L’OCP reprend possession de sa cargaison saisie par l’Afrique du Sud

Après des mois d’imbroglio juridico-politique, le navire Cherry Blossom a fini par quitter Port-Elizabeth


Chady Chaabi
Mercredi 9 Mai 2018

L’affaire du Cherry Blossom est bouclée. Saisi, à titre conservatoire sur la base d’une ordonnance judiciaire sud-africaine, il y a plus d’une année, le navire qui transportait une cargaison de 50.000 tonnes vient d’être restitué à son propriétaire légitime, l’Office chérifien des phosphates (OCP), au terme d’une procédure à rallonge.
Cet épilogue qui laisse en réalité peu de place à la surprise, arrive au bout d’un «simulacre de procédure judiciaire», selon le communiqué publié hier par l’OCP, auquel le groupe a refusé de participer, en protestation contre « une décision judiciaire à caractère politique et dénuée de tout fondement juridique ».
La décision judiciaire en question, à savoir la mise aux enchères du minerai, a été rendue par la Cour de Port Elizabeth. Cependant, sept mois se sont écoulés depuis, et comme aucun acquéreur ne s’est manifesté, l’armateur grec, A.M. Nomikos, a saisi l’occasion pour racheter la marchandise en s’acquittant uniquement des frais de l'adjudicataire judiciaire, soit un dollar symbolique, avant de la restituer à son propriétaire légitime, Phosboucraa, filiale détenue à 100% par le Groupe OCP, employant près de 2.200 collaborateurs parmi lesquels 76% de locaux.
Cette issue renforce la conviction initiale du groupe phosphatier qui ne s’est d’ailleurs pas privé de  souligner qu’ «Après de vaines tentatives de vente de la cargaison, le refus de l’ensemble des acheteurs potentiels de se porter acquéreurs de cette marchandise est une preuve claire et irréfutable de l’illégitimité de la propriété octroyée par le tribunal de Port Elizabeth au Polisario ».
En effet, ce dernier point a cristallisé l’ensemble des tensions qui gravitaient autour de cette affaire, puisque la justice sud-africaine a prétendu au tout début de la procédure, que la cargaison qui voguait vers la Nouvelle-Zélande appartenait à la pseudo-RASD et non pas à l’OCP. Une décision qui aurait pu constituer un précédent et renforcer la position des ennemis de notre intégrité territoriale.
Au regard de son rang de premier producteur mondial, l’OCP et son minerai qui traverse les océans sans interruption, s’est retrouvé confronté à un incident du même type. Une cargaison transportée par le navire danois Ultra Innovation et destinée à être déchargée au port de Vancouver (Canada) avait également été bloquée, lors de son passage par le Canal de Panama.
La cour maritime de ce pays situé sur l'isthme rattachant l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud, avait, quant à elle, tranché en faveur de l’OCP, en rejetant l’action intentée par le Front Polisario contre le propriétaire du navire. En cause selon la justice panaméenne, l’incompétence juridique d’une cour nationale de se prononcer au sujet d’une affaire de politique internationale, d’autant plus qu’il n’existe aucune preuve démontrant que ladite cargaison appartenait aux requérants.
De fait, en moins d’une année, la guérilla juridique initiée contre le Maroc par le Polisario a enregistré deux échecs retentissants et d’importance capitale. Il ne pouvait pas en être autrement puisque les arguties juridiques usitées par le Polisario ne peuvent tenir la route que si elles sont développées devant des juridictions fortement acquises à la cause qui les sous-tend et fort peu respectueuses du droit maritime tel qu’il est appliqué à travers le monde.
Dans ce cadre, le président de la chambre arbitrale maritime de Paris, Phillipe Delebecque, avait tiré la sonnette d’alarme et critiqué la décision de la justice sud-africaine.
Selon lui, le fait pour ce pays de s’être emparé d’une affaire relevant du droit international constitue une « piraterie politique et de surcroît virulente », d’autant plus grave que « les juridictions nationales ne sont pas une enceinte de règlement des affaires diplomatiques et politiques ».
Le magistrat avait également rappelé que  «seul, le créancier de l’armateur qui fait état d’une créance maritime est habilité à saisir le navire. S’agissant de la cargaison, le créancier de son propriétaire pourrait la saisir, s’il justifiait précisément d’une créance contre ce propriétaire. Le propriétaire de la cargaison elle-même pourrait la saisir entre les mains d’un tiers, en exerçant une saisie de revendication, encore faudrait-il qu’il justifie de son droit de propriété ».
