Le Conseil supérieur de la magistrature et le principe de l’inamovibilité des juges


Par  Hassouni Kaddour Ben Moussa (*)
Vendredi 20 Septembre 2013

Le Conseil supérieur de la magistrature et le principe de l’inamovibilité des juges
Le principe de l’inamovibilité est, pour les juges, une des principales garanties de leur indépendance à l’égard des pouvoirs politiques. C’est une prérogative de certains magistrats  en vertu de laquelle  ils ne peuvent être déplacés, rétrogradés ou suspendus de leurs fonctions (article 108 de la Constitution) sans la mise en œuvre de procédures protectrices exorbitantes du droit commun disciplinaire. L’inamovibilité est la garantie habituelle retenue par l’indépendance de la justice ; c’est une règle qui cherche à supprimer toute tentation de pression sur les magistrats  par le biais de déplacement d’office. Elle est considérée comme une borne opposée traditionnellement à l’introduction de l’arbitraire dans l’administration de la justice ; son but est de protéger les magistrats contre un éventuel empiétement du pouvoir exécutif ; elle est adoptée pour contrebalancer le pouvoir de nomination des magistrats et la gestion de leur carrière attribués au pouvoir exécutif. Assurer l’indépendance de la justice, c’est garantir la liberté des justiciables. C’est pourquoi la Constitution a institué le principe de l’autonomie de la justice et l’inamovibilité des juges par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif et a confié le suivi de leur carrière au Conseil supérieur de la magistrature de sorte que les autorités publiques ne disposent d’aucune possibilité d’adresser aux juges des instructions relatives à leurs activités juridictionnelles.
L’inamovibilité confère au magistrat qui en est investi, deux catégories de prérogatives. Tout d’abord, elle protège le magistrat contre toute révocation arbitraire mais elle n’exclut pas les sanctions disciplinaires ; elle ne signifie nullement l’absolution pour l’avenir de tous les actes que le juge viendrait à poser ; elle n’implique pas donc l’impunité du magistrat du siège puisqu’il n’est pas affranchi de toute sanction. Ainsi, lorsque le magistrat  commet une faute grave, il est  passible de sanctions disciplinaires (article 109 de la Constitution) qui peuvent aller jusqu’à la révocation. Ceci est une conséquence logique parce que, dans ces cas, on ne se situe plus dans l’exercice régulier des fonctions protégées par l’inamovibilité, mais dans le cadre disciplinaire où la garantie d’indépendance est la conséquence d’une procédure très protectrice. La juridiction disciplinaire des magistrats est constituée par le Conseil supérieur de la magistrature (article 113 de la Constitution). Ensuite, elle s’oppose à ce que le magistrat soit déplacé contre son gré pour des raisons politiques, corporatistes ou idéologiques, car s’il était permis au gouvernement de modifier à son gré, par voie de permutation, la composition d’un tribunal ou d’une cour, il pourrait arriver que cette juridiction se trouve composée de magistrats choisis tout exprès pour juger un procès déterminé, ce qui en ferait un tribunal véritablement politique et détruirait les garanties d’impartialité et d’indépendance que le justiciable doit trouver dans le tribunal devant lequel il est  appelé à défendre et à débattre ses droits. Donc, le juge ne doit pas être contraint de changer de poste alors même que sa résidence ne subirait pas de changement. Il s’agit simplement de faire en sorte que le magistrat ne puisse avoir de crainte, ni pour son poste, ni pour sa promotion du fait des jugements qu’il aura rendus, de le mettre à l’abri des mutations punitives dictées, souvent, par les influences politiques et de préserver, par voie de conséquence, l’égalité des justiciables. Mais  sans qu’elle ne soit synonyme de stagnation, puisque la carrière  implique la mobilité, l’inamovibilité n’exclut pas que le magistrat du siège soit déplacé du lieu de sa première affectation lorsqu’il bénéficie d’une promotion à laquelle il aura, préalablement, marqué son consentement, elle s’attache donc à la fonction et non  au lieu .
Le Club des magistrats du Maroc a protesté vivement contre les décisions abusives du Conseil supérieur de la magistrature qui ont porté atteinte au statut des magistrats et au règlement intérieur dudit Conseil. Le Club a constaté l’absence de critères objectifs basés sur le principe de la transparence et l’égalité des chances dans la nomination des  nouveaux magistrats,  les demandes  de mutation et les promotions …
Les magistrats honnêtes, conforme à la probité et à l’honneur, sont sortis de leur mutisme : le droit n’est pas une chose dont on fait cadeau, il faut le prendre.
Absents aussi la vérité, comme si elle n’avait pas d’importance, les lois, les statuts, les règlements, alors que l’on abuse en leur nom. Les décisions du C.S.M doivent être en faveur de la suprématie de la Constitution dont le préambule stipule que le Maroc est un Etat de droit qui garantit l’égalité, la dignité et la liberté…
Dans le tumulte de la réforme de la justice, la Charte est née inapte puisqu’elle a exclu les avocats.
Dans  le but de la réforme de la justice dans notre pays, tous les messages de S.M le Roi ont appelé à garantir l’inamovibilité et l‘indépendance  des juges, à supprimer ce qui est nuisible, éliminer  ce qui est préjudiciable aux justiciables, stimuler l’énergie  des magistrats,  rajeunir le corps de la justice, stipuler l’amour de la justice, choisir des responsables compétents et aptes à l’opérationnalisation de la réforme de la justice. Il semble que le Conseil supérieur de la magistrature a décidé autrement.
La justice ne peut accéder à la place qui lui revient qu’en s’assurant de l’impartialité, de la transparence et de l’objectivité du Conseil supérieur de la magistrature vis-à-vis des magistrats en restant à l’abri de toute influence ou interférence qui  peut diviser le corps des magistrats. L’inamovibilité des juges est la garantie de bonne justice, le plus souvent,  la justice dans notre pays est une entreprise aléatoire, car elle n’obéit pas à des règles de la loi.

(*) Avocat au Barreau d’Oujda


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1.Posté par adolphe bigesboy le 27/12/2017 08:13 (depuis mobile)
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