Dr. Imane Rouhli : L’ESPT peut se déclarer à distance de l’évènement traumatique selon une temporalité variable des semaines ou des mois après
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Comportements d’évitement
Troubles fréquents et invalidants pouvant devenir chroniques avec des effets délétères importants dans le fonctionnement socioprofessionnel et affectif, comme le définit notre interlocutrice, l’état de stress post-traumatique est une pathologie dont la particularité est d’apparaître lors des grandes catastrophes, à la suite d’une agression ou d’un accident (blessure grave, violence sexuelle, catastrophe naturelle). Qu’il y ait traumatisme corporel ou pas. Pour faire le parallèle avec l’actualité, les ESPT attendus par les professionnels de la santé mentale sont « liés à la maladie, le passage par la réanimation, l’annonce brutale des décès des proches ou encore le sentiment d’impuissance, le doute et l'incurabilité », précise le Dr. Imane Rouhli. En partant de ce principe, outre les pompiers ou les policiers, les ESPT peuvent également toucher, surtout en cette période de crise sanitaire, les soignants et les membres de la famille d’une personne atteinte ou décédée des suites du nouveau coronavirus. Selon notre interlocutrice, diagnostiquer les ESPT, c’est faire particulièrement attention à des comportements d’évitement face aux souvenirs, pensées, sentiments et situations qui peuvent rappeler l’événement traumatique. Mais pas que.
Dure plus d’un mois
Les personnes souffrantes d’états de stress post-traumatique se caractérisent par une altération des pensées et de l’humeur comprenant, entre autres symptômes, « une perte de mémoire face à certains éléments importants de l’événement. Une persistance de croyances négatives ou d’attentes exagérées face à soi-même, aux autres, ou au monde en général. Mais encore, des pensées déformées sur la cause et les conséquences de l’événement amenant la personne à se blâmer ou à blâmer les autres », explique le Dr. Rouhli tout en rappelant que les changements marqués dans l’excitation et la réactivité avec une hyper-vigilance, des comportements imprudents ou autodestructeurs ainsi qu’un sommet perturbé, sont également des manifestations à prendre en considération. Ces perturbations auxquelles sont étrangères toutes substances ou état pathologique, « durent plus d’un mois et entraînent une détresse ou une incapacité importante dans les dimensions sociale, professionnelle, ou toute autre dimension importante du fonctionnement», poursuit Imane Rouhli.
Sentiment de danger permanent
Les processus physiologiques, psychologiques et cognitifs sont affectés dans le cas des ESPT. En clair, cela veut dire que la mémoire, l'attention, les affects, les cognitions ou encore les comportements s’en trouvent perturbés. Le processus pour en arriver à ce point n’est pas formellement établi. Car si l’ESPT se distingue par des troubles anxieux concernant les perturbations de la mémoire, «certains auteurs font l’hypothèse qu’il existerait un mauvais traitement cognitif des informations liées à l’événement traumatique et à ses conséquences. Ce mauvais traitement cognitif serait à l’origine d’un sentiment de danger permanent», indique le Dr. Rouhli. Ainsi, l’ESPT ne se développerait que dans le cas où le sujet traite les informations en conservant la sensation permanente de danger imminent. « Lorsque cette perception de danger est permanente, elle génère un ensemble de mécanismes cognitifs visant à diminuer le sentiment de menace et l’anticipation de la détresse», développe notre interlocutrice pour qui l'ensemble des stratégies adoptées par la personne atteinte d’ESPT « empêcheraient la résolution du trouble par un changement cognitif, et tendraient à le rendre chronique ».
Thérapies et antidépresseurs
Aux quatre coins de la planète, les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont le pilier de prise en charge des états de stress post-traumatique, avec pour cheville ouvrière « des techniques classiques et validées comme la psycho-éducation, la gestion de l’anxiété, l’exposition et la restructuration cognitive», indique le Dr. Rouhli. Puis d’ajouter : «Plusieurs types d'approches complémentaires peuvent être proposés. Il s'agit notamment des thérapies centrées sur un réentraînement cognitif des biais attentionnels, la méditation en pleine conscience ainsi que l’utilisation des nouvelles technologies pour des thérapies à distance sur Internet ou assistées par la réalité virtuelle. » Mais pas seulement.
Les traitements médicamenteux ont également leur place dans le traitement des ESPT. A commencer par les antidépresseurs. « Ils sont indispensables en association avec la psychothérapie ou en cas de complications ou de comorbidités avec un trouble anxieux, un trouble dépressif, un trouble addictif. C’est aussi le cas s’il y a morbidité suicidaire » souligne notre interlocutrice. Puis d’ajouter :« La morbidité suicidaire représente actuellement pour beaucoup, une difficulté pronostique majeure dans le champ du psychotrauma ». En tout cas, l’évolution de l’ESPT n’est pas linéaire. On parle plutôt d’une évolution fluctuante car elle dépend de plusieurs facteurs. En conséquence, « 40% des sujets guériraient totalement, 50% conservant des manifestations légères ou modérées, sous des formes particulières d’ESPT subsyndromiques, quand 10% des sujets verraient une aggravation de leur symptomatologie», assure Imane Rouhli avant de conclure en mettant en évidence le fait qu’un bon pronostic combiné à une qualité du support social et une absence de troubles médical ou psychiatrique surajouté sont autant de facteurs plaidant pour une extinction précoce des états de stress post-traumatique en trois mois.