Le think-tank «Institut des études sécuritaires » (ISS) basé à Pretoria avait lui aussi développé un raisonnement similaire qui avait mis à nu le fondement éminemment politique des arguments avancés par la Cour de Port Elizabeth pour justifier le maintien sous séquestre de la cargaison et des documents du navire danois.
Au niveau des concepts, la Cour s’était allégrement écartée de la terminologie des Nations unies et avait procédé à des qualifications qui sont juridiquement inexactes. Il en a été ainsi du terme « occupation» que ni l’Assemblée générale, ni le Conseil de sécurité des Nations unies n’utilisent dans le contexte des efforts visant à trouver une solution politique au différend autour de la récupération par le Maroc de son Sahara.
En outre, la Cour avait mentionné un accord tripartite qui aurait été signé entre le Maroc, l’ONU et le Polisario (paragraphe 6) et qui aurait ainsi constitué une reconnaissance réciproque de jure des deux parties alors qu’en réalité, il s’agissait des propositions d’août 1988 présentées par le Secrétaire Général des Nations unies.
Au niveau de la démarche, la Cour ne semblait retenir que les éléments factuels et historiques qui corroborent la position officielle de l’Afrique du Sud, dans tout ce qu’elle a de concordant avec les positions de l’Algérie et du Polisario. A titre d’exemple, le processus de négociation en cours depuis 2007 n’a jamais eu droit de cité dans le référentiel de la Cour, pas moins que les efforts du développement du Maroc dans la région. Il en va de même de l’exigence du recensement des populations des camps de Tindouf, réclamée depuis plusieurs années par le Conseil de sécurité et restée sans suite auprès de l’Algérie et du Polisario.
Autre exemple, la Cour avait  imputé au Maroc la responsabilité d’avoir rejeté le référendum prévu par le plan de règlement, alors que ce sont les Nations unies qui ont établi ce constat dès  2000 en raison de l’impossibilité de conduire à son terme le processus d’identification.
Au niveau de la compétence, l’Afrique du Sud n’est ni le client ni le transporteur, ni le propriétaire du navire pour pouvoir prétendre à un intérêt pour agir. De même que l’on considère le droit conventionnel, le droit coutumier, ou même la loi sud-africaine, le navire « Cherry Blossom » n’avait  commis aucune infraction à la réglementation de l’Afrique du Sud ou aux règles internationales, qui pourrait justifier son immobilisation et la mise sous séquestre de sa cargaison et de ses documents de bord.
Son entrée dans le Port d’Elizabeth pour approvisionnement était un acte routinier opéré de bonne foi, sans aucune appréhension ou doute sur le comportement à venir des autorités sud-africaines.  Par ailleurs, le Maroc n’a entrepris contre l’Afrique du Sud aucune action dommageable aux intérêts de ce pays, qui aurait pu justifier des mesures de représailles de sa part.
En effet, le navire n’a commis aucune violation, à l’intérieur des eaux sous juridiction sud-africaine, qui aurait déclenché sa responsabilité conformément à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Il ne s’est pas non plus rendu redevable d’aucune créance qui aurait justifié son immobilisation, selon la Convention de Bruxelles de 1952 sur l’unification des règles relatives à la saisie conservatoire.
En l’absence d’une assise conventionnelle pour justifier sa compétence, la Cour de Port Elizabeth s’était basée sur la loi sud-africaine de mise en œuvre du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale du 12 juillet 2002, qui prévoit la compétence universelle. Or, il est notoire que cette compétence ne peut pas être invoquée pour un litige de nature commerciale et demeure explicitement et limitativement réservée aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre, au génocide et à la torture.
De fait, pareils arguments qui ont certainement dû être soufflés aux juges de Port Elizabeth par les séparatistes et leurs séides ne pouvant tenir la route, il a fallu que les autorités de Pretoria recourent à ce que Phillipe Delebecque avait qualifié de «piraterie politique et de surcroît virulente».
Le fait que la cargaison du Cherry Blossom ait fini par être restituée à son propriétaire légitime, l’OCP, atteste donc de l’échec cuisant de la nouvelle stratégie déployée par les ennemis de notre intégrité territoriale dans l’objectif de porter atteinte aux intérêts économiques du Royaume et à son commerce international.


