La Cour constitutionnelle a tranché

L'adoption du projet de loi 26.20 relatif au dépassement des emprunts extérieurs n'est pas en contradiction avec la Loi fondamentale


Hassan Bentaleb
Lundi 8 Juin 2020

La requête du secrétaire général du PAM aura eu le mérite d'avoir existé

La Cour constitutionnelle a tranché
« La décision de la Cour constitutionnelle est juste du point de vue constitutionnel et politique », c’est ainsi que Mohamed Zineddine, professeur de droit constitutionnel à l’Université Hassan II de Casablanca, a qualifié le rejet de la requête déposée par le Parti Authenticité et Modernité (PAM) demandant l'annulation pure et simple d'un vote parlementaire lié au projet de loi 26.20 relatif au dépassement du plafond des emprunts extérieurs. Dans sa requête déposée le 14 mai dernier, ce parti de l'opposition parlementaire a considéré via son secrétaire général, Abdellatif Ouahbi,  comme "inconstitutionnelle" la procédure qui avait conduit, le 30 avril 2020, à l'adoption du projet de loi 26.20 relatif au dépassement du plafond des emprunts extérieurs.
Le PAM s'est insurgé contre ce vote en critiquant "une irrégularité" dans la procédure. Il a déploré le fait que le rapport sur l'adoption "a signalé un vote positif à travers 394 députés alors que, selon ce parti, seule une poignée de 27 députés avait participé ce jour-là au scrutin".
« D’un point de vue politique, nombreux sont les pays qui ont lancé des appels à prêt à l’international vu la situation délicate dans laquelle leur économie évoluait. Donc, il y a bien eu une contrainte qui n’est pas limitée au seul cas de notre pays », nous a indiqué Mohamed Zineddine. Et de poursuivre : « D’un point de vue constitutionnel, la requête en question ne fait pas partie du champ des compétences de la Cour constitutionnelle puisque le juge constitutionnel est chargé de contrôler la constitutionalité des lois par rapport à la Loi suprême du pays et les lois organiques. Ladite requête s’inscrit à l’inverse dans le cadre du règlement intérieur du Parlement, précisément, l’article 156.  Même en discutant du fond, la Cour n’a pas constaté d’abus ou de restriction au droit de vote des parlementaires en tant que droit individuel. Ainsi, elle a jugé la loi 26.20 comme étant conforme à la Constitution et aux lois organiques».
Pourtant, notre source estime que l’action du PAM auprès de la Cour constitutionnelle peut être considérée comme un exercice démocratique qui ouvre le débat sur la nécessité de renforcer la jurisprudence de cette institution. « Aujourd’hui, la préservation et la consolidation de la Loi suprême ainsi que la pratique constitutionnelle passent par l’accumulation des jurisprudences.  Ce genre d’affaires pousse les juges à déployer plus d'efforts et , du coup, à produire plus de jurisprudences», a-t-elle précisé. Et d’ajouter : « Prenez l’exemple des Etats-Unis où la jurisprudence produite par la Cour suprême a atteint 500 volumes et chaque décision de cette Cour constitue une référence dans son champs d’application.  Le juge constitutionnel marocain doit lui aussi aller loin dans ses prises de décision. Il faut mettre un terme aux attitudes stéréotypées comme celles que l’on observe souvent dans les différends électoraux ».  
Des propos que partage Hicham Berjaoui, enseignant-chercheur à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech qui note que les parlementaires ne recourent pas fréquemment au droit que leur confère la Constitution les habilitant à saisir la Cour constitutionnelle dans le cadre du contrôle préalable facultatif (sur saisine) de la constitutionnalité des lois. « Cette attitude, parsemée de très rares exceptions, a deux résultats : d'une part, une quasi-absence d'un contentieux constitutionnel conséquent permettant à la Cour de solutionner les différends entre les élus parlementaires par la Constitution. D'où une fragilisation inquiétante du caractère contraignant de la Loi fondamentale de notre pays », nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : « D'autre part, les parlementaires préfèrent résoudre leurs désaccords par la négociation politique plutôt que de les soumettre à un règlement juridictionnel qui réduit leur capacité à développer des transactions politiques ».
Ainsi sur les 1043 décisions prises durant les vingt ans d’existence du Conseil constitutionnel avant d’être transformé en Cour constitutionnelle, la majorité écrasante des décisions concerne les différends électoraux, le contrôle obligatoire / automatique des lois organiques, la proclamation des résultats des consultations référendaires et électorales. « Le contrôle préalable, lui, demeure faible car, comme je l'ai dit auparavant, les parlementaires préfèrent solutionner leurs désaccords par la négociation et la quête de compromis politiques », a conclu Hicham Berjaoui.
A rappeler que la Cour constitutionnelle, instaurée en remplacement du Conseil constitutionnel avec de plus larges compétences, est ouverte aux justiciables pour défendre les droits et libertés qui leur sont constitutionnellement garantis.
   La Cour constitutionnelle est composée de douze membres. Sa Majesté le Roi nomme la moitié des membres dont un membre proposé par le Secrétaire général du Conseil supérieur des oulémas, et six membres sont élus, moitié par la Chambre des représentants, moitié par la Chambre des conseillers et à la majorité des deux tiers des membres composant chaque Chambre.  Le président de la Cour constitutionnelle est nommé par Sa Majesté le Roi, parmi les membres composant la Cour.
 La durée du mandat des membres de la Cour est de 9 ans non renouvelable. Chaque catégorie des membres de la Cour est renouvelée par tiers tous les trois ans.
 Les membres de la Cour constitutionnelle sont choisis parmi les personnalités disposant d'une haute formation dans le domaine juridique et d'une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative, ayant exercé leur profession depuis plus de quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité.
 En plus des cas d'incompatibilité tels que reconnus, il ne peut y avoir de cumul entre la fonction de membre de la Cour et n'importe quelle autre profession libérale.

Compétences
Contrôle de constitutionnalité

C'est la plus importante des prérogatives de la Cour constitutionnelle. Il s'agit d'un contrôle de conformité à la Constitution des textes législatifs, des règlements intérieurs des deux Chambres du Parlement et des institutions constitutionnelles ainsi que des engagements internationaux. Ce contrôle peut s'exercer a priori ou a posteriori.


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