La politique de l'eau au Maroc: Défis et choix


Abdelhadi Bekour
Dimanche 6 Octobre 2024

La politique de l'eau au Maroc: Défis et choix
A l’instar de nombreux autres pays, le Maroc souffre de stress hydrique après six années consécutives de sécheresse, une situation sans précédent dans l’histoire contemporaine du pays. Le taux de remplissage des barrages n’a pas dépassé les 25 %, et les niveaux des nappes phréatiques ont chuté, affectant la disponibilité en eau par habitant. Cette dernière a atteint environ 600 m³, soit quatre fois moins que la quantité disponible pour chaque citoyen il y a 60 ans. Cette réalité découle des effets manifestes des changements climatiques qui ont altéré les saisons dans plusieurs pays africains.
 
Pour garantir l’avenir de cette ressource stratégique, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a, dans son dernier discours du Trône, exprimé la conscience de l'État marocain face au défi stratégique que représente le stress hydrique et la crise des ressources en eau. Le sujet de l'eau a occupé plus de 80 % de l’ensemble du Discours Royal, un pourcentage très significatif pour un discours généralement consacré à exposer les réalisations et à donner des orientations aux institutions et aux politiques. SM le Roi a souligné que relever ce défi exige davantage « d'efforts, de vigilance, de solutions créatives et de bonne gouvernance dans la gestion. »

C'est dans cet esprit, et avec la conviction que la crise de l'eau au Maroc nécessite la mobilisation de tous les acteurs que l’Espace national des politiques publiques, en partenariat avec le Centre marocain d’études et de recherches en droits de l’homme et en médias, a organisé dernièrement une table ronde intitulée « La politique de l'eau au Maroc : défis et choix ».

Parmi les participants figuraient Dr. Mokhtar Tebitbi, vice-doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d’Aïn Sebaâ ; Dr. Hamid Naïmi, président de l’Espace national des politiques publiques ; Rachida El Mrabet, docteure en biologie environnementale et professeure à l’Université Hassan II ; Oumeima El Fan, chercheuse spécialisée en ingénierie environnementale et développement durable ; Dr. Taher Chaker, ingénieur, expert et acteur politique ; Mbark Afkouh, membre du Comité régional des droits de l’homme de la région Casablanca-Settat ; Ashraf Hakim, spécialiste en ingénierie environnementale ; ainsi que les docteurs Jamal Fekri et Ali Karimi.

Entre autres questions soulevées lors de cette rencontre : quelles sont les manifestations et l'ampleur de la crise de l'eau et ses effets ? Les causes de la crise sont-elles uniquement liées à des facteurs naturels et environnementaux, comme le climat et la sécheresse, ou y a-t-il d'autres facteurs liés à la gouvernance et à la gestion de cette ressource vitale ? Quel est le bilan de la politique des barrages adoptée par le Maroc depuis les années 70 ? Quel rôle jouent les médias et les organisations de la société civile dans la gestion de la crise de l’eau au Maroc ? …..

Le Dr. Mokhtar Tabitabi, modérateur de cette table ronde, a ouvert la rencontre en exposant le contexte général de la rareté de ce qu’il a appelé « l’or bleu » (l’eau), qu’il ne considère pas uniquement comme une pénurie naturelle, mais aussi comme une mauvaise gestion flagrante, déconnectée des attentes des citoyens marocains. Il a cédé la parole, par la suite, à Rachida El Mrabet, qui a souligné l’importance de la recherche scientifique face à cette crise hydrique marquée par la rareté et le stress, exacerbée par la position géographique du Maroc, la hausse des températures et la modification des régimes de précipitations. Elle a également évoqué la nécessité de revoir les choix agricoles et de gérer les ressources en eau à l'aide de l’intelligence artificielle, tout en recourant à la désalinisation de l’eau de mer pour surmonter le manque d’eau dans le pays.

Mbark Afkouh a abordé les bases juridiques du droit à l’eau, évoquant les articles 11 et 12 qui consacrent les droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que les 52 recommandations du Conseil national des droits de l’homme à ce sujet. Il a également insisté sur la nécessité de mettre en œuvre correctement les politiques publiques pour clarifier les orientations et répondre aux attentes.

Pour sa part, Oumeima El Fan a souligné l'importance de bien comprendre la problématique dans son ensemble, étant donné que le Maroc connaît un climat aride, de faibles précipitations et des températures élevées. Elle s'est interrogée sur la nature de la crise : s'agit-il d'une crise des ressources naturelles, d'une crise structurelle ou d’une crise de gouvernance et de gestion ? Elle a aussi remis en question la capacité des 22 milliards de mètres cubes d’eau à couvrir les besoins, comme c’était le cas dans les années 1950 et 1970, alors que le taux d’urbanisation a atteint 67 %, nécessitant des ressources en eau adaptées à cette urbanisation croissante.

Le Dr. Hamid Naïmi a exposé une série de réflexions sur la crise de l'eau au Maroc, soulignant que le pays a enregistré, au cours des dernières années, une série d'indicateurs alarmants concernant les ressources en eau. Il a insisté sur le fait que les politiques publiques actuelles, même si elles ont permis d'atténuer la gravité de la crise, restent insuffisantes, d'autant plus que les infrastructures ne sont pas capables de répondre aux besoins croissants de la population en eau potable. Il a également évoqué l'importance de diversifier les sources d'eau, notamment à travers la désalinisation et l'utilisation de nouvelles technologies pour la gestion des ressources en eau, tout en mettant en garde contre les conséquences sociales et économiques qui découleraient d'une mauvaise gestion de la crise de l'eau.

L'intervention d'Ashraf Hakim  s'est focalisée sur la nécessité de sensibiliser les jeunes générations à la problématique de l'eau. Il a appelé à l'inclusion des questions environnementales et de la gestion des ressources hydriques dans les programmes éducatifs, afin de former des citoyens conscients des défis environnementaux et capables de contribuer à la préservation des ressources naturelles. Il a aussi évoqué l'importance de la recherche et de l'innovation dans la gestion durable de l'eau, citant plusieurs exemples internationaux de pays qui ont réussi à surmonter la rareté des ressources hydriques grâce à l’utilisation de technologies modernes.
 
Abdelhadi Bekour
 


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