Il s'en est fallu de peu que l'idée folle d'organiser une cérémonie d'ouverture des JO sur la Seine ne voie pas le jour: née il y a plusieurs années, elle a dû surmonter de nombreux obstacles techniques, politiques et sécuritaires.
Ce jour de mai 2020, le préfet de police de Paris Didier Lallement ne mâche pas ses mots face aux organisateurs des Jeux olympiques. "Clairement, il a expliqué qu'il ne voulait pas de cette cérémonie sur la Seine, qu'en termes de sécurité, ce n'était pas possible", raconte un participant à cette réunion à la préfecture de police sur l'île de la Cité. "On a un peu vacillé, sur le mode +Est-ce qu'on va y arriver?+, +Est-ce que le préfet va réussir à convaincre les autorités de ne pas la faire?+."
Inédit, le projet initial avait de quoi susciter les sueurs froides des forces de l'ordre: plusieurs centaines de milliers de personnes disséminées sur six kilomètres de quais de Seine, dans un contexte de menace terroriste élevée.
Un spécialiste des questions sécuritaires, le criminologue Alain Bauer, évoque à la télévision une "cérémonie criminelle", pas moins.
Pourtant, l'idée de la Seine comme scène de spectacle remonterait à 1998, pour la Coupe du monde de football, à en croire une interview récente au Figaro de Michel Platini, qui dirigeait le comité d'organisation: "On avait un plan pour la Seine. L'Etat nous l'avait refusé, pour des raisons de sécurité." Quand la France avait candidaté pour les JO-2012 finalement attribués à Londres, l'ancien président Jacques Chirac avait imaginé lui une cérémonie hors d'un stade, sans que la Seine ne soit dans le scénario.
En tous les cas, l'idée flottait dans les esprits au moment de la candidature pour 2024, assurent plusieurs sources autour et au sein de l'organisation des JO.
Un soir d'octobre 2016, à l'occasion d'une +Nuit blanche+ parisienne, ces fêtes culturelles nocturnes organisées tous les ans dans la capitale, la maire socialiste Anne Hidalgo et le président du CIO Thomas Bach observent des bateaux aux couleurs olympiques naviguer sur le fleuve parisien, en face de Notre-Dame. "Je ne sais pas si ça a joué, mais elle se le rappelle", assure un élu parisien.
Un autre événement va convaincre Thomas Bach de sortir du stade: la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de la jeunesse à Buenos Aires le 6 octobre 2018. Les images de liesse de la population argentine font mouche auprès du Suisse qui, deux mois plus tard, fait part de son enthousiasme devant les comités nationaux en marge de la commission exécutive.
"Quand j'arrive au Cojo, sortir du stade, c'est déjà dans l'air du temps côté du CIO, le contexte est favorable", raconte à l'AFP Thierry Reboul, le directeur des cérémonies du Comité d'organisation, recruté en mai 2018.
L'ancien patron de l'agence Ubi Bene avait marqué les esprits en installant une piste d'athlétisme sur la Seine à l'occasion de la journée olympique en juin 2017. Celui qui entrera dans l'équipe de Tony Estanguet quelques mois plus tard avait-il déjà l'idée d'utiliser la Seine en arrivant? "Honnêtement pas du tout, l'histoire de la piste d'athlé, je voulais l'image mais je n'y ai pas pensé ensuite", assure-t-il.
A son arrivée au Cojo, "on me parle très vite des Champs-Élysées, sauf que je trouvais ça pas assez original". Lui assure que l'idée naît lors d'une déambulation. "En me baladant dans Paris un jour, je me suis dit +mais évidemment, c'est sur la Seine qu'il faut le faire+", explique-t-il à l'AFP.
Une version pas forcément validée par tous. "Je ne sais pas vraiment qui le premier a eu l'idée, mais ce dont je suis sûr, c'est qu'au sein de notre équipe, l'idée de la Seine était déjà présente avant que Thierry Reboul n'arrive au Cojo", assure un membre de l'entourage de la maire de Paris. Dès 2019, les équipes du Cojo se penchent sur le projet, mètre par mètre, se penchent sur les conditions météo... La mairie de Paris et les organisateurs sont en phase. Reste à embarquer les pouvoirs publics.
