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« La torture existe au Maroc, de l’aveu même du ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme et des relations avec le Parlement et du CNDH, mais il ne s’agit pas, pour eux, d’un phénomène généralisé et systématique. Il s’agit plutôt de cas isolés et dispersés qui ne reflètent pas une volonté politique de l’Etat», nous a expliqué Aziz Idamine, expert international en droits de l’Homme. Et de poursuivre : «Aujourd’hui et en réaction aux assertions de torture rapportées par les détenus d’Al Hoceima, nous nous sommes trouvés face à des officiels marocains qui donnent une nouvelle définition de la torture afin de nier les violations commises contre lesdits détenus. Et là, nous nous trouvons face à un problème que le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a signalé dans son guide à l'intention des institutions nationales concernées par la protection et la promotion des droits de l'Homme». Pour lui, « les critères énumérés dans le premier article de l'accord sur la torture (la constatation de douleurs physiques, psychologiques ou morales, pratiquées par l'un des responsables chargé de l'application des lois ou sous son autorité, afin d'extraire une confession, une vengeance, une discrimination, ...) sont le seuil minimum de toute définition de la torture. Si certains pays cherchent à fournir une définition plus large afin de garantir plus de protection, son travail peut être considéré comme un acte méritoire et peut constituer une bonne pratique, mais si l'objectif est de restreindre la définition afin d'éviter l'impunité, il est rejeté. A rappeler que la Convention contre la torture et les observations générales stipulent que l'allégation de torture demeure crédible jusqu’à la négation des faits par les autorités compétentes, c'est-à-dire que la charge de la preuve incombe à l'Etat et non à la personne qui prétend être victime de torture ».
Ainsi, notre source estime que les critères internationaux sont clairs et qu’il n’y a pas intérêt à susciter un autre débat pour définir la torture. Ceci d’autant plus qu’il y a des individus qui prétendent être des victimes et qui ont besoin d’intervention pour les protéger.
Et qu’en est-il du retard enregistré par le Maroc concernant la présentation de son rapport sur la torture ? « Nous avons noté une régularité dans la présentation des rapports onusiens élaborés par le Maroc entre 2011 et 2014. Il a même rattrapé son retard dans son domaine, mais dès 2015 et jusqu’aujourd’hui, un grand nombre de rapports sont mis dans les tiroirs, tel est le cas du rapport sur la discrimination à l'égard des femmes, celui sur la discrimination raciale, celui sur les travailleurs migrants et celui sur les disparitions forcées. Le 5ème rapport sur la torture a été soumis en novembre 2015», nous a précisé Aziz Idamine.
Et comment peut-on expliquer ce retard ? « Il y a de multiples raisons, dont la plus importante est le revirement de la place du dossier des droits de l'Homme dans l'agenda national. Et à ce propos, il faut se rappeler de la déclaration du ministre de l'Intérieur au Parlement en 2014 dans laquelle il a accusé les associations de défense des droits de l'Homme de servir des agendas internationaux et de perturber les efforts déployés dans la lutte contre le terrorisme », nous a indiqué notre expert. Et d’ajouter : « Ces dernières années, le Maroc était convaincu que la réponse sécuritaire aux problèmes sociaux et ceux relatifs aux droits de l’Homme est suffisante, et que la communauté internationale est noyée dans ses problèmes en relation avec le terrorisme, l'immigration, la montée de l'extrême droite et le discours populiste, et donc, elle ne se soucie pas du fait que le Maroc respecte ou non les droits de l'Homme. Pourtant, ce diagnostic de la situation par l’Etat est erroné, car les violations des droits de l'Homme ne sont ni obsolètes ni oubliées. Lorsque le Maroc, par exemple, va décider de soumettre son rapport sur la torture, il doit répondre à une liste de questions relatives aux noms des responsables chargés de l'application des lois suspectés par le Comité onusien de pratiquer la torture au Maroc en 2005, 2008 et 2011. Il fera également objet de questionnement concernant les cas d’allégations de torture qui n’ont pas été pris au sérieux ».
Ce retard aura-t-il des conséquences ? « Ce retard a d'abord un impact sur l'image du Maroc à l'étranger et sur ses relations internationales comme c’est le cas avec l'Union européenne avec laquelle il partage un partenariat de statut avancé, et avec le Conseil de l'Europe partenaire pour la démocratie. Ce retard laisse également la porte grand-ouverte devant certaines ONG internationales soutenant la thèse séparatiste et qui utilisent la carte des droits de l'Homme pour embarrasser davantage le Maroc. Une situation que certains pays exploitent dans leurs négociations commerciales et économiques avec le Maroc », nous a-t-il expliqué avant de préciser que ce retard affecte également le moral des Marocains puisqu’il confirme le fait que leur gouvernement ne prend pas au sérieux leur protection contre la torture, qu'il permet l'impunité et que les déclarations des responsables judiciaires et gouvernementaux ne sont pas très crédibles. Pis, ils peuvent même se demander sur l'utilité de ces nombreuses institutions chargées de gérer la question des droits de l’Homme (ministère des droits de l'Homme, Conseil national des droits de l'Homme …) qui n’arrivent même pas à rédiger des rapports ne dépassant pas quelques pages.
« Enfin, ce retard risque de pousser les personnes pratiquant la torture à penser qu’elles sont exemptes de toute poursuite judiciaire et de toute sanction, et du coup, à en faire plus dans la pratique de la torture et à ce moment-là, il sera difficile de parler de prévention, de contrôle ou de protection contre la torture», a conclu Aziz Idamine.