La torture est là : Quid de l’expertise médicale ?

Les chiffres de Ramid changent à la tête du client


Hassan Bentaleb
Mercredi 4 Novembre 2015

Mustapha Ramid éprouve-t-il du mal face aux chiffres? C’est ce qu’on peut déduire de sa présentation  lundi dernier du budget sectoriel de son département devant la commission de la justice et de la législation à la Chambre des représentants.  Le ministre de la Justice et des Libertés y a avancé des statistiques sur le recours à l’expertise médicale en matière de torture et de mauvais traitements en contradiction avec celles qu’il a annoncées il y  a quelques mois.
Le ministre a indiqué que le taux de réponses des autorités judicaires aux requêtes d’expertise médicale a atteint 70% en 2014 contre 80% jusqu’en août de l’année courante et qu’il pourra atteindre les 100% en 2016.  En 2015, 101 examens médicaux ont été effectués, a-t-il également précisé.
Pourtant,  ces chiffres laissent sceptiques. En fait, lors du Conseil de gouvernement du 13 mars 2014, il avait  indiqué que les services de son département ont répondu favorablement à seulement 11  demandes d’expertises médicales sur les 900 qu’il a reçues  des seules provinces du Sud. 
Toujours en 2014, un rapport du même ministère avait  précisé que le Parquet avait ordonné 48 expertises médicales conformément aux dispositions des articles 73 et 74 du Code de procédure pénale et que le juge d’instruction avait ordonné 14 expertises médicales conformément aux dispositions de l’article 134 du même Code tout en soulignant que cinq poursuites avaient été engagées à l’encontre d’agents responsables de l’application  de la loi et qu’il  y a eu  limogeage d’un procureur qui n’avait pas donné son feu vert à l’expertise médicale demandée par une victime. Des chiffres révélateurs qui en disent long sur les avancées timides réalisées et le chemin qui reste encore à parcourir.
Pour plusieurs acteurs œuvrant dans le domaine des droits de l’Homme, les pourcentages avancés sous la Coupole par le ministre sont à prendre avec des pincettes vu les contraintes qui entourent cette question. Les réticences des procureurs et l’absence de moyens techniques obèrent ce genre de dossiers.   « Les procureurs refusent souvent  de satisfaire les  demandes des détenus alléguant qu’ils auraient été victimes d’actes de torture dans les locaux de la police en prétendant  l’absence d’une relation de causalité entre leurs affirmations et les séquelles constatées sur leurs corps », nous a expliqué Aziz Idamine, membre du bureau exécutif de l’Association Adala. Et de poursuivre : «L’insuffisance patente du nombre de médecins légistes complique davantage cette situation et rend la généralisation de l’expertise médicale très difficile. Le Maroc dispose de seulement 13 médecins légistes  qui doivent couvrir l’ensemble des lieux de détention, à savoir les commissariats de police, les brigades de la gendarmerie, les prisons,  les aéroports et la liste est longue ».  
Pis, le travail de ces médecins est souvent critiqué par les ONG des droits de l’Homme. Elles leur reprochent de rédiger des rapports dans le cadre des enquêtes diligentées sur les allégations de torture, qui ne sont pas conformes aux standards internationaux et notamment du Protocole d'Istanbul. Des insuffisances qui ont également été soulignées par le Rapporteur spécial sur la torture, Juan Méndez, à la suite de sa visite dans le pays en septembre 2012. En effet, ce dernier avait relevé, après examen d'un échantillon de certificats médicaux, « que la plupart des examens sont effectués non pas par des experts médico-légaux mais par de simples cliniciens figurant sur les listes des experts des tribunaux. Ces personnes n’ont aucune formation ou compétence spécifique en matière de médecine légale. Les rapports médicaux produits à la suite d’allégations de torture et de mauvais traitements sont donc de très mauvaise qualité et ne sont pas conformes aux normes internationales minimales régissant les examens médico-légaux auxquels les victimes ont droit et ils ne sont donc pas acceptables en tant que preuves médico-légales. Ni le personnel de santé des prisons ni les cliniciens qui remplissent la fonction d’expert auprès des tribunaux n’ont la formation requise pour évaluer, interpréter et documenter les actes de torture et les mauvais traitements», avait-il conclu.


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