Tony Estanguet en parle en novembre 2020 à Emmanuel Macron qui dit dans un entretien à l'Équipe trouver l'idée "folle" et dit "banco". Ne manque plus à convaincre que l'Intérieur et la préfecture de police, très réticents.
Mais le président français tranche et officialise ce projet lors des JO de Tokyo à l'été 2021. Le départ du préfet de police de Paris Didier Lallement à l'été 2022, farouche opposant à cette idée, et l'arrivée de Laurent Nuñez, "fin politique", met "beaucoup d'huile dans les relations entre la police et les organisateurs", assure un haut fonctionnaire. Les promoteurs de la folle idée l'ont emporté. Pour autant, les tumultes ne prennent pas fin. Les tractations sur sa mise en exécution s'intensifient.
En cause? La jauge de spectateurs, que la préfecture de police de Paris va habilement faire descendre mois après mois, conciliabules après conciliabules.
Bien loin des deux milions de spectateurs, hypothèse de départ des organisateurs et de la mairie de Paris, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin fixe un chiffre devant les sénateurs en octobre 2022: 600.000.
Puis silence... Le contexte géopolitique se durcit avec la guerre en Ukraine, puis la guerre à Gaza à partir de l'automne 2023. L'enjeu sécuritaire devient majeur, le risque terroriste plane et les demandes de plan B se multiplient.
Mais rien ne bouge et rien ne filtre avant que le couperet tombe en janvier 2024. Ce sera finalement moitié moins, 100.000 payants, et 220.000 invités sur les quais hauts. Plus question de venir à brûle-pourpoint, sans sésame.
"On a atterri sur un chiffre acceptable", se félicite un haut fonctionnaire qui, ironique, ne cache pas sa satisfaction: "Lors des premières réunions, ils planaient avec leur million tandis que les policiers parlaient de 250.000. Qui a gagné"?"
Ce jour de mai 2020, le préfet de police de Paris Didier Lallement ne mâche pas ses mots face aux organisateurs des Jeux olympiques. "Clairement, il a expliqué qu'il ne voulait pas de cette cérémonie sur la Seine, qu'en termes de sécurité, ce n'était pas possible", raconte un participant à cette réunion à la préfecture de police sur l'île de la Cité. "On a un peu vacillé, sur le mode +Est-ce qu'on va y arriver?+, +Est-ce que le préfet va réussir à convaincre les autorités de ne pas la faire?+."
Inédit, le projet initial avait de quoi susciter les sueurs froides des forces de l'ordre: plusieurs centaines de milliers de personnes disséminées sur six kilomètres de quais de Seine, dans un contexte de menace terroriste élevée.
Un spécialiste des questions sécuritaires, le criminologue Alain Bauer, évoque à la télévision une "cérémonie criminelle", pas moins.
Pourtant, l'idée de la Seine comme scène de spectacle remonterait à 1998, pour la Coupe du monde de football, à en croire une interview récente au Figaro de Michel Platini, qui dirigeait le comité d'organisation: "On avait un plan pour la Seine. L'Etat nous l'avait refusé, pour des raisons de sécurité." Quand la France avait candidaté pour les JO-2012 finalement attribués à Londres, l'ancien président Jacques Chirac avait imaginé lui une cérémonie hors d'un stade, sans que la Seine ne soit dans le scénario.
En tous les cas, l'idée flottait dans les esprits au moment de la candidature pour 2024, assurent plusieurs sources autour et au sein de l'organisation des JO.
Un soir d'octobre 2016, à l'occasion d'une +Nuit blanche+ parisienne, ces fêtes culturelles nocturnes organisées tous les ans dans la capitale, la maire socialiste Anne Hidalgo et le président du CIO Thomas Bach observent des bateaux aux couleurs olympiques naviguer sur le fleuve parisien, en face de Notre-Dame. "Je ne sais pas si ça a joué, mais elle se le rappelle", assure un élu parisien.
