La poésie comorienne, une poésie qui se cherche


Par M.A.B. Elhad *
Jeudi 4 Novembre 2010

La poésie comorienne, une poésie qui se cherche
«La poésie est un art aimé par tous les Comoriens, un moyen de communication privilégié, entre les individus, entre les diverses couches de la population, entre la société des hommes et celles des femmes et entre les différentes générations», écrivaient Allaoui Masséande et Damir Ben Ali dans l’introduction du recueil de M’bayé Trambwé.
Une poésie riche que le ‘’Cercle Pohori‘’ vient d’éveiller chez bon nombre de Comoriens qui, à l’occasion de la 3ème édition du Festival international de poésie Itinérant en Afrique (FIPIA) (voire Alwatwan n° 623, 625, et 626, et L.G.D. n° 05 et 06) ont compris l’intérêt de la poésie et nombreux sont ceux qui (hommes, femmes et enfants) ont sorti des tiroirs leurs poèmes pour les lire sur les places publiques, quand ce n’était pas à l’occasion de la journée Mbayé Trambwé ou lors des veillées poétiques du Cercle Pohori (Alwatwan 699), circonstances au travers desquelles, des poèmes sont lus en hindou, anglais, comorien, swahili, malgache et en français, et où des diplomates côtoient les Comoriens de tous âges et de toutes origines. Ceci prouve une fois de plus, si besoin est, que la poésie est un art sans frontière et sans restrictions, source où l’on vient puiser des mots, avec ses différents vocables.
La poésie comorienne a connu plusieurs formes et différents genres qui, à n’en plus douter, ont subi particulièrement trois tendances connus, dont les influences arabe, swahilie et française. Nous référant aux classiques comoriens dont Mbayé Trambwé Sultan du Washili et roi des poètes comoriens ou M’chinda M’timbé, pour ne citer que ces deux-là, nous constaterons que leurs œuvres sont le résultat d’une méditation sur le destin de l’homme, se référant à son patrimoine qui est l’histoire, la mythologie, la religion et la philosophie. Ceux qui ont eu la chance de participer au FIPIA de Koimbani et ont pu se concentrer sur le poème de M’chinda M’timbé, lu par son imitateur Toilib, ont pu constater le style ésotérique de sa composition, tandis que, le regretté commissaire Said Toihir originaire de Singani était un poète du sacré ou du religieux, ses poèmes (Mashayinri) lus régulièrement sur les antennes de Radio Comores au mois de Ramadan, témoignent de son mysticisme, et l’ex-ministre des Affaires étrangères, le poète Soef Elamine a consacré une étude à son œuvre. On retrouve dans ce chapitre des contemporains comoriens qui écrivent en langue française.
La poésie panégyrique comorienne
La poésie comorienne d’inspiration panégyrique, est avant tout orale et présente en toutes circonstances sur l’ensemble du territoire. Que ce soit au cours d’un mariage, lors de festivités de circoncision, quand elle n’est pas utilisée comme instrument de propagande politique ou pour bercer un enfant.
C’est tout simplement une poésie de louange le plus souvent chantée.
La poésie comorienne d’expression arabe
Elle se présente de deux genres : orale et écrite. Orale tout d’abord, elle est beaucoup plus sacrée que magico- religieuse, et prend la forme de chant ‘’Kaswida‘’ aux accents panégyriques à l’égard des saints ou des lieux saints tels que la Mecque et Médine. Parfois cette poésie qui n’est pas forcément rimée, peut ressembler à un discours ou alors prendre la forme d’une prière.
 Quant à la poésie arabe écrite aux Comores, elle peut l’être avec des lettres arabes et une signification arabe ou comorienne. Ici on peut retrouver des érudits tels que le regretté Kamardine de M’béni ou Sélim. A.Bakre (père de Bazi Sélim) originaire de Mitsoudjé. Ou encore des hommes cultivés plus jeunes tels que Fundi Mouhiddine de Mbéni, sortant de l’une des prestigieuses écoles de culture arabo-islamique dont la fameuse El-Azhar du Caire, auteur d’une poésie que nous pouvons estimer plus élaborée, quand bien même écrite en arabe classique d’inspiration lyrique ou épique.
La poésie comorienne d’inspiration swahilie
Quant à la poésie de courant swahilophone, elle est très limitée par rapport au reste. Son influence se limite à la population comorienne ayant étudié ou vécu dans le monde swahilophone, (Tanzanie, Zanzibar, et Mombassa) et utilisant comme langue vernaculaire le Kisawahili. C’est une poésie tantôt lyrique, tantôt satirique.
La poésie comorienne de langue française
 L’autre tendance, c’est celle de la poésie comorienne de langue française, qu’elle soit libre ou conforme aux exigences des genres, des formes, des rythmes et de la rime, elle a son lexique propre, ce qui la rend moderne à bien des égards.
Elle est avant tout celle des nouvelles générations. La nouvelle vague des poètes comoriens s’exprime en langue française, tout simplement parce qu’elle est aux Comores, la première langue officielle. Une langue qui est plus ou moins maternelle parce que, celle du colonisateur, donc la plus appropriée au Comorien pour s’ouvrir au monde francophone auquel le Comorien appartient, influencé par la poésie française apprise sur les bancs de l’école.
Il suffit de lire «l’Introduction à l’anthologie de la poésie comorienne» de Carol Beckett aux Editions L’harmattan ou le recueil de poèmes produit par le Programme Culturel Bantou du CI.CI.BA. (C.N.D.R.S), ou les journaux de la place, pour constater l’effervescence que connaît la poésie dans notre pays qu’elle soit en vers réguliers, libres ou en alexandrins.
 C’est ainsi que l’on peut découvrir les poèmes d’Ali M’lindé, Aboubacar Said Salim, Dini Nassure, M.A.B.Elhad, mais aussi des jeunes filles telles que Halima Mohamed Soilihi, Saouda Said Omar. S.Madjid. Le constat que l’on peut faire chez la nouvelle génération des poètes comoriens, c’est que, d’une certaine manière, leurs écrits sont beaucoup plus lyriques parfois marqués par une tendance nationaliste, plus engagée vis-à-vis des préoccupations immédiates, même si ces poètes n’ignorent pas les sujets habituels de l’homme : la vie, l’amour, la mort, les soucis du quotidien, le bonheur, lemalheur, les rêveries, etc.
D’autre part, le vers libre prend de plus en plus d’ascendant sur la rime comme pour se libérer des contraintes de l’alexandrin. Toutefois, il faut reconnaître que certains poètes préfèrent et de loin, rester dans la musique des mots que constitue la rime.

* Poète, photographe, artiste
calligraphe et auteur
de «Kawulu la Mwando» paru aux Editions Komédit


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