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"Mais les choses ne vont pas bien cette année", ajoute-t-il.
Dans la Ruelle des fruits de mer séchés, coeur du quartier --odorant-- dédié à la vente de ces produits sur l'île de Hong Kong, Leung Wing-chiu a vu ses ventes baisser de 20% sur un an. "La campagne prônant la frugalité m'enlève le pain de la bouche", soupire le commerçant de 94 ans, également président de l'association des marchands de fruits de mer séchés. "La demande de Chine continentale, notamment des hôtels et restaurants, a fortement diminué. C'est notamment le cas pour les produits les plus luxueux tels que les ormeaux (abalone), les ailerons de requin et les nids d'hirondelles", déclare le nonagénaire.
Deux groupes de distribution alimentaire, Tang Palace Holdings et Xiao Nan Guo Restaurants Holdings, cotés à la Bourse de Hong Kong, ont averti en juillet que leurs résultats pâtissent de cette lutte contre les banquets ostentatoires et autres signes de richesse.
Tang Palace évoque "une série de règlements et de restrictions en faveur de la frugalité et contre les dépenses, promulguées par le gouvernement chinois" tandis que Xiao Nan Guo explique la baisse de son bénéfice au premier semestre par "la longue campagne d'austérité lancée par le gouvernement pour freiner les dépenses et les divertissements de luxe".
Les dirigeants chinois, à tous les niveaux de la hiérarchie, ont l'habitude d'organiser des réceptions onéreuses, autour de banquets au menu sans fin, le tout largement arrosé. Ces fêtes ont pour objet de consolider les relations d'affaires, graisser les roues du pouvoir et étaler sa richesse et son statut.
Les experts et les médias estiment à au moins 300 milliards de yuans (36,7 milliards d'euros) la somme consacrée chaque année à ces festins en Chine.
Devenu président en mars dernier, Xi Jinping s'est engagé à lutter contre la corruption endémique à tous les niveaux du gouvernement, un fléau, qui, selon lui, menace l'avenir du parti unique au pouvoir. La Commission centrale militaire a déjà interdit les grands banquets depuis fin 2012. Zhu Jiangnan, coordinateur des études sur la Chine à l'université de Hong Kong, note que les festins se trouvent dans "une zone grise" en matière de corruption.
"En Chine, le terme +corruption+ (fubai) évoque non seulement les pots-de-vins, les détournements de fonds, mais aussi les tendances jugées peu saines, telles que (les dépenses) extravagantes et le gaspillage", explique-t-elle à l'AFP.
Pour Wong Hiu-wan, qui vend des nids d'hirondelle, un ingrédient de luxe utilisé depuis des siècles dans la cuisine asiatique, la baisse de ses ventes s'explique par les directives de Pékin. "On doit compter à présent sur la clientèle locale car les commandes des hôtels et restaurants du continent ont chuté", dit-il.
Mais beaucoup soulignent que ces mets commençaient à souffrir d'un désamour des gourmets, bien avant que les banquets soient proscrits. "Les Chinois se tournent de plus en plus vers des mets occidentaux, et plus respectueux de l'environnement, délaissant ainsi les ormeaux et les ailerons de requin", note Ren Guoqiang, analyste au cabinet de consultants Roland Berger & Partner. La dégustation des ailerons de requin notamment est vivement critiquée par les associations de défense de l'environnement.
Bruce Shou, un gastronome chinois de Hangzhou, qui se rend souvent à Hong Kong, acquiesce. "Les sashimis, les steaks, le foie gras m'attirent plus. Les ormeaux me paraissent comme des plats démodés et bureaucratiques", déclare-t-il.