La Santé publique repart en grève

Face à une situation qu’il qualifie de désespérée, le SIMSP n’en démord pas


Hassan Bentaleb
Jeudi 21 Décembre 2017

 Le Syndicat indépendant des médecins du secteur public persiste et signe. La série de grèves entamée depuis trois mois se poursuivra par un débrayage ce jeudi, un autre le 16 janvier prochain et un sit-in et une marche nationale le 10 février. En cause : l’indifférence du ministère de tutelle à l’endroit des revendications des médecins du secteur public.
« Le département de la Santé n’a donné aucun signe positif pour que l’on puisse renoncer à notre lutte. Sa position témoigne d’une absence de volonté politique et d’une vision claire et de long terme ayant pour objectif d’améliorer la situation du secteur », nous a indiqué El Mountader Alaoui, secrétaire général national du SIMSP. Et d’ajouter : « Le ministère traite notre dossier avec une certaine indifférence et de la tergiversation. Depuis mai dernier, nous assistons à des réunions vides de sens qui se suivent et se ressemblent puisque les responsables du ministère ne proposent rien de concret. Pis, ils ont même écorné le dialogue avec les syndicats. En fait, ce dialogue qui devrait être un mécanisme de débat et d’échange s’est transformé en un outil pour canaliser la colère de ces derniers».
Notre source n’impute pas  la responsabilité de cette situation au seul département de la Santé mais à l’ensemble de l’équipe gouvernementale. « Nous ne sommes pas en lutte contre des personnes mais plutôt contre un Exécutif qui n’assume pas ses responsabilités face à un dossier et des revendications justes et légitimes qui sont réitérées depuis plus de 20 ans », nous a-t-elle précisé.
 En fait, le SIMSP estime que la situation du secteur est plus que désespérée. Pénurie de médecins spécialistes et de personnel paramédical, longue attente de rendez-vous, équipements biomédicaux non-fonctionnels ou mal-entretenus, recettes insuffisantes... Un diagnostic qui rappelle celui qui a été fait en juillet dernier par Driss Jettou, président de la Cour des comptes, devant les deux Chambres du Parlement réunies en session commune.  
Selon lui, certains «centres hospitaliers n’assurent pas de prestations de santé dans toutes les spécialités prescrites par les textes réglementaires en vigueur pour chaque catégorie d’hôpital».  Le rapport a révélé le cas de certains établissements  qui ne disposaient pas de spécialités ORL, psychiatrique, de réanimation ou de chirurgie pédiatrique.
L’autre problème relevé a trait aux délais de rendez-vous fort longs, notamment pour ce qui est de la chirurgie générale, du traitement du diabète et des maladies de l’épiderme qui peuvent aller de 4 à 7 mois.
Le rapport a également pointé du doigt «la programmation des plages horaires des  consultations qui, dans la majorité des cas, ne réserve à certaines spécialités qu’une seule plage horaire par semaine «.  C’est le cas pour la dermatologie, l’endocrinologie, la gastroentérologie, la gynécologie, l’hématologie, la cardiologie et l’ophtalmologie.
Concernant la gestion des ressources humaines, la Cour des comptes a noté «une insuffisance du personnel paramédical avec des ratios pouvant atteindre, dans certains cas, un infirmier pour soixante lits». Les départs à la retraite normale ou anticipée et le changement de cadre d’un grand nombre d’infirmiers passés au statut d’administrateur sont présentés comme les principales causes de cette situation.
Un état des lieux qui ne peut pas durer, selon le SIMSP, vu son impact sur le médecins et le climat de tension qu’il crée entre ceux-ci et leurs patients sans parler des milliers de démissions et de migrations collectives vers le secteur privé ou vers l’étranger enregistrés dans les établissements de santé publique.
Pour les membres de la SIMSP et d’autres professionnels du secteur, ce dernier ne fait pas l’objet d’une politique claire et bien définie et  ne constitue pas une priorité pour l’Etat. Pour eux, le  budget consacré à ce secteur qui tourne autour de 5% du PIB alors que l’OMC en recommande entre 10% et 12% en dit long sur l’intérêt qui lui est accordé. Les ressources humaines mobilisées en disent également long  sur cet état de fait puisque le secteur dispose de seulement 57.000 fonctionnaires (médecins, infirmiers, techniciens et administrateurs) pour 35 millions d’habitants alors que la France, par exemple, dispose d’un million de professionnels de la santé pour 67 millions d’habitants.

Une mise à l’index

Dans son rapport de l’année 2013, la Cour des comptes avait ouvertement brocardé le ministère de la Santé.
Son document qui couvrait les années 2007-2013 épinglait le fait que «la gestion immobilière au sein du ministère de la Santé était davantage guidée par une approche opportuniste basée essentiellement sur la disponibilité des crédits de financement et par des contraintes de restauration de bâtiments dégradés que par une vision à moyen et long termes.
Il avait également relevé que certains centres sont non fonctionnels en raison de nombreux dysfonctionnements (manque de branchement d’eau et d’électricité, menace d’effondrement, manque de personnel...) et d’autres vétustes et en état de délabrement avancé, voire en ruine.
En tout, 151 établissements de soins de santé de base ont été répertoriés par la Cour comme non fonctionnels, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural.
La Cour s’était également attaquée aux inégalités criantes dans l’achat d’équipements entre les différentes régions du pays et mis à l’index le déphasage douteux entre l’acquisition des équipements et l’avancement des travaux de construction.
Elle avait, en outre, regretté que le ministère de la Santé n’ait pas développé « une réelle politique nationale des équipements biomédicaux, dans la mesure où il ne dispose d’aucune stratégie qui traite le développement de la fonction technologie sanitaire et biens médicaux telle que recommandé par l’Organisation mondiale de la santé ».
Le diagnostic établi par la Cour des comptes du Maroc dans son rapport 2015 épinglait, lui-aussi, les dysfonctionnements de certains centres hospitaliers régionaux et provinciaux relevant du ministère de la Santé et gérés de manière autonome. Lesquels souffrent de l’absence de certaines spécialités médicales supposées figurer au menu de leurs prestations, de dysfonctionnements en matière de gestion des rendez-vous, de problèmes affectant la gestion de leurs ressources humaines, d’insuffisances en matière d’équipements et d’aménagements des bâtiments, de vétusté, d’étroitesse ou d’inadéquation de leurs aménagements, de l’obsolescence ou des pannes de leurs matériels, de la vétusté de leurs équipements biomédicaux, entre autres.


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