L’année de tous les changements politico-constitutionnels nous quitte : 2012 commence sans le nouveau gouvernement Benkirane


Libé
Samedi 31 Décembre 2011

L’année de tous les changements politico-constitutionnels nous quitte : 2012 commence sans le nouveau gouvernement Benkirane
2012 va très probablement commencer sans que le gouvernement Benkirane ne soit nommé. Tous les oracles ont été démentis. Abdelilah Benkirane termine l’année en chef de gouvernement toujours désigné. La formation d’un exécutif n’a jamais été un exercice facile. Et comme dans un concours de patinage artistique, les figures imposées compliquent davantage la tâche. «Je comprends pourquoi Abderrahmane El Youssoufi a mis 40 jours à former le premier gouvernement d’alternance», a lâché le leader islamiste du PJD alors qu’il en était à peine à son 7ème jour de tractations avec les partis formant sa majorité.
2012 commence et Benkirane et sa majorité rongent leur frein. L’attente alimente toutes les supputations. Les suppositions se font rumeur. Et la rumeur, celle qui pousse sur le terreau de l’absence d’information, s’installe. Partout. Sur les colonnes de journaux, dans la salle des pas perdus du Parlement, dans les états-majors partisans. Des noms de ministrables auraient été refusés. Des retouches doivent encore être faites. L’Istiqlal bloque le processus. Benkirane serait prêt à jeter l’éponge. Avant même de gouverner, la majorité se donne en spectacle, avec en guest star, le plus vieux parti marocain. Les Marocains qui suivent les minutes de la formation  du gouvernement de l’après 25 novembre réveillonneront pourtant sans connaître les nouveaux ministres, ceux-là mêmes dont les noms changent au gré des journaux et autres sites web.
Pourtant, tout avait si bien commencé. Depuis les premières heures du 26 novembre, le PJD est un parti heureux parce que classé premier  aux élections législatives du 25 novembre, avec 107 sièges. Des élections anticipées organisées dans la foulée de l’adoption d’une nouvelle Constitution consacrant le principe de la séparation des pouvoirs, accordant de larges prérogatives au chef de gouvernement et à son équipe ministérielle et faisant de l’opposition un véritable contre-pouvoir. Ceux et celles du Parti justice et développement se frottent alors les mains : ils arrivent au pouvoir en ayant les moyens institutionnels et juridiques de l’exercer.
Du moins dans les textes. «Reste la pratique. Benkirane et les siens rempliront-ils l’espace que leur accorde la Constitution ? Seule sa capacité à exercer le pouvoir qui est désormais le sien nous le dira», indique un politologue de la place.
Les islamistes du Parlement sont aux commandes alors que le Printemps arabe a fait tomber bien des murs de la peur non loin de chez nous. Des dictateurs sont partis en exil forcé, morts sur un champ de bataille ou passent en jugement, allongés sur une civière. La citoyenneté s’exprime, haut et fort, battant le pavé et bravant la répression. A Rabat, Casablanca, Marrakech et dans de nombreuses villes marocaines, les manifestants ont réclamé la démocratie et la bonne gouvernance. Ils ont revendiqué la fin des privilèges, des rentes, des passe-droits. Ils ont hurlé leur rejet de la corruption et des emblèmes du «fassad». Ils ont dit «dégage» à un  système qui a fait du statu quo un mode de gouvernance. «C’est sur cette vague que les islamistes du PJD ont été classés premiers aux élections. En votant PJD, beaucoup de citoyens qui ne portent ni le voile ni la barbe ont voté pour le changement», analyse cet observateur de la chose politique.
En Tunisie, en Egypte, en Libye, l’islamisme a le vent en poupe depuis la chute de l’autoritarisme. Au Maroc, cette vague a-t-elle profité au PJD ? Peut-être. Mais si le Marocain avait voté PJD tout simplement parce que c’est le parti qui représente réellement l’alternative du changement parce qu’il n’a jamais été aux commandes du pouvoir ? Une thèse qu’accréditent du reste plusieurs faits. D’abord, les islamistes du Parlement ont été jusque-là (et après avoir accordé un soutien critique au gouvernement El Youssoufi 1) le porte-voix de l’opposition. Mauvaise conscience du gouvernement, de la majorité et de la pratique politique, le PJD a d’ailleurs construit sa campagne sur le changement, la moralisation, la vertu autant de promesses brandies en réaction contre la mauvaise gouvernance, la corruption,    « l’fassad ».
Si les derniers mois de 2011 ont été ceux de tous les changements constitutionnels et politiques, 2012 devra sans conteste être l’année de la mise en œuvre, sur le terrain, de ce Maroc institutionnel nouveau. Le chef de gouvernement désigné et sa majorité s’y sont déjà engagés. Les promesses, dit-on, n’engagent que ceux qui y croient.

