La fin de la détention provisoire n’est pas pour demain


Hassan Bentaleb
Samedi 6 Avril 2013

La fin de la détention provisoire n’est pas pour demain
Les chiffres ont bien fini par démentir les déclarations de Mustafa Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, sur l’existence d’une tendance générale vers la suppression de la détention préventive, notamment au niveau de la Première Instance. En effet, le taux des prisonniers en détention préventive a atteint les 46%, voire parfois les 80%  de l’ensemble de la population carcérale en 2012 contre 44,68% enregistrés fin octobre de la même année.   Une situation qui ne semble pas du goût des associations des droits de l’Homme qui n’ont pas cessé d’appeler  non pas à une suppression de la détention préventive mais plutôt  à une précision de cette notion, de ses modalités de mise en application et de ses limites.
Pour eux,  cette mesure d’exception doit être appliquée  là où elle est indispensable car elle peut avoir des conséquences particulièrement graves sur la personne qui, quoique présumée innocente, est emprisonnée.
«  La détention préventive peut parfois provoquer des drames humains  comme c’est le cas de ce père de famille qui s’est suicidé après avoir été innocenté après une année de détention préventive. L’homme a été relaxé sans être indemnisé et après que sa réputation a été salie.   C’est également le cas d’un cadre du ministère de l’Economie et des Finances encore prisonnier en détention préventive malgré les garanties qu’il a présentées au Parquet  et au juge d’instruction », nous a indiqué Mohamed El Nouhi, membre de l’Instance marocaine des droits de l’Homme. Des propos que partage Me El Bassraoui Allal, avocat,  qui nous a expliqué que la mesure en question touche, en principe, à la présomption d’innocence  défendue par la Constitution et les conventions internationales. « Nombreux sont ceux qui ont passé des mois voire des années en détention préventive avant d’être innocentés », nous a-t-il confié.
Pour  Mohamed El Nouhi, l'usage excessif de la détention provisoire traduit la domination de la culture de la punition chez les procureurs et les juges d’instruction.
Une conduite  que Me El Bassraoui Allal explique par le fait que le Parquet estime que son autorité et son aura sont fortement liées à sa capacité à incarcérer les individus. « Le Parquet use et abuse de son pouvoir de détention, ce qui a des effets parfois néfastes sur les libertés individuelles », a-t-il précisé.
Notre source pense que l’usage excessif de cette mesure trouve également son explication dans la lenteur des procès au Maroc. « Beaucoup de présumés coupables ont dû attendre plusieurs années avant qu’un jugement définitif ne soit prononcé. Mieux, une grande partie de ces jugements débouche sur des non-lieux ou des acquittements », a-t-il souligné.
D’autres causes et pas des moindres expliquent cette application abusive de la détention préventive, c’est  le non recours aux mesures alternatives.  « Ces dernières ne manquent pas, mais leur application  par le Parquet ainsi que par les juges est de plus en plus rare », a-t-il déclaré.
Une situation qui a de lourdes conséquences, selon notre source, puisque ces mêmes prisonniers font accroître  la surpopulation de nos prisons, ce qui  provoque d’autres problèmes plus graves. « La surpopulation handicape le rôle éducatif des établissements pénitentiaires. Mieux encore, elle engendre de nouvelles charges financières pour les caisses de l’Etat », nous a-t-il indiqué avant de conclure que la situation est alarmante et qu’il est temps pour le législateur de pallier les insuffisances de la loi tout en respectant les droits et libertés des individus.


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