L’efficacité énergétique, une priorité nationale ?

La Cour des comptes nous rappelle que l’on est loin du compte


Hassan Bentaleb
Samedi 14 Septembre 2019

Parallèlement au développement des énergies renouvelables, le Maroc a considéré, en 2009, l’efficacité énergétique comme une priorité nationale dont l’objectif est de permettre d'économiser 12% de la consommation énergétique en 2020 et 15% en 2030. Cette volonté a été consacrée par la loi n°47.09, relative à l’efficacité énergétique du 29 septembre 2011 dont la mise en œuvre a reposé particulièrement sur les principes de la performance énergétique, des exigences d’efficacité énergétique, des études d’impact énergétique, de l’audit énergétique obligatoire et du contrôle technique. Pour atteindre ce but, des plans d'action ont été mis en place dans le bâtiment, l’industrie (y compris l’agroalimentaire) et le transport, secteurs qui représentent plus de 90% de la consommation énergétique marocaine. L’Agence marocaine pour l'efficacité énergétique a aussi conduit un programme pilote avec le Groupe Crédit agricole du Maroc dans le secteur agricole. Pourtant, dix ans après son lancement, ce chantier laisse encore à désirer.  Absence des résultats escomptés, insuffisance de normes, manque de visibilité et impacts limités sont les déficits révélés par le dernier rapport d’activité de la Cour des comptes relatif à l’exercice 2018

Focalisation sur la branche
des transports routiers

Au niveau du secteur du transport, ce rapport a observé l’absence des résultats escomptés malgré l’effort engagé pour l’amélioration de l’efficacité énergétique. Ceci d’autant plus que les actions engagées n’ont concerné que la branche d’activité des transports routiers qui demeurent liés par de nombreux obstacles d’ordre juridique, organisationnel et de gestion qui compromettent l’implémentation de l’efficacité énergétique.
Le rapport a noté également l’insuffisance de normes dédiées ainsi que de données relatives à la consommation énergétique dans le secteur du transport (routier, ferroviaire, aérien et maritime) et l’absence d’un système d’information de gestion dédié à la collecte, au traitement et au contrôle/suivi de ces données en sus de la non définition d’indicateurs techniques d’évaluation des effets et des impacts des mesures d’efficacité énergétique au niveau des sous-branches d’activité. Une situation des plus compliquées faute d’une vision globale et intégrée des déplacements urbains.

Des actions limitées
dans l’industrie

Concernant le secteur industriel, les juges de la Cour des comptes ont constaté que les projets arrêtés par le programme d’efficacité énergétique dans l’industrie (PEEI), lancé en 2011 ont été partiellement réalisés en raison des insuffisances touchant divers aspects (le développement institutionnel et réglementaire, l’appui au financement pour le soutien des audits énergétiques et des investissements en efficacité énergétique; le renforcement des capacités et des accréditations; la communication et la sensibilisation).
Le rapport précise que la visibilité et l’impact de ces actions restent limités en raison de l’approche projet adoptée au détriment de l’approche programme global et pérenne. Il y a également le fait que les mesures et actions programmées concernant l’information et le conseil, la réglementation technique et les incitations financières n’ont pas été adaptées à la diversité du tissu industriel et à la spécificité de ses filières ainsi que la taille des entreprises. Les mesures retenues n’ont pas été conçues dans un souci de ciblage tenant compte des besoins spécifiques des industriels et du niveau de compétitivité nationale et des enjeux de la concurrence internationale. Par ailleurs, les pouvoirs publics n’ont pas encore déployé d’efforts pour la mise en œuvre d’offres individualisées et adaptées aux filières industrielles, sachant que le potentiel d’économie d’énergie, les coûts d’investissements, les technologies et les besoins en recherche/développement varient d’une branche d’activité industrielle à l’autre.
En outre, le rapport a relevé une carence en matière de proposition de solutions d’énergie alors que de nombreuses solutions innovantes d’efficacité énergétique existent pour l’industrie. Ils concernent un éventail de potentiels technique et technologique performant en termes d’économie d’énergie, toutefois ces potentialités ne sont pas encore exploitées. Il s’agit, à titre d’exemple, de la cogénération, des récupérateurs de chaleur et d’énergie, des variateurs de vitesses et de fréquence, des systèmes de régulation électronique et automatique, des batteries condensateurs, des dispositifs et équipements de mesure de rendement, des correcteurs de consommation, des optimiseurs de puissance, des batteries de stabilisation, etc.  

Manque de contrôle
et de sanctions

S’agissant du secteur du bâtiment, le document de la Cour des comptes a  observé l’absence  de définition des modalités d’exercice des contrôles techniques et des sanctions pour non-respect de la réglementation en vigueur en matière de règlement thermique de construction ainsi que la définition des performances énergétiques minimales intégrant aussi bien le bâtiment et ses équipements.  Aussi, il n’a pas prévu d’exigences d’installation ou de production d’énergie de sources renouvelables pouvant être intégrées dans la structure du bâtiment, ou installées à proximité pour un usage collectif. En outre, si le règlement thermique s’est focalisé sur le volet "passif", notamment l’enveloppe du bâtiment (isolation thermique des parois, orientation, matériaux de construction), il n’a pas traité le volet "actif" relatif aux performances énergétiques des équipements et installations énergétiques (éclairage, climatisation, chauffage, ventilation et équipements électroménagers).
Les juges des Cours des comptes ont constaté, en outre, que le règlement thermique ne s’applique qu’aux bâtiments neufs, ce qui conduit à la consécration d’une dichotomie dans le secteur du bâtiment. Dans d’autres pays, la réglementation thermique s'applique aux bâtiments résidentiels et tertiaires existants, à l'occasion de travaux de rénovation et de réhabilitation. Les mesures réglementaires sont différenciées selon l'importance des travaux entrepris à l'exception des interventions lourdes. Ceci d’autant plus qu’il y absence de mesures incitatives de financement pour l’implémentation de l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment, ce qui conduirait les promoteurs immobiliers à répercuter ces surcoûts sur le consommateur final.  


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