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« L’infirmière a été innocentée en première instance qui a jugé que cette dernière n’avait pas commis d’homicide par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, ou qu’elle en a été involontairement la cause comme le stipule l’article 432 du Code pénal », nous a indiqué Abdelmalik Ouladchaikh, président de l’Association du Nord du Maroc pour les infirmiers en psychiatrie et en recherche en sciences infirmières (SMRS). Et de poursuivre : «Une décision qui ne semble pas plaire au Parquet qui a fait appel. De son côté, la Cour d’appel a considéré l’infirmière comme coupable et l’a condamnée à trois de prison ferme et à une amende ».
Dans un communiqué publié à cette occasion, la SMRS a estimé que la décision de la Cour d’appel est injuste et impute la responsabilité à un département de la santé qui manque de sérieux concernant la protection de ses fonctionnaires. D’autant plus que les services psychiatriques manquent gravement de ressources humaines et logistiques. « Le ministère veut se servir de nous comme boucs émissaires pour camoufler l’échec de sa politique en matière de santé psychiatrique. L’ancien ministre de la Santé avait certes fermé le mausolée de Bouya Omar mais il a ouvert une multitude de Bouya Omar au sein des services psychiatriques», nous a expliqué le président de la SMRS. Et d’ajouter : « Nous assistons aujourd’hui à des services surpeuplés, mal équipés et qui manquent de personnels. Un infirmier ou deux sont censés prendre en charge 50 malades dans des conditions lamentables. En fait, les conditions et la qualité des soins dans les services de psychiatrie sont devenus des causes suffisantes pour pousser les malades au suicide. Pis, l’infirmier exerce ses fonctions sous la menace puisqu’il n’est pas protégé contre les risques encourus sachant que 90% des malades en psychiatrie sont des personnes violentes. La même menace est également présente en dehors de nos établissements».
Pour notre source, la santé psychiatrique se résume, chez les responsables du ministère de tutelle, à « cacher » du regard des mortels les malades, les SDF et les personnes en incapacité « ramassés » dans les rues en les « jetant » dans ces services. « Le ministère nous considère comme de simples gardes-chiourmes vêtus de blouses blanches et chargés de subvenir aux besoins de personnes en manque d’hygiène corporelle et alimentaire. Souvent, les infirmiers achètent avec leurs propres deniers, la nourriture, les produits sanitaires et les effets vestimentaires des malades».
Des accusations qui interpellent l’ancien ministre de la Santé qui avait annoncé en grande pompe et à maintes reprises que la psychiatrie faisait partie de ses premières priorités. Elles s’interrogent également sur le sort réservé aux actions prises en vue de réorganiser l’offre de soins en psychiatrie par le développement en urgence de structures spécialisées, la dotation de chaque province d’un hôpital spécialisé ou d’un service intégré ; de garantir le minimum requis en matière de structures de prise en charge pour la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent et de renforcer les formations de base et continue des professionnels de santé mentale, par la création de cursus dédiés aux différents intervenants en santé mentale.
F. Z. Sekkat et S. Belbachir, psychiatres à l’hôpital psychiatrique universitaire Arrazi de Salé, considèrent dans un article intitulé : « La psychiatrie au Maroc. Histoire, difficultés et défis », que cette discipline reste le parent pauvre de la médecine comme en attestent le budget qui lui est alloué et qui reste en deçà des besoins et l’insuffisance des moyens matériels, humains et institutionnels nécessaires au développement de la psychiatrie.
Pour eux, les structures actuelles ne répondent pas de manière adéquate aux besoins en santé mentale de plus en plus croissants au Maroc. Plus de la moitié des provinces restent totalement démunies de toute structure psychiatrique spécifique et l’accès aux soins pour de nombreux malades est donc aléatoire.
Par ailleurs, certains hôpitaux psychiatriques, précisent-ils, sont négligés et inaptes à la prestation de soins de qualité. Ils ternissent encore plus l’image de la psychiatrie, la dévalorisant aux yeux mêmes du personnel médical et paramédical. Les centres de consultations ambulatoires de santé mentale relevant du secteur public sont en nombre très insuffisant et dans un état peu reluisant.
Une situation des plus graves puisque la demande de soins en santé mentale est en constant accroissement, comme en témoignent bon nombre d’indicateurs tant en milieu psychiatrique que médical. Les deux auteurs citent une étude du service d’épidémiologie en santé mentale (enquête nationale de prévalences en population générale 2003-2006) qui a estimé que la prévalence des principaux troubles psychiatriques dans la population générale de plus de 15 ans a été de 26,8 % pour les troubles dépressifs; 9 % pour le trouble anxiété généralisé et 5,6 % pour les troubles psychotiques. Par rapport aux troubles addictifs : l’abus d’alcool représente 2 % ; 1,4 % pour la dépendance à l’alcool, 3 % pour abus de substances et 2,8 % pour dépendance aux substances.