Un autre événement va convaincre Thomas Bach de sortir du stade: la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de la jeunesse à Buenos Aires le 6 octobre 2018. Les images de liesse de la population argentine font mouche auprès du Suisse qui, deux mois plus tard, fait part de son enthousiasme devant les comités nationaux en marge de la commission exécutive.
"Quand j'arrive au Cojo, sortir du stade, c'est déjà dans l'air du temps côté du CIO, le contexte est favorable", raconte à l'AFP Thierry Reboul, le directeur des cérémonies du Comité d'organisation, recruté en mai 2018.
L'ancien patron de l'agence Ubi Bene avait marqué les esprits en installant une piste d'athlétisme sur la Seine à l'occasion de la journée olympique en juin 2017. Celui qui entrera dans l'équipe de Tony Estanguet quelques mois plus tard avait-il déjà l'idée d'utiliser la Seine en arrivant? "Honnêtement pas du tout, l'histoire de la piste d'athlé, je voulais l'image mais je n'y ai pas pensé ensuite", assure-t-il.
A son arrivée au Cojo, "on me parle très vite des Champs-Élysées, sauf que je trouvais ça pas assez original". Lui assure que l'idée naît lors d'une déambulation. "En me baladant dans Paris un jour, je me suis dit +mais évidemment, c'est sur la Seine qu'il faut le faire+", explique-t-il à l'AFP.
Une version pas forcément validée par tous. "Je ne sais pas vraiment qui le premier a eu l'idée, mais ce dont je suis sûr, c'est qu'au sein de notre équipe, l'idée de la Seine était déjà présente avant que Thierry Reboul n'arrive au Cojo", assure un membre de l'entourage de la maire de Paris. Dès 2019, les équipes du Cojo se penchent sur le projet, mètre par mètre, se penchent sur les conditions météo... La mairie de Paris et les organisateurs sont en phase. Reste à embarquer les pouvoirs publics.
Tony Estanguet en parle en novembre 2020 à Emmanuel Macron qui dit dans un entretien à l'Équipe trouver l'idée "folle" et dit "banco". Ne manque plus à convaincre que l'Intérieur et la préfecture de police, très réticents.
Mais le président français tranche et officialise ce projet lors des JO de Tokyo à l'été 2021. Le départ du préfet de police de Paris Didier Lallement à l'été 2022, farouche opposant à cette idée, et l'arrivée de Laurent Nuñez, "fin politique", met "beaucoup d'huile dans les relations entre la police et les organisateurs", assure un haut fonctionnaire. Les promoteurs de la folle idée l'ont emporté. Pour autant, les tumultes ne prennent pas fin. Les tractations sur sa mise en exécution s'intensifient.
En cause? La jauge de spectateurs, que la préfecture de police de Paris va habilement faire descendre mois après mois, conciliabules après conciliabules.
Bien loin des deux milions de spectateurs, hypothèse de départ des organisateurs et de la mairie de Paris, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin fixe un chiffre devant les sénateurs en octobre 2022: 600.000.
Puis silence... Le contexte géopolitique se durcit avec la guerre en Ukraine, puis la guerre à Gaza à partir de l'automne 2023. L'enjeu sécuritaire devient majeur, le risque terroriste plane et les demandes de plan B se multiplient.
Mais rien ne bouge et rien ne filtre avant que le couperet tombe en janvier 2024. Ce sera finalement moitié moins, 100.000 payants, et 220.000 invités sur les quais hauts. Plus question de venir à brûle-pourpoint, sans sésame.
"On a atterri sur un chiffre acceptable", se félicite un haut fonctionnaire qui, ironique, ne cache pas sa satisfaction: "Lors des premières réunions, ils planaient avec leur million tandis que les policiers parlaient de 250.000. Qui a gagné"?"