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1.Posté par Hakim le 08/05/2018 19:59
Doucement mais sûrement...
Après son retour à l’Union africaine, le royaume a officialisé, lundi, son adhésion au Parlement africain et y siège désormais avec 5 députés représentant la majorité et l’opposition.
Il faut continué ainsi avec la même volonté et plus de fermeté, le Maroc aujourd'hui est un grand de l Afrique et il deviendra encore plus grand dans l avenir tout ce fait sur le long terme.
Si Le Maroc, désormais une grande puissance économique africaine c est qu' il y a une élite qui travaille jour et nuit pour quelle y reste.

2.Posté par nacer le 08/05/2018 21:37
De l autre côté de la frontière on s interroge sur l avenir politique et financier de l Algérie. ..donc automatiquement sur l avenir de la marionnette polisarienne
Le journal Alwatan titre
Que faire ?

le 08.05.18 | 12h00

Il n’y a plus rien à faire aujourd’hui , c’est trop tard» cette sentence qui en dit long sur l’impasse dans laquelle se trouve le pays est de l’ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali qui s’exprimait hier dans les colonnes de notre journal. Ce constat qui est partagé, à des nuances près, par quasiment l’ensemble de l’opposition, est justifié par le refus du système de toute alternance démocratique devant permettre de transcender la crise politique et institutionnelle que vit le pays. L’option du 5e mandat qui apparaît pour nombre d’observateurs de plus en plus vraisemblable au regard du décorum politique qui se met en place, a désarçonné autant l’opposition que les partis de la majorité présidentielle. Particulièrement les deux formations du pouvoir : le RND et le FLN, contraintes de faire contre mauvaise fortune bon cœur en se pliant à un choix imposé d’en haut contre lequel elles ne peuvent rien au demeurant, sinon réfrener les ardeurs présidentielles qui s’expriment en sourdine dans leurs rangs en attendant des jours meilleurs. Au refus du pouvoir d’ouvrir le jeu politique, l’opposition réagit qui par la résignation, qui par les incantations divines pour que les pressions externes sur le pouvoir se fassent plus pesantes pour le contraindre à s’amender, voire, pour les plus fatalistes, en misant sur la solution biologique qui finira bien un jour, se console-t-on, par faire son œuvre quelle que soit la longévité du pouvoir en place. Les difficultés de la classe politique à trouver un consensus pour dépasser la crise renseignent sur le déficit de confiance et la défiance qui existent entre l’opposition et le pouvoir.

L’anathème, le discours incendiaire et inquisiteur, l’excommunication, les accusations réciproques d’anti-nationalisme, de liens avec l’étranger imprègnent le débat politique national. Le résultat est aujourd’hui là : le pouvoir ne fait pas confiance à l’opposition et s’interdit d’entretenir des rapports apaisés avec elle, les formations de la majorité présidentielle ou qui s’en réclament n’ont pour dénominateur commun que le soutien au programme présidentiel et aux prébendes qu’ils en tirent, et l’opposition peine à s’unir autour d’une démarche commune, d’une feuille de route pour imposer le changement. Les initiatives politiques lancées aussi bien par le pouvoir que par l’opposition ont toutes tourné court. Ce fut le cas des consultations ouvertes par le pouvoir avec la classe politique sur le projet de révision constitutionnelle, de l’appel au dialogue du FLN du temps de Amar Saïdani, de la démarche du FFS, de la tentative de rassemblement d’une partie de l’opposition autour de la plateforme de Zéralda, de l’idée d’une candidature commune à la prochaine élection présidentielle évoquée dans les rangs de l’opposition, de l’organisation d’élections présidentielles anticipées qui avaient fait un temps les choux gras de l’opposition, et, tout récemment, le nouveau cru de Louiza Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs : le lancement d’une pétition nationale pour la mise en place d’une Assemblée constituante. Cette profusion d’initiatives qui entretient l’illusion d’une vitalité du débat politique dans le pays n’a pas fait avancer d’un iota l’Algérie dans sa quête démocratique et d’un avenir meilleur. Que faire alors pour briser la quadrature du cercle ? En mettant le doigt sur la plaie : le départ du système - un diagnostic partagé au demeurant par d’autres figures de l’opposition. Sid Ahmed Ghozali ne dit rien sur la thérapie à administrer pour guérir le mal qui ronge l’Algérie.

Omar Berbiche

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