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Ainsi d’année en année, notre enseignement patauge dans le bourbier de la médiocrité. L’infrastructure scolaire vieillit et certains établissements n’ont de l’école que le nom, les programmes stagnent et les manuels sont dépassés, la qualité de la formation des cadres régresse de plus en plus et subit des réformes impulsives et la formation continue est quasi inexistante, le choix de la langue de l’enseignement n’est pas tranché et on a plusieurs enseignements parallèles, l’enseignement privé qui s’est voulu sauveur est confié à des chasseurs de trésors qui l’ont rendu inaccessible au peuple et l’étau se serre autour de lui après avoir interdit le recours aux enseignants de l’Etat, le niveau des apprenants baisse de génération en génération et même avec un bon niveau, ils n’arrivent pas à accéder à des écoles de leur choix vu les seuils imposés et l’excédent de candidatures. Le marché du travail, quant à lui, est hermétiquement clos et le nombre de diplômés chômeurs s’accumule car leurs diplômes ne répondent pas aux exigences du marché de l’emploi. Par conséquent, la jeunesse, après des années d’études et de labeur, voit ses rêves enterrés par des politiques antisociales et choisit l’émigration, le fondamentalisme ou végète dans l’oisiveté.
En 2014, le constat était clair, l’état de nos écoles a empiré et le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) et de l’enseignement présidé par Driss Jettou qui est appelé à la rescousse après des concertations approfondies, annonce de nouvelles mesures à partir de 2016. Aurons-nous cette fois la chance de voir les théories se traduire en pratique dans un domaine vital au développement du capital humain ?
La crise de l’enseignement au Maroc ne date pas d’hier mais remonte aux années quatre vingt-dix lorsque Feu Hassan II avait tiré la sonnette d’alarme. La Charte de l’éducation et de la formation n’est que le résultat de cet avertissement mais jusqu’à quelle limite elle a réalisé les résultats escomptés et quels sont les principaux écueils rencontrés ?
La Charte de l’éducation et de l’enseignement dont l’application a débuté en 2000 et devait s’étaler sur une dizaine d’années est riche de par son contenu. Exhaustive et diversifiée, elle a indubitablement mis l’accent sur tous les ingrédients nécessaires pour assurer une école de qualité capable de doter les apprenants de potentialités et de compétences pour assurer à la société un système éducatif performant et durable, mais si le début de son application est marqué par un grand engouement et une volonté suffisante, la logistique mise à sa disposition est modeste et les politiques gouvernementales l’ont avortée par la parcimonie des budgets alloués à sa réalisation. Ainsi si à certains niveaux quelques objectifs ont été partiellement atteints comme l’élargissement de l’enseignement au niveau du primaire et la réactualisation des programmes, d’autres n’ont pas bénéficié d’un intérêt particulier.
Néanmoins, ayant ressenti la lenteur du processus et le retard de l’application de la charte, un programme de sauvetage, baptisé « plan d’urgence », fut lancé à partir de 2009, de nouveaux progrès ont été réalisés sur le plan quantitatif. Ainsi le taux national de scolarisation a nettement progressé surtout en termes de parité entre garçons et filles comme pour répondre aux exigences de la Banque mondiale. Mais la qualité de l’enseignement laisse beaucoup à désirer : « En 2011, les enquêtes ont mis en évidence la faiblesse du niveau d’apprentissage des élèves marocains de 4e et 8e années par rapport à leurs camarades des autres pays. Ainsi, 74 % des élèves marocains de la 4èmee année n’atteignaient même pas le premier des quatre niveaux de référence en mathématiques et aucun ne parvenait au niveau supérieur. »
Malgré tous les efforts consentis dans ce domaine et les budgets alloués à ce secteur, les résultats sont décevants : l’état des établissements est lamentable, des bâtiments délabrés, des salles vétustes, un environnement insalubre, absence de sanitaires, d’eau et d’électricité. L’entretien se fait de plus en plus rare par manque de personnel et les équipements sont victimes de surexploitation et parfois de vandalisme. Le matériel didactique, quant à lui, se réduit au strict minimum et aucun effort n’est fait pour l’améliorer ou l’innover.
Les programmes revus depuis une quinzaine d’années frisent le ridicule et deviennent anachroniques car en 15 ans le monde a évolué et les manuels doivent être revus et rénovés si ce n’est pour les améliorer, les enrichir ou les alléger du moins pour les actualiser, les harmoniser avec l’époque et les adapter à la réalité.
