La guerre de Corée n’aura pas lieu


Par Pol Mathil *
Samedi 4 Décembre 2010

La guerre de Corée n’aura pas lieu. Certes, on assiste à une escalade : pour la première fois depuis la guerre de 1950-53, le Nord a osé bombarder une zone d’habitation civile du Sud. Mais pas de panique. La réaction du monde sera la même que d’habitude : une version de la même protestation envoyée après chaque « intolérable agression » du régime des Kim.
Nous n’avons pas réagi autrement quand, en janvier 1968, un commando du Nord a attaqué la Maison Bleue, la résidence présidentielle de Séoul (100 morts), ni quand en novembre 1983, un autre commando du Nord a tiré… à Rangoon contre le président sud-coréen Chun Doo-hwam (17 morts, dont quatre ministres), ni quand en novembre 1987, la bombe, placée par deux agents nord-coréens, a démoli un Boeing de la Korean Airlines en plein air, tuant 115 personnes… et j’en passe.
Pourquoi cette clémence face à un régime criminel ? Pourquoi ne réagit-on pas à ces provocations ? Parce qu’une véritable riposte n’est dans l’intérêt de personne.
La guerre, n’en parlons pas, celles qui sont en cours nous suffisent.
Reste « l’endiguement », la stratégie des Etats-Unis visant à stopper l’expansion soviétique après la Seconde Guerre mondiale.
Mais il n’y a pas de Gorbatchev en Corée. La perspective de la chute du régime des Kim dessine deux scénarios possibles pour la Corée du Nord : une folle action préventive ou, moins apocalyptique, l’implosion. Mais elle provoquerait surtout l’absorption du Nord par le Sud, qui se trouverait inondé par les réfugiés du Nord, ce qui anéantirait pour longtemps son actuel progrès économique spectaculaire.
A quoi il faut ajouter la diplomatie. La Chine, protecteur stratégique du gang du Nord, ne permettra ni la disparition de sa « base » coréenne qui hante le Japon ni la création d’une grande Corée unifiée, alliée des Etats-Unis. Quant aux Russes, ils n’ont aucune raison de renoncer à soutenir un régime qui complique sérieusement la politique américaine.
Double conclusion. Il ne s’agit pas de provocations, mais de chantage : vous nous aidez à nourrir notre peuple et à construire les bombes, sinon il y aura de nouvelles « provocations ».
Et ça marche. Les grands acteurs de cette farce hautement risquée sont incapables d’entreprendre une action commune, la seule qui soit efficace pour contrer le danger du Nord.
L’ONU aurait immédiatement dû convoquer le Conseil de Sécurité et condamner l’agresseur. Inutile. Le Conseil est paralysé par le veto, dont se servent les superpuissances pour torpiller chaque proposition un tant soit peu utile.
Bref, la soi-disant « communauté internationale » n’est qu’une fiction, incapable de toute initiative sérieuse. Quant aux grandes puissances qui ne se hâtent que lentement, elles évitent, en fait refusent, de riposter aux agressions, que ce soit en Corée ou au Soudan, au Tibet ou en République démocratique du Congo ; au point que cette impuissance tend, partout, à devenir une donnée fondamentale de l’ordre mondial de notre siècle.
Que faire ? Tendre l’autre joue. Il y en a deux cents aux Nations unies. Il ne reste qu’à bien choisir.

* Journaliste d'origine
polonaise vivant en Belgique.


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