Jeudi à Washington, le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif devait discuter avec le président américain Barack Obama des perspectives de paix en Afghanistan -- mais son propre pays peine à s'attaquer aux racines de l'extrémisme islamiste.
En juin dernier, l'armée a lancé une offensive attendue de longue date contre les extrémistes armés qui agissaient jusque-là en toute impunité dans les zones tribales du Waziristan du nord.
Et en décembre, Islamabad a annoncé un ambitieux "Plan d'action national" (PAN) contre les groupes violents, après le tollé déclenché par une attaque des talibans contre une école de Peshawar, où les insurgés ont massacré plus de 150 personnes - en majorité des enfants.
Un moratoire sur la peine de mort, en place depuis six ans, a été levé, et la Constitution a été amendée afin de permettre aux tribunaux militaires de juger les auteurs d'attentats.
Les résultats ne se sont pas fait attendre. En 2013, 170 attentats ont été recensés, avec 1.202 morts, mais en 2014, ce sont 110 attaques qui ont fait 644 morts, selon un bilan compilé par l'AFP et des ONG, en l'absence de chiffres officiels. Et en 2015, le nombre d'explosions s'est limité à 36 jusque-là, avec 211 morts.
Les Pakistanais recommencent à participer à des rassemblements publics, comme la Journée de l'indépendance, fêtée en août par des milliers de personnes, y compris à Karachi où la police a repris récemment des quartiers tombés aux mains des talibans.
"C'est beaucoup plus paisible maintenant", estime Mohammad Ameen, un garagiste de la ville. "Avant, tout le monde avait peur, s'inquiétait... Mais les choses ont changé", se réjouit le trentenaire.
Obama a salué la semaine dernière, lors d'un discours à la Maison Blanche, le succès de l'opération militaire en cours au Pakistan.
L'assaut contre les islamistes armés semble avoir poussé plusieurs institutions à s'opposer plus ouvertement aux extrémistes. Ainsi, la Cour suprême du Pakistan a confirmé ce mois-ci la peine de mort à l'encontre de l'assassin d'un homme politique tué pour avoir tenté de réformer la loi sur le blasphème -- un verdict salué par les modérés comme un coup porté au fanatisme religieux.
Mais le répit pourrait n'être que de courte durée, les critiques soulignant que la seule réforme sur le long terme est la reprise controversée des exécutions. En outre, l'efficacité de la reprise des exécutions, une mesure phare du Plan d'action national, est remise en question.
Environ 250 condamnés à mort auraient été exécutés depuis décembre, selon les décomptes effectués par l'AFP et des défenseurs des droits de l'Homme, en l'absence de chiffres officiels. Seul un quart des suppliciés ont été condamnés pour des faits de terrorisme.
Et une étude récente de l'Institut pakistanais des études sur la paix suggère que de toute façon, la pendaison ne dissuade en rien les extrémistes car "nombre sont (...) prêts à mourir pour leur cause".
Par ailleurs, "le gouvernement n'a pas le courage nécessaire pour (...) placer sous son contrôle permanent les écoles coraniques", souligne-t-on. Or, le programme enseigné aux enfants dans ces établissements n'est pas ou peu contrôlé, et certains sont accusés d'être financés par des pays étrangers, notamment du Golfe, ce qui fait craindre qu'ils ne soient des terreaux d'intolérance voire d'extrémisme.