Intervenant hier devant la Chambre des conseillers, le chef du gouvernement a indiqué que l’Exécutif va faire baisser le déficit budgétaire de 7,2% du PIB en 2012 à 3,5% à la fin de l’année en cours soulignant que le taux d’endettement du Trésor a baissé à 0,6% à la fin de 2015 contre 3,9% entre 2009 et 2013 et cela grâce à la batterie des réformes entreprises par le gouvernement tout en annonçant que le taux de l’endettement retrouvera sa tendance à la baisse à partir de 2017.
« Ces chiffres manquent de précision, de clarté et demeurent incomplets puisqu’ils sont extraits de leur contexte », nous a précisé Hicham Attouch, président du Forum des économistes marocains (FEM). Et de rappeler: « Tel est le cas des chiffres concernant la dette extérieure car s’il y a effectivement une hausse de cette dernière, il n’en demeure pas moins qu’elle est dérisoire par rapport à celle enregistrée lors de la période qui a précédé 2011 et qui avoisine depuis lors les 14%. Mais ce chiffre cache un autre plus important, en l’occurrence celui de la dette intérieure. Une bonne analyse des indicateurs du Trésor nécessite une lecture simultanée des indices de la dette extérieure et intérieure pour avoir une idée claire du taux d’endettement qui atteint, selon le ministre des Finances, 60,3% alors que les pronostics internationaux la fixent à près de 80% en y incluant celui des établissements et des entreprises publics. Cela veut dire que le trend de l’endettement n’a pas réellement baissé au cas où l’on additionnerait les dettes extérieure et intérieure».
Notre source estime que la dette intérieure pose un autre problème, à savoir celui de l'effet d'éviction qui est une baisse de l'investissement et de la consommation privée provoquée par une hausse des dépenses publiques. « Pour financer le déficit budgétaire, l’Etat se finance sur les marchés financiers via les obligations, les bons du Trésor et autres et cela impacte la capacité d’endettement des entreprises, des ménages et pénalise les agents économiques », nous a-t-elle précisé en ajoutant que la situation aurait été pire s’il n’y avait pas les dons des pays du Golfe et la conversion de la dette extérieure en investissements par certains pays créanciers comme la France ; lesquels ont participé, dans une certaine mesure, à améliorer la situation.
Concernant l’endettement extérieur des établissements et entreprises publics, le président du FEM a souligné qu’il y a certes une hausse de l’endettement de ces derniers due aux grands projets pilotés par ces unités comme l’OCP ou l’ONCF à titre d’exemple. «Le vrai problème n’est pas celui de l’endettement de ces entreprises et établissements publics mais plutôt celui des études d’impact sur la contribution de ces unités dans l’économie marocaine et qui échappe à tout contrôle profond. En fait, les données manquent sur leur contribution à l’IS et à la TVA et aux revenus de monopole et de concessions qui restent dérisoires puisqu’elles ne dépassent pas les 10% des recettes de l’Etat », nous a-t-il précisé avant d’affirmer que le gouvernement doit cesser de lier la hausse de l’endettement extérieur aux grandes stratégies entreprises par le Maroc, puisque ces projets tournent aujourd’hui à plein régime et qu’ils sont rentables. «La phase de démarrage de ces projets remonte à 2005-2009 et, en 2012, année d’investiture de l’actuel gouvernement, ces projets ont pris leur vitesse de croisière et, du coup, il est plus facile de trouver les ressources financières nécessaires à leur extension», a-t-il souligné. Evoquant la baisse du déficit budgétaire souvent citée par le gouvernement comme étant l’une de ses réalisations, Hicham Attouch a indiqué que cette diminution est due en grande partie à la décompensation, à la libéralisation du secteur des carburants, à la réduction de 15 milliards de DH des investissements, au gel des salaires et promotions, à la hausse de la TVA, aux cotisations solidaires, à l’endettement extérieur et aux dons étrangers. « Cela veut dire que la baisse du déficit n’est pas due à un véritable effort de mobilisation ou à l’acharnement gouvernemental mais plutôt à des mesures forcées qui ont pénalisé la consommation intérieures et qui ont été prises sans avoir préalablement procédé à de vraies réformes dont la réforme fiscale. Il faut souligner également que le gouvernement a largement bénéficié de la sortie de crise survenue au cours de ces dernières années (2012-2014) que les experts ont considérées comme fastes», a-t-il conclu.