Narjis Rerhaye

Elections: des alliances contre nature

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De l’avis des observateurs nationaux et étrangers, les élections législatives du 25 novembre 2011 ont été les plus transparentes, les plus crédibles et les plus incontestables de l’Histoire du Maroc. Certes il y avait quelques irrégularités ici et là mais en général, leur déroulement n’a pas été entaché de graves et conséquentes interventions des autorités et de l’argent. Les urnes ont largement consacré, comme prévu, les islamistes en première place. Mais ce qui a caractérisé vraiment ces élections avant et après le scrutin du 25 novembre, c’est la confusion et le manque de clarification du champ politique à travers certaines alliances et coalitions hétéroclites pour ne pas dire plus. Des alliances hors normes où la gauche se mêle à la droite, le centre rejoint l’extrême droite et où tout s’embrouille pour faire obstacle à tout assainissement de la scène politique nationale. Des unions où les idéologies et les programmes n’ont aucune importance. Seul l’intérêt partisan ou la ministrabilité restent les critères dominants. Le blocage pour la constitution du gouvernement Benkirane en est une preuve tangible.

Une Constitution pour le XXIème siècle

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Le 9 mars 2011 est une date à retenir. C’est ce jour-là que le Roi a annoncé la réforme constitutionnelle. Un pas de géant dans l’engagement pour la démocratisation du pays et la moralisation de la vie publique. C’est l’aboutissement d’un long combat mené par les forces vives du Maroc contre la réaction et les lobbies vivant grâce à une économie de rente et une politique où l’intérêt personnel l’emporte sur l’intérêt général. On s’attend donc avec la mise en application de ce nouveau texte constitutionnel à ce que le rôle des partis politiques soit consolidé pour plus d’encadrement démocratique et plus de citoyenneté. Ce qui devrait couper court aux pratiques malsaines d’avant le référendum du 1er juillet. En somme, la nouvelle Constitution dote le pays de plus visibilité politique et clarifie le champ d’action des pouvoirs en place.

Les droits de l’Homme en première ligne

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Un nouveau venu! Le Conseil consultatif des droits de l'Homme a cédé la place au Conseil national des droits de l'Homme. Ce Conseil contrairement à  son prédécesseur, ne se confinera pas dans le seul rôle consultatif mais disposera d'une autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics et sera doté de larges prérogatives dans les domaines de la protection et de la promotion des droits de l'Homme.  Sa première participation dans le processus de démocratisation du pays s'est traduite par  l'accompagnement des élections législatives du 25 novembre. Le rapport préliminaire établi dans ce sens atteste que lesdites échéances se sont déroulées dans une transparence totale. Un hic toutefois: la  composition du Conseil n'a pas manqué de susciter de vives critiques voire provoqué un véritable tollé. Aussi bien les islamistes, les amazighs que les artistes crient à la marginalisation du fait qu'ils n'y soient pas représentés.

Le Conseil économique et social mis sur les rails

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A l'instar de ses voisins de la région, à savoir l'Algérie et la Tunisie, le Maroc s'est doté d'un Conseil économique et social (CES) tant attendu par les syndicats et les fédérations patronales. Prévu depuis quelques années déjà, la loi organique l'adoptant n'a été instituée que cette année. Le Conseil a une fonction purement consultative et constitue de ce fait un nouvel espace de dialogue chargé d'orienter la politique du gouvernement en vue de poursuivre les réformes. Il vise également à rendre effectifs les droits fondamentaux consacrés par la nouvelle Constitution.
Aussi bien l'Exécutif que les présidents des deux Chambres peuvent le saisir. Il peut également de sa propre initiative se prononcer sur des lois, orientations politiques ou plans de développement socioéconomiques, analyser la conjoncture nationale, régionale ou internationale. Ses objectifs visent en premier lieu  l'élaboration d'une nouvelle Charte sociale fondée sur les partenariats contractuels majeurs et trouver un début de réponse au problème de l'emploi des jeunes.

Moâtassim et ses codétenus libérés

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Avril 2011, cinq prisonniers politiques ont bénéficié de la grâce Royale qui a concerné 190 détenus au total et ce, en réponse à un mémorandum soumis au Roi par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). Il s'agit de Mostafa Moâtassim  chef du parti dissous en  2008, Al Badil Al Hadari (Alternative civilisationnelle), et quatre autres détenus  condamnés dans l'affaire du réseau Bellirej. L'affaire a suscité beaucoup de suspicion dès le début.
Procès, condamnations que les instances œuvrant pour la protection des droits de l'Homme ont qualifiés d'ailleurs d'iniques avant que ces peines ne soient commuées en grâce.

Le Printemps marocain

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C’est l’événement de l’année par excellence et qui va marquer l’Histoire contemporaine du pays.  
Tout a commencé le dimanche 20 février lorsque plusieurs jeunes sont descendus dans la rue dans plus de 53 villes pour exiger, dans le calme et la sérénité, des réformes politiques et manifester contre la corruption, les injustices, les inégalités et l’affairisme.
Le «20 février» a permis l’expression d’un sentiment  généralisé de rejet de l’humiliation et d’un quotidien fait de passe-droits, de privilèges, de facilités pour  quelques personnes bien nées et de blocage de  l’ascenseur social.
Pourtant, quelques mois après son déclenchement, le mouvement s’est essoufflé et a perdu beaucoup de ses sympathisants. Les réformes politiques et constitutionnelles initiées par le discours royal du 9 mars et les dissensions internes entre les ailes gauchiste et islamiste ont porté un coup dur à ce mouvement qui a terminé l’année sur un divorce entre ces tendances.

