La Conférence de l’Ordre des médecins booste le TPA

Les praticiens du public au secours du privé, mais pas l’inverse


Hassan Bentaleb
Samedi 8 Février 2020

La Conférence de l’Ordre des médecins booste le TPA
Le débat sur le temps plein aménagé (TPA) permettant aux professeurs et aux médecins du secteur public d’exercer dans les cliniques privées refait surface.
Un communiqué du Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL) a indiqué à ce propos que la Conférence générale de l’Ordre national des médecins réunie le 29 janvier dernier à Tanger a autorisé les professeurs et les médecins du secteur public à exercer pleinement leur métier dans le secteur privé en faisant abstraction des lois et législations encadrant la profession.
«On a été surpris par cette décision alors qu’elle ne fait pas partie des prérogatives de cette instance et qu’elle est en contradiction avec les textes de loi en vigueur», nous a expliqué Baderdine Dassouli, président du SNMSL.   Et de poursuivre : «En fait, le rôle de cette instance se résume en la défense de la déontologie et de l’éthique de la profession dans l’objectif de préserver la santé de nos concitoyens».
Notre source estime que cette décision illustre les mutations de la Conférence générale de l’Ordre national des médecins au cours des dernières années. «Depuis sa création en 1986, cette instance a été formée de médecins du secteur privé. Mais, à partir de 2012, nous avons accepté l’entrée des médecins du secteur public avec lesquels nous avons siégé à égalité au sein des instances décisionnelles. Et c’est normal puisque nous défendons les mêmes principes en tant que médecins», nous a-t-il rappelé. Et de préciser : «Cependant, à partir des élections de 2018, l’équilibre entre les deux secteurs a été rompu au bénéfice des médecins du secteur public qui ont transformé cette instance considérée comme un ‘’Parlement des médecins’’ en un syndicat défendant les droits des professionnels du secteur public. Pis, cette instance est devenue législatrice à la place de la Chambre des représentants alors que son rôle n’est que consultatif auprès de l’Etat concernant les projets de loi en relation avec le secteur».
Ceci d’autant plus, ajoute  Baderdine Dassouli, que la loi n° 131-13 relative à l'exercice de la médecine, a considéré, dans son article 108, comme exercice illégal de la médecine toute pratique  de médecin qui exerce ses actes dans un secteur autre que celui au titre duquel il est inscrit au tableau de l'Ordre sans demander l'actualisation de son inscription, sous réserve des exceptions prévues par ladite loi. Le même article juge illégal tout acte opéré par une personne qui, munie d'un titre régulier, outrepasse les attributions que la loi lui confère.
Comment se fait-il qu’une telle instance ait pu violer la loi ? «L’actuel bureau de la Conférence générale de l’Ordre national des médecins prétend que cette autorisation s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre les secteurs public et privé alors que la loi-cadre encadrant ce partenariat réglemente dans son article 103 ce partenariat qui n’est possible que s’il y a une pénurie grave des médecins au niveau de l’Etat», nous a précisé le président du SNMSL.
Pourtant, avec une décision de la Conférence générale de l’Ordre national des médecins ou pas, nombreux sont les professeurs qui exercent illégalement dans le secteur privé vu le peu de contrôle et la légèreté des sanctions. Et malgré les opérations d’inspection des médecins bénéficiant des autorisations de TPA et les sanctions prises contre les contrevenants, cette pratique demeure de mise. Et pour cause : les médecins en infraction avec la loi sont souvent informés à l'avance par leurs confrères qui siègent dans les commissions d'inspection. Pire, ces médecins profitent d’une dérogation censée être provisoire puisque le TPA a été mis en place en 1995 pour permettre à certains professeurs agrégés d’exercer une activité libérale lucrative à raison de deux après-midis par semaine ; l’objectif étant de permettre à ces derniers de vivre dignement eu égard à leur statut et à leurs compétences.
El Houssaine Louardi, ex-ministre de la Santé, avait déclaré en 2017 que les cliniques sont les premiers responsables de cette situation puisqu’elles ouvrent grandes leurs portes aux médecins spécialistes du secteur public. Dans ce sens, il avait annoncé la mise en place de «Coordinations d’inspection régionales» chargées d’inspecter, de contrôler, d’auditer et d’évaluer la gestion des services sanitaires relevant des secteurs public et privé. Elles ont également eu pour mission d’enquêter sur les plaintes déposées par les citoyens ainsi que sur celles qui le sont par les fonctionnaires, les auxiliaires de la santé et le personnel médical et paramédical. Des rapports mensuels sur les hôpitaux et les cliniques devaient être établis. Mais cela ne semble pas marcher comme ce fut le cas à Marrakech où des professeurs universitaires en infraction avaient remis en cause le travail de ces coordinations et refusé de se soumettre à la loi. Pis, ils avaient même menacé d’observer une année blanche.
 «Ahmed Réda Chami, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a déclaré récemment que la santé constitue la priorité des revendications de la population marocaine. Et quand on parle de la santé, on évoque, en premier lieu, le secteur public. Donc, on ne peut pas avec un système de santé national déficitaire (manque de personnel, faiblesse des budgets…) encourager  les médecins du  secteur public à aller travailler dans le privé. C’est l’inverse qui doit avoir lieu et c’est à l’Etat de mettre en place les mesures nécessaires pour encourager les praticiens du privé à combler le vide du secteur public», a conclu notre source.


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