L'Irak rêve de ressusciter ses riches palmeraies d'antan


Par Amélie HERENSTEIN (AFP
Samedi 10 Septembre 2011

Arbre mythique, célébré dès l'époque babylonienne pour sa prodigalité et sa majesté, le palmier-dattier a payé un lourd tribut aux sanctions et aux guerres en Irak depuis 1980, mais les autorités sont décidées à faire redresser la tête à cette culture millénaire.
Trois guerres et douze ans d'un embargo international drastique ont mis à genoux l'industrie irakienne des dattes alors que, forte de plus de 600 espèces différentes, elle occupait la première place mondiale depuis les années 1950.
“Dans les temps anciens, les gens dépendaient beaucoup de cet arbre”, dont ils tiraient nourriture, meubles ou paniers souligne Kamel al-Dulayme, directeur du département palmiers-dattiers du ministère de l'Agriculture, à la tête d'un programme visant à planter des millions d'arbres.
“Le palmier a beaucoup de traits communs avec l'homme. C'est le seul arbre qui va mourir si vous lui coupez la tête. La silhouette aussi est similaire.
C'est un symbole pour toutes ces raisons”, souligne-t-il.
Le palmier-dattier est l'arbre le plus populaire du pays et le faire revivre revêt évidemment des allures de parabole de la construction d'un nouvel Irak, reconnaît le fonctionnaire. La route reliant Bagdad à son aéroport, jadis tristement célèbre pour ses nombreux attentats, est ainsi en train d'être replantée de palmiers sur des kilomètres.
L'objectif est de quasiment tripler le nombre de palmiers-dattiers à 40 millions en 2021. Le projet, qui vise aussi à lutter contre la désertification, est “une priorité” et a été doté d'un budget de 180 milliards de dinars (108 millions d'euros) pour la période 2005-2021, explique M. Dulayme.
Le ministère a créé une trentaine de pépinières de jeunes palmiers et travaille avec des investisseurs privés sur un projet de palmeraies dans les grands déserts de l'ouest du pays, irriguées grâce aux nappes souterraines.
Des milliers de jeunes plants ont aussi été offert par la FAO et les Emirats Arabes Unis.
Mais la tâche semble titanesque. Le nombre d'arbres, estimé à 32 millions dans les années 1960-70, a dégringolé à quelque 12 millions en 2000. Aucun chiffre plus récent n'est disponible.
Bassora (sud, région jadis la plus fertile, a été la plus touchée, avec seulement 2 millions d'arbres survivants. En périphérie de la ville s'étend aujourd'hui sur des kilomètres le “désert des palmiers”, immense espace aride jonché de vieux troncs. Un produit de la guerre Iran-Irak de 1980-88.
L'embargo des années 1991-2003 a ensuite privé les paysans de matériel agricole et l'eau s'est raréfiée à mesure que des barrages étaient construits en Turquie et en Iran.
Sont venus s'y greffer des problèmes de salinisation du sol, de pénurie d'électricité et la négligence des autorités, expliquent les exploitants.
L'invasion américaine de 2003 a pour sa part indirectement favorisé la prolifération de maladies et d'insectes tueurs, tous les avions d'épandage s'étant retrouvé cloués au sol pendant deux ans.
Un grand nombre de plantations a ainsi disparu. Celles qui restent manquent de tout et la qualité des fruits s'en ressent, explique Nour Abbas Hachem, un producteur de Bassora. “Nous produisions des tonnes, maintenant c'est seulement quelques dizaines de kilos”, déplore-t-il.
Mizher Adai, 45 ans, a perdu un tiers de ses 250 palmiers. Son exploitation a été directement victime des violences interconfessionnelles de 2007-2008, lorsque miliciens chiites et sunnites affrontaient sans merci les soldats américains dans son quartier, particulièrement dangereux, de Bagdad.
“Tous les problèmes viennent des occupants (américains). Ils ont non seulement tué des hommes mais ils sont la cause de la mort des arbres”, accuse-t-il.
Tout palmier touché par une balle ou un éclat d'obus est condamné dans les trois ans qui suivent, explique-t-il, désignant plusieurs arbres à l'agonie et des dizaines de tristes troncs décapités restés debout dans sa palmeraie.
L'un d'entre eux a été pulvérisé par une roquette Katioucha. Mais M. Adai ne s'en plaint pas car l'arbre a sauvé la vie de sa famille en protégeant sa maison à deux mètres de là.
“J'ai besoin d'une aide financière pour renouveler mes palmiers, je n'ai pas les moyens. Nous sommes tristes car nos arbres sont très précieux pour nous”, conclut-il.
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