L’USFP dans l’opposition

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Les Marocains retiendront bien que l’année 2011 aura été l’année où l’Union socialiste des forces populaires a opéré un retour à l’opposition après quatorze ans au gouvernement. Un retour béni qui va dans l’esprit du respect de la volonté de la vox populi. Si les Marocains ont voté pour que le PJD gouverne, ils ont choisi le parti de la Rose pour se ranger dans l’opposition. Les instances du parti de Ben Barka n’ont pas hésité un instant pour répondre favorablement à ce choix du peuple. Bureau politique et Conseil national ont voté à l’unanimité pour que l’USFP assume ses responsabilités devant le choix des électeurs. Il y va de l’intérêt et du pays et du parti. Un retour qui permettra au parti de la Rose de se pencher sur sa restructuration et une consolidation du contact avec ses militantes et militants. Ce choix est également un acte pour plus de clarification et la moralisation du champ politique national. Ce retour est béni parce qu’il devrait aussi permettre de mettre les jalons de la construction d’une nouvelle gauche unifiée autour de principes de la social-démocratie et des fondements universelles des droits de l’Homme.  Ce choix est une nouvelle bataille dans le combat mené par le parti d’Abderrahim Bouabid pour un Maroc de dignité, de liberté et de démocratie. Pour l’USFP, cette nouvelle bataille est perçue comme une mission au service de l’intérêt général, devant permettre la présence du parti dans  la vie quotidienne des citoyens. Une opposition objective qui va dans le sens de l’esprit de la nouvelle constitution qui perçoit l’opposition comme un pouvoir de contrôle du gouvernement et un moyen de redressement des erreurs de celui-ci, si erreurs, il y a bien sûr. Mais également encourager ses bonnes actions et enrichir ses propositions.

Dialogue social: l’accord du 26 avril

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Après plusieurs rounds du dialogue social, le gouvernement, les syndicats les plus représentatifs et le patronat étaient parvenus le 26 avril à un accord dont les dispositions visent à promouvoir la situation des salariés et des fonctionnaires. Cet accord porte sur un train de mesures destinées à améliorer les traitements des fonctionnaires et le salaire minimal dans le secteur privé.

Manhasset: le Polisario dans l’impasse

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Après 12 rounds de pourparlers, dont huit informels tenus sous l'égide des Nations unies en vue de déboucher sur une solution politique à la question du Sahara, l'impasse vers laquelle le Polisario et ses commanditaires ont mené ce processus n’a jamais été aussi inquiétante. Il a même menacé de reprendre les armes contre le Maroc.
Pourtant, les récents enlèvements d'Occidentaux notamment dans les camps de Tindouf et dont la complicité d'éléments du Polisario est maintenant établie, ainsi que des incursions dans des territoires d’Etats souverains laissent entrevoir de sérieuses menaces sur la sécurité et la stabilité en Afrique du Nord et au-delà dans la région sahélo-saharienne.

La régionalisation avancée, un chantier en plein essor

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Le Maroc a désormais son propre modèle de régionalisation. La Commission consultative de la régionalisation a réussi sa mission en proposant un modèle après concertations avec plusieurs partis politiques, syndicats et de la société civile.  
Ce modèle se veut, tout d’abord, d’essence démocratique assurant une vision et une conduite concertées et coordonnées du  développement intégré dans l’espace régional et ouvrant  la voie à  l’instauration de nouveaux rapports entre l’Etat  et les collectivités territoriales basés sur le  partenariat et la régulation plutôt que sur la  tutelle, en s’assurant, dans le cadre d’un référentiel rénové, de la définition précise des  objectifs, des moyens et des modalités de suivi et d’évaluation des engagements réciproques de  l’Etat et des collectivités territoriales dans chaque cas.
Au titre de ce même modèle proposé, l’Etat va s’engager à créer et consacrer par la loi un  fonds de mise à niveau social des régions accusant des déficits dans les secteurs clés des  infrastructures et des services sociaux  de base, sur une douzaine d’années.

Le café Argana pris pour cible

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Le 28 avril 2011, le Maroc a été endeuillé par un acte terroriste odieux qui a soufflé le café Argana  au cœur de la mythique place Jamaâ El Fna à Marrakech, dans une tentative démesurée de porter un coup dur au secteur touristique de la ville ocre. Cet attentat, dans toute sa laideur, a réussi à provoquer un élan de solidarité sans précédent de la part des citoyens marocains, sortis en masse dans les rues pour condamner l'obscurantisme et la violence et crier haut et fort que le Maroc demeurera à jamais une terre de paix, d'ouverture et de dialogue entre les cultures et les civilisations. C'est le même message qu'ont essayé de transmettre des groupes de touristes en faisant le choix de ne pas écourter leur séjour. Pour eux, le terrorisme  est  aveugle,  sans origine ni encore moins de nationalité et peut de ce fait frapper à tout moment et n'importe où. Ne pas y céder est  la meilleure façon de le combattre.


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