La gouvernance des ressources humaines constitue un pallier nécessaire dans le domaine de l’enseignement. Il est vrai que le ministère de l’Education nationale a engagé un processus de décentralisation pour améliorer la gestion des moyens, non négligeables, alloués au secteur avec la création des académies. Cependant, le secteur de la formation et de la formation continue de vivre dans le tâtonnement. Les centres régionaux des métiers de l’éduction et de la formation (CRMEF) qui ont remplacé les trois centres de formation (Régional, CPR et ENS) sont à leur début et il serait trop tôt de juger cette expérience même si elle est marquée par l’improvisation et l’incohérence.
Le problème de la langue de l’enseignement ne cesse d’alimenter les débats depuis l’indépendance du Maroc entre les partisans de l’arabe classique, les adeptes du français auxquels se sont ajoutés les partisans de l’anglais ou l’espagnol et certains ont pratiquement opté pour les langues maternelles : l’amazigh ou l’arabe dialectal. La nouveauté dans ce domaine, peut-être pour faire plaisir à tout le monde, c’est l’instauration des bacs tous azimuts sous le nom de bacs internationaux qui ont scindé les cursus scolaires et risquent d’engendrer des différences flagrantes entre les futurs diplômés. Cette nouvelle version du bac est marquée par l’improvisation surtout dans son volet formation. Nos enseignants ont certes de l’expérience mais pour passer du jour au lendemain d’une langue à une autre, ils ont besoin d’une formation suffisante.
Pour mettre un terme à cette multitude d’opinions, il est temps de trancher par une décision politique, pour une langue unique et généralisée pour tous les niveaux, capable d’assurer un enseignement scientifique performant et avoir recours au besoin à d’autres langues.
Devant les multiples défaillances de l’enseignement public que les ennemis du peuple accusent de grever le budget de l’Etat, l’enseignement privé a gagné du terrain, en bénéficiant de certains avantages comme l’exonération de certains impôts. Mais au lieu de le considérer comme un service public accessible à la majorité des Marocains, pour certains promoteurs, il constitue un investissement qui devrait rapporter de l’argent parfois au détriment de la qualité. Par conséquent, certaines écoles privées sont une espèce de ghettos où s’installent des petits enfants à longueur de journée sous la surveillance de maîtresses ou de gardiennes qui n’ont jamais suivi de formation et qui touchent des salaires misérables. Une autre catégorie de ces écoles un peu décente n’est accessible qu’à une classe aisée car les frais de scolarité sont exorbitants.
Il est certain que l’enseignement privé, en dépit de certaines lacunes, a réalisé des résultats probants et commence à attirer aussi bien les parents que les investisseurs. Mais ce secteur va être privé dorénavant du personnel de l’enseignement public, ce qui va avoir des répercussions sur son rendement et sur sa renommée. Il faut donc penser à la formation des cadres destinés à ces établissements avant de les priver du soutien du public et deux ans de délai sont insuffisants pour réaliser cet objectif.
Par ailleurs, certains établissements privés à vocation professionnelle ne font que délivrer des diplômes dépourvus de valeur scientifique ou technique, ce qui porte atteinte à la crédibilité de la formation.
Après avoir examiné les différentes défaillances de l’enseignement et certaines lacunes des programmes de rénovation tels que la charte, le plan d’urgence, il est d’autant plus ordinaire de constater que le niveau des élèves baisse et que la démotivation s’installe dans les écoles qui forment des milliers de jeunes qui ont des difficultés à intégrer le marché du travail vu l’inadéquation entre l’offre et la demande. Le problème, comme l’a si bien signalé le penseur marocain Mohamed Abed El Jabri, réside dans la société et en particulier l’économie, lesquelles n’offrent pas de débouchés à l’école, car ce sont les besoins de la société qui définissent les objectifs et les finalités de l’école.
L’éducation est un investissement de longue haleine qui exige des efforts soutenus et des politiques cohérentes, souligne Kamel Braham, coordinateur de la Banque mondiale chargée de l’appui des politiques de développement pour l’éducation au Maroc.
Ainsi au lieu des réformes gadgets qui apparaissent avec un ministre et s’estompent avec son successeur, il est temps d’accorder à l’école l’intérêt et le temps nécessaires pour la rendre citoyenne, équitable, humaine et au service du développement social et économique de la Nation.
* Professeur