9 mai,  tous ceux et celles qui l’ont connu et côtoyé.
« Je connaissais bien Meziane Belfkih. J’avais son portable. Je pouvais l’appeler quand je voulais. Il répondait ou rappelait toujours. Puis-je dire que c’était un ami ? Certainement pas. Mais j’ai le sentiment d’avoir perdu un grand ami ». Le témoignage du Sage Naïm Kamal dit bien toute la personnalité de celui qui s’en est allé à jamais. Tous ceux qui l’ont connu de très près ou de loin, ont exactement cette impression identique, celle d’avoir perdu un être cher. 
«Parce qu’il était fidèle, à la vie à la mort. C’était le genre d’homme qui n’oubliait jamais ses amis et peu lui importait leur appartenance politique. Et il avait ce sens du partage, tellement rare chez ceux qui arrivent aussi près du Pouvoir », ajoute le dirigeant usfpéiste Abdelhadi Khirate.
Les témoignages se bousculent, les souvenirs ressurgissent et en creux, le portrait d’Abdelaziz Meziane Belfkih, ce grand commis de l’Etat qui a fait ses débuts, en 1968, au ministère des Travaux publics, un département qu’il dirigera en 1995. Plus que ses diplômes, nombreux, (Ponts et Chaussées de Paris, Institut national des sciences appliquées de Lyon, D.E.A en mécanique des solides et DESS en gestion des projets), c’est sa relation à l’Autre qui retient l’attention de tous ceux qui l’évoquent ce lundi matin. L’éloge n’est pas de circonstance et n’obéit aucunement à l’adage recommandant de dire du bien de ses disparus. Un des médecins qui l’a suivi pendant sa maladie : « Il venait très tôt le matin, ou très tard, quand le cabinet était désert. Il tenait à faire le déplacement lui-même, en toute modestie. Il disait : docteur dites-moi à quelle heure je peux venir. Alors qu’il pouvait imposer son horaire. Ce qu’il n’a jamais fait… »
La presse a souvent présenté A. Meziane Belfkih comme le super recruteur du Royaume, une sorte de DRH de l’excellence. La réputation est méritée. Le conseiller royal, ancien ministre des Travaux publics puis de l’Agriculture, a en effet fortement contribué au renouvellement de l’élite technocratique «colorée». En dénicheur de compétences, il a fait briller l’étoile de Karim Ghellab, Adil Douiri, Mohamed Boussaid et bien d’autres encore. Une mise en orbite, où l’on a très vite fait de parler du réseau des X.
L’homme des grands chantiers de règne
Homme d’influence, certainement, il a naturellement hérité des grands dossiers fondateurs d’une nouvelle vision des infrastructures. Les grands chantiers du règne, de Tanger-Med, à la rocade méditerranéenne en passant par la vallée du Bouregreg, c’est lui, dans la plus grande discrétion.
Mais attention, il ne faut pas s’y tromper. L’homme aimait à s’entourer de militants et dirigeants politiques. « Il les écoutait et prenait le pouls du Maroc. C’étaient de longues soirées entre amis où on faisait et défaisait le pays et Meziane Belfkih écoutait avec une infinie attention jusque tard dans la nuit. Il disait qu’il vivait un peu comme une lacune sa non-appartenance à une famille politique », se souvient Abdelhadi Khirate.
« Il n’y a pas de grand soir. Il n’y a que des matins laborieux qu’il faut réussir. »  La phrase est signée du conseiller du Souverain, dans un entretien accordé à « Libération »  à l’occasion de la publication du rapport du cinquantenaire dont il a été le coordinateur. Le document a fait grand bruit et continue aujourd’hui d’alimenter la littérature politique.
«Le rapport sur cinquante ans de développement humain, établi par une équipe de plusieurs dizaines de chercheurs marocains, réunis autour du conseiller royal, M. Abdelaziz Meziane Belfkih. Conçu comme une offre de débat, le rapport établit un bilan circonstancié des politiques publiques menées en cinquante ans d’indépendance, en ne taisant nullement les impasses et les échecs et trace les scénarios possibles pour le pays à l’horizon 2025 », explique Driss Yazami, l’un des auteurs d’un autre rapport, celui de l’Instance Equité et Réconciliation.
Témoignage d’une intégrité sans faille, du regard d’un homme aussi qui a su regarder les dysfonctionnements d’un pays le sien. L’économiste et homme de gauche Najib Akesbi se souvient de ce que lui a promis le conseiller du Roi et chef d’orchestre du projet, Abdelaziz Meziane Belfkih, au sujet de ce rapport général : “Ce qui doit être dit sera dit, dans les termes qui conviennent, mais ce sera dit quand même”.
Des regrets aussi. Celui d’être parti sans avoir assisté à la mise en œuvre de la Charte de l’enseignement et de la formation. Abdelaziz Meziane Belfkih est le père de la COSEF, celui qui a pensé la réforme de l’enseignement et de la formation comme il est celui qui a cogité la stratégie des 10.000 ingénieurs par an.
Fidélité à la vie à la mort. Dans une dernière volonté, Abdelaziz Meziane Belfkih avait souhaité être inhumé dans sa ville natale, où il avait vu le jour il y a 66 ans, Taourirt, loin de tous les artifices de la capitale. Et c’est à Taourirt, dans la province d’Oujda, que ses obsèques auront lieu ce mardi, après la prière d’Ad Dhor, en présence du Prince Moulay Rachid.

Condoléances de l’USFP

Suite au décès de Meziane Belfkih, Conseiller de Sa Majesté le Roi, l’Union socialiste des forces populaires présente ses condoléances à la famille du défunt, ses amis et ses proches.
Le Bureau politique de l’USFP estime qu’avec la disparition  de Abdelaziz Meziane Belfkih, le Maroc  a perdu l’un de ses grands hommes qui ont servi l’Etat et le pays à plusieurs niveaux. Ingénieur de formation, Meziane  Belfkih fut une autorité dans ce secteur et  a exercé pendant de longues années en tant que fonctionnaire du ministère des Travaux publics. Il a aussi été plusieurs fois ministres: Agriculture et Réforme agraire,   Travaux Publics  et Agriculture, Equipement et Environnement. Il fut chargé également en tant que Conseiller de Feu Hassan II et de SM le Roi Mohammed VI  du dossier de  la réforme de l’enseignement à la tête de la Commission spéciale éducation et formation (COSEF).
Que Dieu ait l’âme du défunt en sa sainte Miséricorde. Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournons.