Le CHU Ibn Rochd de Casablanca secoué par un nouveau drame : Un bébé mort-né par négligence


Rida ADDAM
Samedi 15 Janvier 2011

Le CHU Ibn Rochd de Casablanca secoué par un nouveau drame : Un bébé mort-né par négligence
L’histoire de Sanaa est horrible. Cette mère de 26 ans qui a échappé vendredi de justesse et par miracle à une mort certaine, n’oubliera jamais son expérience à la maternité de l’historique hôpital casablancais Maurice Gault. Son épreuve est digne d’un scénario  d’Alfred Hitchcock. Arrivée à la maternité à 4 heures du matin, Sanaa était sur le point d’accoucher d’un bébé de 7 mois. Négligée, maltraitée et agressée par les vigiles et le personnel de l’hôpital, elle a failli y rester en mettant toute seule au monde son premier bébé mort-né. Quelques heures plus tard, sa petite famille tombe des nues : une infirmière leur a confirmé le décès de la maman alors que Sanaa était toujours en vie. L’infirmière s’est trompée de la bonne personne. Sanaa a été retrouvée dans un autre pavillon. Son état est lamentable. Les paroles dévastatrices de l’une des infirmières résonnent toujours dans sa tête : «Je suis désolée mais votre bébé est mort-né». Pour elle, cette angoisse est indescriptible. C’est plus qu’une fausse-couche d’une grossesse. C’est la mort bêtement d’un bébé mené à terme. Un enfant qu’elle ne bercera jamais, qu’elle a tant attendu mais qu’elle ne ramènera pas à la maison. La première et la dernière fois qu’elle l’a vu, c’était au moment de sa naissance couvert de sang. Elle se souvient qu’elle a fixé son regard sur le corps menu de son bébé mort-né, tout en admirant les petites oreilles, les petits yeux, les petites mains et les petits pieds aussi. Son enfant était déjà parfaitement constitué. D’où sa douleur déchirante. C’est au bout de plusieurs heures qu’elle s’est rendu compte de la réalité qu’elle s’efforce d’admettre sans verser de larmes : cette petite personne ne verra jamais, n’entendra jamais, ne marchera jamais et ne tiendra jamais la vie entre ses mains. Pour cause : la négligence et le mauvais traitement. Contactées par Libé, Sanaa et sa mère Fatima nous ont raconté le récit de ce drame qui se déroule au quotidien   dans nos hôpitaux où la mort menace facilement les vies. Récit.
Vendredi matin, vers 3 heures, Sanaa enceinte d’un bébé de 7 mois ressent les premières contractions. C’est une naissance prématurée qui s’annonce. Et pourtant, le médecin traitant lui a assuré depuis quelques jours, que sa grossesse est normale et que l’enfant se porte bien. Transportée d’urgence par son mari et sa mère à une clinique privée à Sidi Othmane, le médecin l’informe qu’elle est sur le point de mettre au monde un bébé prématuré. D’où l’obligation de la transporter d’urgence à la maternité d’un hôpital mieux équipé, tel Maurice Gault. Arrivés sur place à 4 heures du matin, les vigiles qui contrôlent l’accès aux urgences et à la maternité de Maurice Gault, leur ont fait vivre un sale quart d’heure. En soudoyant l’un d’eux, Fatima a réussi à faire entrer sa fille. Et ce, après avoir versé à la caisse le montant de la consultation. Un médecin à la maternité a démenti les propos de son confrère de la clinique de Sidi Othmane. Pour elle, Sanaa a devant elle plusieurs heures avant d’accoucher. Et pourtant, l’état de la jeune maman prouvait le contraire. Surtout que les contractions se répétaient  toutes les 5 minutes depuis 2 heures. Malgré elles, la mère et sa fille ont cédé devant l’insistance de la femme médecin qui s’est contentée de rédiger une ordonnance à la jeune maman. Elle a même conseillé à Fatima d’aller lui chercher les médicaments prescrits dans l’immédiat, en sous-estimant l’écoulement du liquide amniotique accompagné de contractions plus accentuées. Fatima s’apprêtait à quitter les lieux quand Sanaa a poussé un grand cri, annonçant des saignements (métrorragies). Mais le médecin a maintenu sa position: «Elle ne va pas accoucher en ce moment. Je lui ai donné un médicament pour retarder son accouchement de quelques heures, le temps de la préparer pour une délivrance normale. Elle n’a pas besoin de césarienne. L’enfant se porte bien», aurait affirmé ce médecin d’après les déclarations de Fatima. Cette dernière qui prétend avoir des témoins prêts à étayer ses propos, a quitté les lieux à la recherche d’une pharmacie de garde. Une tâche difficile à cette heure matinale. Surtout pour une mère qui vient d’abandonner seule sa fille dans un état critique. Une heure plus tard, Fatima revient sur les lieux. Le même agent de sécurité avec qui elle aurait, d’après elle, monnayé pour faire entrer sa fille à la maternité, lui a interdit l’accès à l’hôpital. Ce qui lui a fait perdre plusieurs minutes à la recherche de la monnaie et  lui verser donc une seconde fois l’incontournable prébende. A l’intérieur, Sanaa qui criait de douleurs était par terre. Deux infirmières et le médecin lui criaient dessus pour l’obliger à se taire, sous prétexte qu’elle exagérait. «Ma réaction face à cette situation lamentable n’a pas été appréciée par le médecin qui a fait intervenir les vigiles. Ces derniers nous ont maltraitées et humiliées. Heureusement qu’un autre médecin est intervenu et a supplié le médecin traitant de réexaminer Sanaa», raconte la mère furieuse. Une consultation qui n’a duré que trois minutes au bout desquelles le médecin a quitté les lieux abandonnant Sanaa sur le paillasson. Elle a pourtant remarqué que la moitié du bébé était déjà sortie du ventre de la mère. C’était au tour des vigiles de s’en charger. Ils l’ont forcée de quitter la salle des consultations et d’attendre debout dans un hall à proximité de la porte d’entrée. Et c’est là que Sanaa a mis au monde son bébé mort-né. «Une infirmière, sous les ordres du médecin, nous a retiré l’ordonnance et a tenté de récupérer les médicaments non utilisés. Chose que j’ai refusé, en se tapant une crise d’hystérie qui a provoqué l’inquiétude du personnel. Ma fille a été transportée sur un brancard. J’ai été évacuée de force à l’extérieur de l’hôpital par les vigiles. Ce sont eux d’ailleurs qui m’avaient annoncé le décès de ma fille quelques heures après  son bébé mort-né. Une nouvelle qui n’a pas tardé à être démentie par un responsable de l’hôpital qui m’a affirmé que ma fille est bel et bien en vie, mais qu’elle était seulement dans un autre pavillon de la maternité», nous a confié Fatima, inquiète pour la vie de sa fille Sanaa, toujours hospitalisée dans cet hôpital.  
Rappelons que l’avant-dernier rapport de la Cour des comptes, daté de 2007, avait très mal classé la maternité de cet établissement. Avec un taux de mortalité  entre 31,84 et 51,69 morts pour 1000 naissances au cours de la période  2003-2005, il faisait partie des lanternes rouges du classement national. La situation semble s’être améliorée depuis lors, mais elle demeure toujours préoccupante. A telle enseigne que d’aucuns qualifient cet établissement de véritable mouroir. Il s’agit certes d’un excès de langage, mais ne dit-on pas qu’il n’y a pas de fumée sans feu ?


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