L'Institut du Caire dresse le bilan des droits humains dans le monde arabe : Tout en soulignant les avancées, le CIHRS épingle la régression de la liberté d'expression au Maroc


Montassir SAKHI
Lundi 23 Août 2010

L'Institut du Caire dresse le bilan des droits humains dans le monde arabe :  Tout en soulignant les avancées, le CIHRS épingle la régression de la liberté d'expression au Maroc
"Oasis de l'impunité" est l'intitulé du rapport sur la situation des droits humains dans le monde arabe publié par l'Institut du Caire pour les études sur les droits humains (Cairo Institute for Human Rights Studies, CIHRS).
Ce rapport de 253 pages présente une analyse de la condition des droits de l'Homme dans les pays arabes au titre de l'année 2009. Il révèle, à travers des indicateurs, des chiffres et des illustrations concrètes, les régressions et avancées en matière de respect et protection des droits civiques, politiques, sociaux et culturels.
Le document dresse un constat général en se référant aux domaines de la liberté d'expression à travers les différents médias, la ratification et la mise en œuvre des conventions internationales, le droit de créer et d'appartenir aux organisations politiques et associatives, les réactions des Etats face aux différentes formes de manifestations pacifiques, la nature des menaces et agressions contre les activistes des droits humains, la nature des pressions sur les libertés religieuses et droits des minorités, l'exécution des législations extraordinaires ayant pour fin la lutte contre le terrorisme et enfin, le droit de participation à la gestion de la chose publique et la transparence au niveau des élections. Ainsi, le rapport met l'accent sur les différentes violations de ces droits et renvoie à d'autres rapports et communiqués réalisés par environ 87 associations et organisations locales, nationales et arabes autour des mêmes violations.
Par ailleurs, le rapport se réfère à plusieurs plateformes et documents réalisés par des chercheurs et experts en la matière. Il consacre un chapitre spécifique à la situation des femmes dans le monde arabe en se basant sur les nouvelles orientations et politiques gouvernementales qui, selon le rapport, tendent à stagner et subir l'impact des mouvements rétrogrades et conservateurs dans la majorité des pays, à l'exception de quelques rares Etats tels le Maroc et le Liban où l'on relève des progrès relatifs à cette question.
Textes de loi et institutions fragiles
S'agissant des grandes conclusions de ce travail de fond, le rapport indique, avec regret, que la situation des droits humains continue à se détériorer dans la région arabe. Il précise, qu'en matière des textes de loi et volet institutionnel, les gouvernements arabes ont continué à maintenir plusieurs lois qui restreignent les libertés fondamentales. Ainsi, l'état de siège en Syrie a bouclé sa 36ème année, et en Egypte, la 28ème. De même, l'état de siège continue en Algérie depuis 1992 et a été déclaré cette année dans plusieurs régions au Soudan et en Yémen.
En Algérie, selon le rapport, les réformes constitutionnelles ont permis la réélection du président pour la troisième fois. Quant à la Tunisie, la constitution et autres textes de lois liés aux élections présidentielles ont favorisé la continuité de Zine El Abidine Ben Ali au pouvoir pour le cinquième mandat consécutif. Par ailleurs, "c'est le ministre de l'Intérieur qui a été désigné par le Président pour diriger la campagne électorale!", précise le rapport. S'agissant du Maroc, le rapport souligne qu'en comparaison avec d'autres pays arabes, il a adopté des prérogatives beaucoup plus séreuses afin d'augmenter la participation féminine aux élections municipales. Quant à la crise politique libanaise, elle a contaminé les institutions constitutionnelles du pays du Cèdre.
Des militants des droits humains sous haute surveillance
Le rapport relève également plusieurs violations des droits des activistes et militants associatifs. En Syrie, plusieurs militants ont été interdits de quitter le pays pour participer aux séminaires et rencontres internationales. Par ailleurs, le pays a connu l'incarcération d'un nombre d'activistes et présidents d'associations de défense des droits humains tels Mohannad Housni, président de l'Organisation syrienne des droits de l'Homme et une dizaine de leaders de l'Alliance des forces politiques ayant adopté l'appel de "Damas pour le changement national et démocratique".
Ledit rapport signale que "l'Etat policier tunisien a continué ses attaques sauvages contre des défendeurs des droits humains à travers les blocus des organisations d'opposition". Il souligne aussi que les membres de ces organisations sont sous haute surveillance, leurs communications téléphoniques contrôlées et leurs maisons encerclées. Il ajoute que des militants pour les droits humains ont subi des harcèlements agressifs d'une façon routinière, notamment à l'aéroport de Tunis.
Selon le rapport, la situation des militants pour les droits humains en Tunisie ne diffère pas beaucoup de celle en vigueur en Arabie Saoudite où plusieurs associations ont été dissoutes, des activistes ont été interdits de quitter le territoire et des militants ont été incarcérés sans recours à la justice. Par ailleurs, la situation au Bahreïn ne connaît pas d'évolution bien que plusieurs militants ont été amnistiés par le monarque. Ainsi, des Bahreïniens défendeurs des droits humains ont été poursuivis même dans d'autres Etats et ont été menacés et torturés.
