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Moha Souag ne laisse aucune âme sensible échapper à l'ensorcellement de sa couverture qui semble être par sa dimension esthétique et par sa charge sémantique une œuvre d'art. Le créateur a donc investi autrement son aura artistique et l'a mise au service de l'expression calligraphique; il représente une feuille rose et vierge qui a été déflorée par la couleur sanguine d'une arobase mise en vedette. Ce logogramme qui marie en principe entre le nom de l'utilisateur et le site de chat dans lequel il est inscrit, démissionne ici de sa fonction ordinaire pour former selon les termes de Merleau Ponty « La chair du visible »; il se libère de sa géométrie pour se forger dans un corps nouveau, le corps du cœur, et danser avec un paradigme de signifiés dans un labyrinthe de symboles.
L'arobase, comme étant une lettre, fait référence au fossé qui sépare la savoir de l'analphabétisme; tout récepteur ignorant ce signe semble donc être analphabète; ce signe fait référence à la notion du savoir qui se véhicule à travers la lettre. Or ce savoir est ici d'ordre sentimental, il nous initie aux affaires du cœur sous la sphère de l'informatique. A travers cette source pléthorique qui déborde de sens et de symboles ésotériques, l'écrivain nous fait donc découvrir une autre apparence des choses, comme si ce monde était couvert d'un voile; il assume le rôle du guide du peuple; l' instinct du professeur qui l'habite le pousse à déchirer le rideau invisible qui sépare le « moi » de l'univers, ou plutôt du chantre des combats de survie dans l'arène sociale. Souag adopte le culte de Victor Hugo, il est le « porteur de feu » , un Prométhée qui dérobe l'étincelle sacrée aux dieux pour l'offrir aux hommes, pour les faire sortir de l'obscurité , de la torpeur où maintiennent le mensonge, la propagande et la lâcheté aux lumières .L'analyse de l'arobase nous a ouvert les yeux sur la notion du « savoir sentimental », mais que dire de l'arrière-plan rose de ce que nous osons appeler tableau ?
Le rose est la couleur des roses, cette tautologie a des origines légendaires qui sont en relation avec Vénus, la déesse de l'amour dans la mythologie romaine. La légende dit qu'à l'origine les roses étaient blanches, mais un jour Vénus, volant au secours d'Adonis, menacée par Mars, jaloux et maladif, se piqua le pied avec une épine, et son sang colora la fleur en rose. A l'instar de cette déesse mythologique, les personnages de Moha Souag en volant sur les contrées de l'Internet se sont piqués avec l'angle pointu de l'un de ces cœurs entourés d'arobase qui sont implantés dans tous les recoins de l'univers virtuel; le sang qu'ils ont déversé a coloré l'arrière-plan, qui était blanc, par le rose en laissant le logogramme tout saignant. Nous aurons donc affaire à des personnages qui souffrent des répercussions fatidiques de l'Internet et du chat sur leurs vies. Nous avons bien dit les personnages de Moha Souag pour ne pas dire l'auteur lui-même, parce que toutes les créatures sont imprégnées par leur créateur Italo Calvino corrobore cette position dans La machine littérature; il affirme que : « Ce n'est jamais qu'une projection de soi que l'auteur met en jeu dans l'écriture ». Ce souvenir produit donc chez l'artiste une ivresse de l'intériorité, laquelle intériorité se traduit par des lettres libres et spontanées, mais surtout parlantes !
Le chat est donc le terrain sur lequel la machine artistique se met en marche; son culte est chanté dans la cathédrale du paratexte pour inviter tous les ascètes de l'Internet et de la littérature à assister au spectacle des belles lettres. L'œuvre devient sous le signe de « @ » une école qui enseigne le savoir sentimental, mais ses enseignants étaient des boucs émissaires que la littérature a jetés dans le flux et le reflux de l'expérience et d'où ils se sont sortis tous sanglants. Ces images poétiques qui traduisent la façon par laquelle l'écrivain habite le monde nous arrache de notre univers réel pour nous empêtrer dans l'univers diégétique ou bien dans la chair du texte.
* Professeur de français