La désinformation sur le coronavirus bat son plein

Facebook montré du doigt


Hassan Bentaleb
Mercredi 26 Août 2020

 Facebook est-il une source fiable d’information pendant cette pandémie de Covid-19 ? Non, à en croire l'organisation Avaaz qui considère ce réseau social comme « une menace majeure pour la santé publique ». 
Dans un récent rapport établi par cette organisation non gouvernementale de cybermilitantisme, la désinformation sur la santé sur Facebook a été vue plus de 3,8 milliards de fois tout au long de l'année dernière, atteignant son pic et son trafic maximum pendant la crise sanitaire du Covid-19. Le pic de cette désinformation s'est produit en avril 2020 avec plus de 460 millions de visites enregistrées sur Facebook alors que ce réseau social a annoncé son intention d’informer les utilisateurs qui "likaient" ou réagissaient aux informations erronées et nuisibles sur le coronavirus. « Cela suggère que juste au moment où les citoyens avaient le plus besoin d'informations crédibles sur la santé, et alors que Facebook tentait d'augmenter de manière proactive le profil des institutions de santé faisant autorité sur la plateforme, son algorithme était potentiellement en train de saper ces efforts et de contribuer à augmenter le contenu des sites Web diffusant des informations erronées sur la santé à un rythme stupéfiant », précise le rapport.
En effet, Avaaz a observé que Facebook n‘a procédé à aucun étiquetage avertissant contre les informations erronées sur la santé. Selon le rapport, 84 % des articles/posts, objets d’échantillon de ce rapport,  ne comportaient pas d'avertissement. Seulement 16 % de toutes les informations erronées analysées dans l'étude en portaient.
Le cœur des réseaux mondiaux de désinformation étudiés dans ce rapport est constitué par 82 sites Web connus pour la diffusion de la désinformation sur la santé, dont les articles sont amplifiés sur Facebook via des pages, des groupes et des profils individuels. L’organisation a identifié que 42 pages Facebook, classées comme "moteurs clés de l'engagement" pour les principaux sites de diffusion de la désinformation sur la santé, sont suivies par 28 millions de followers  et bénéficient d'environ 800 millions de vues. 
Le rapport a relevé que les dix premiers sites Web sur les 82 qui diffusent des informations erronées sur la santé ont reçu « quatre fois plus de visites » sur le réseau social que les dix principales institutions de santé comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils ont, à eux seuls,  atteint près de 1,5 milliard de visites estimées au cours de l'année écoulée, ce qui représente près de 40 % des 3,8 milliards de visites estimées de l'ensemble des réseaux.
Parmi les pires informations erronées identifiées par le rapport figure un article (8,4 millions de vues) affirmant qu'un programme de vaccination contre le paludisme soutenu par Bill Gates a conduit à la paralysie de près d'un demi-million d'enfants en Inde. Un autre article prétendait à tort que l'American Medical Association encourageait les médecins et les hôpitaux américains à surestimer le nombre de décès dus au Covid-19. Un article contenant de faux remèdes pour des maladies mortelles, comme l'argent colloïdal pour le virus Ebola, a bénéficié de 4,5 millions de vues. Une publication affirmant que la quarantaine nuit à la santé publique a été vu 2,4 millions de fois par les utilisateurs de Facebook.
Avaaz a déclaré que les pages Facebook publiques restaient l'un des principaux facteurs de contenu trompeur, en représentant 43 % du total estimé des vues. Parmi ces pages publiques, l’organisation a identifié 42 pages Facebook "super-diffuseurs" qui ont généré au moins 100.000 interactions sur des messages liés aux 82 sites Web de diffusion de la désinformation sur la santé.
Ces pages ont également agi comme un porte-voix pour une grande partie de leur contenu en partageant et en dirigeant les utilisateurs vers ce contenu de manière répétée. Selon le rapport, ces pages ont généré à elles seules 800 millions de vues estimées et ont constitué plus des trois quarts (76 %) des vues estimées de tous les sites Web provenant des pages Facebook.
Le document d’Avaaz révèle que ces pages ont été créées il y a plus de sept ans et que leurs acteurs ont été actifs sur la plateforme des médias sociaux depuis un certain temps tout en précisant que ces pages ne sont pas exclusivement destinées aux personnes à la recherche de conseils en matière de santé puisque près de la moitié de ces pages ont des intérêts politiques ou alternatifs. A noter que près de 125 millions de faux comptes  qui sont, selon Facebook, toujours actifs sur la plateforme, faussent également et en permanence l'algorithme d'une manière qui n'est pas représentative des utilisateurs réels.
Pour les rédacteurs de ce rapport, c’est la nature sensationnaliste et provocante des informations erronées sur la santé qui pousse les individus à « liker » et partager ces informations. Ce qui est souvent interprété par l'algorithme de Facebook comme une raison pour renforcer davantage ce contenu dans le fil d'actualité, ce qui augmentera encore la visibilité et le nombre d'utilisateurs qui suivent les pages/sites Web partageant la désinformation.
Facebook a déclaré publiquement en 2018, après le scandale de  Cambridge Analytica et la crise de la désinformation à laquelle il a été confronté en 2016, qu'il avait repensé ses mesures de classement pour ce qu'il inclut dans le fil d'actualité. Ce nouveau rapport démontre qu'il échoue encore à empêcher l'amplification de la désinformation et les acteurs qui la diffusent.
Le Maroc, même s’il ne fait pas partie des pays visés par l'enquête d’Avaaz, a connu aussi, depuis l'apparition des cas de coronavirus, ce phénomène de désinformation sur les réseaux sociaux dont Facebook. Les autorités ont arrêté 56 personnes accusées de propager des "rumeurs mensongères" dans plusieurs villes du pays depuis début mars. Nombre de ces fausses informations nient  l’existence du Covid-19 ou diffusent  des vidéos ou des images de  personnes inconscientes ou qui ont fait des malaises dans la rue et les présentent comme des victimes du nouveau coronavirus. 


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