Les chercheurs ont travaillé sur les données nationales américaines de 2000 à 2005 de près de 51000 adultes âgés de 18 à 90 ans inclus dans le panel «Medical Expenditure». Il s’agit là d’une vaste enquête prospective de santé publique lancée en 1996 conduite sous l’égide des autorités sanitaires américaines et sur laquelle on peut en savoir plus ici. Depuis Sacramento (Californie), les Drs Anthony Jerant et Peter Franks se sont attachés à comparer sur une période de six années deux types de données: celles concernant les personnes ayant un poids «normal» et celles qui avaient un poids supérieur à cette même normalité définie à partir du célèbre «index de masse corporelle» (IMC).
Un peu plus de 3% des participants sont décédés durant la période de six ans de l’étude. Au final, les auteurs constatent que les personnes sévèrement obèses (IMC > 35) sont 1,26 fois plus susceptibles de mourir que les participants de poids normal. Toutefois, si l’on écarte les personnes souffrant de diabète ou d'hypertension artérielle, les participants en surpoids, obèses ou même sévèrement obèses présentent des taux de mortalité inférieurs aux personnes de poids normal. En revanche, les personnes souffrant d'insuffisance pondérale ont un risque presque double de décès que les personnes ayant un poids normal, indépendamment de la présence d’un diabète ou HTA.
Fort de ces données, le Dr Anthony Jerant recommande que le dialogue entre médecin et patient mette l'accent sur les effets négatifs (déjà bien connus) du diabète et de l’hypertension artérielle plutôt que sur une augmentation à court terme d’un risque de décès prématuré associé au surpoids. Et en cas d’obésité sévère, accompagnée de l’une ou l’autre de ces affections (et a fortiori des deux), il souligne qu'il est essentiel d’avertir les patients sur leur risque de mortalité accrue à court terme et de commencer un traitement incluant un régime de perte de poids.
Il n’en reste pas moins vrai que le surpoids et l’obésité restent une menace pour la santé individuelle autant que publique. On sait que la prévalence de ces deux situations a augmenté de façon spectaculaire dans les dernières décennies. C’est tout particulièrement vrai aux Etats-Unis où les surcharges pondérales sont très fréquemment associées au diabète et à l’hypertension artérielle, mais aussi aux affections cardiaques, articulaires et à l’apnée du sommeil. Dans ce pays, les relations entre le poids et la mortalité demeurent un sujet controversé en matière de santé publique. Cette étude remet l’hypothèse dominante sans toutefois affirmer que le surpoids n’a aucune incidence sur la santé.
Et c’est un autre regard –planétaire– qui est porté sur les surpoids et l’obésité avec l’étude de la London School of Hygiene and Tropical Medicine à paraître sur BioMed Central (BMC Public Health). On est loin ici des préoccupations médicales et humanistes précédentes. Sarah Walpole (Université de Leeds, Royaume-Uni) et ses collègues de la célèbre institution londonienne ont utilisé les données onusiennes et les statistiques nationales de démographie et d'IMC. Ils découvrent qu’en 2005 les membres (adultes) de l’espèce humaine pesaient au total environ 287 millions de tonnes (Mt); soit 15 Mt de surpoids global dont 3,5 Mt trouvent leur origine dans des IMC supérieurs à 30. L'Amérique du Nord où vivent 6% des habitants de la planète, réunit 34% de la masse due à l'obésité. A rapprocher de l’Asie: respectivement 61% et 13%.
Poursuivant leur réflexion écologique et militante, les auteurs s’interrogent sur le coût de cette surcharge pondérale en termes de calories consommées. Et ils calculent que le surpoids de l'humanité correspond aux besoins caloriques de 111 millions d'adultes de corpulence moyenne. Et d’ajouter que si tous les pays avaient la même répartition de l'IMC que dans la population américaine, la masse humaine augmenterait de l'équivalent du poids d'un milliard d'individus de corpulence moyenne. Cette surcharge équivaudrait à consommer la nourriture qui permettrait de faire vivre 473 millions de personnes (d’un poids normal). On observera que les auteurs ne formulent pas de recommandations concrètes pour résoudre l’équation dont ils fournissent les termes. Et à la réflexion on peut estimer que c’est préférable.