Le rapport indique qu'en Algérie, les autorités ont interdit l'organisation de plusieurs rencontres, séminaires et sessions de formation des ONG. De surcroît, des militants des droits humains arabes ont été interdits d'entrer en Algérie ou de participer à des forums. De ce fait, la loi des associations a été réformée pour restreindre davantage les libertés collectives. Selon le rapport, ces dernières subissent le même sort en Egypte où les associations des droits humains sont sous la tutelle de trois organismes gouvernementaux et où les menaces de dissolution des ONG sont une pratique officielle courante.
Pour ce qui est du Maroc, ce rapport critique indique que malgré les avancées enregistrées en matière des droits humains depuis l'instauration de l'Instance Equité et Réconciliation, des poursuites judiciaires injustes ont eu lieu.
Liberté d'expression en régression permanente
Le rapport signale que la liberté d'expression a été manifestement censurée en 2009. Ainsi, une "guerre dévastatrice a été menée par le gouvernement yéménite contre la presse indépendante". Du coup, 10 journaux ont été dissous dans ce pays déchiré par les conflits internes. Le gouvernement yéménite a mis en place également une cour d'appel spécifique afin de censurer les publications et juger les journalistes. Ainsi, des professionnels du métier ont été interdits de pratiquer le journalisme et ont été incarcérés, des sièges de journaux ont été fermés et des sites électroniques détruits.
Au Soudan, la liberté d'expression a connu le même sort qu'au Yémen. Ainsi, " des attaques nocturnes contre les sièges de journaux ont été exécutées tout au long de l'année pour censurer et réviser des articles avant de leur publication". Plusieurs journalistes, reporters et écrivains ont été emprisonnés.
S'agissant de l'Irak, il continue à enregistrer le taux le plus élevé d'assassinats de journalistes au monde. En 2009, 8 journalistes irakiens au moins ont été tués. Bien que, dans la région du Kurdistan, une loi ait été promulguée pour interdire la peine de prison, des journalistes ont été incarcérés.
De même, en Palestine, les forces de l'occupation israélienne ont continué leurs attaques meurtrières contre des journalistes et ont encerclé plusieurs sièges de journaux et chaînes de radio et télévision palestiniennes. Au Liban, les conflits politiques ont favorisé la multiplication des harcèlements et menaces subis par des journalistes. Ainsi, lors des élections, plusieurs reporters ont été interdits de fréquenter certaines régions et arrondissements électoraux.
Concernant le Maroc, bien que le rapport reconnaisse l'élargissement du champ de liberté d'expression au cours de la décennie écoulée, il précise que les deux dernières années ont connu une régression au niveau de cette liberté. Une régression qui se caractérise par bon nombre de journalistes emprisonnés.
Le Maroc en avance en matière de droit au rassemblement pacifique
Le rapport souligne que seuls le Liban, le Maroc et l'Egypte semblent reconnaître le droit au rassemblement et réunion à leurs citoyens. "Dans ces pays, les autorités  tolèrent différentes formes de protestations sociales et rassemblements pacifiques".
Concernant d'autres pays, le rapport revient en détail sur les événements de Gafsa en Tunisie, où "des dizaines de syndicalistes ont été humiliés et jugés dans des conditions injustes". Pour le Yémen, le rapport indique que les violations des droits ont atteint un point critique avec la mort de plusieurs manifestants et activistes.
Torture, enlèvements  et crimes d'Etat : des pratiques qui persistent
Dans ce chapitre, le rapport annonce que l'Egypte reste en tête de liste des pays arabes qui pratiquent la torture. D'ailleurs, le rapport indique que "des dizaines de citoyens ont connu la mort dans des commissariats suite à la torture et l'emploi excessif de la force ". Il ajoute que plus de 38 personnes ont été tuées entre juin et septembre 2009 en tentant de traverser les frontières israéliennes clandestinement. En Algérie, le rapport précise que les autorités continuent à dissimuler les chiffres relatifs aux victimes tuées suite à des affrontements avec la police de lutte anti-terroriste.
Pour le Maroc, le rapport annonce que le gouvernement hésite encore à exécuter l'ensemble des recommandations de l'IER, notamment en ce qui concerne la garantie de l'impunité. Par ailleurs, les enlèvements, incarcérations et tortures des activistes suspectés d'appartenir à des groupes terroristes ont connu une hausse significative.
Participation politique restreinte et manipulée
Dans ce volet, le rapport signale qu'en Algérie, l'Etat a eu recours à la réforme constitutionnelle afin de permettre "la pérennisation  du pouvoir absolu d'Abdelaziz Bouteflika". Il ajoute que "bien que les élections aient été largement boycottées, le gouvernement algérien a eu recours aux médias afin de manipuler l'électorat et d'influer sur leur choix". De même, en Tunisie, le rapport souligne plusieurs violations telles que la disqualification et l'annulation des candidatures des opposants. "Ainsi, les élections ont ressemblé à un référendum pour élire le seul candidat réel, à savoir Zine El Abidine Ben Ali".
Quant au Maroc, le rapport s'étonne du fait que le Parti Authenticité et Modernité a eu le plus grand nombre de sièges lors des communales de 2009, alors qu'il venait à peine d'être créé.
Enfin, signalons que ce rapport critique et détaillé revient sur la situation politique des pays arabes qui sont sous occupation, à savoir l'Irak et la Palestine. Par ailleurs, il analyse la situation tendue au Soudan et au Yémen. Deux pays où la guerre civile risque de se déclencher.


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