Dans un entretien publié, mardi dernier, par le journal espagnol «Diario Progresista Espana », Jean Zaganiaris explique qu’il travaille sur la place de la sexualité dans les productions culturelles marocaines, telles que la littérature ou le cinéma. «Aujourd’hui, on a tendance à opposer d’un côté un monde “occidental” où la sexualité est permissive et de l’autre un monde “musulman” où elle serait taboue », précise-t-il. Et d’ajouter : «Or, quand vous faites du terrain, par exemple au Maghreb, vous voyez que la sexualité est à la fois dans la périphérie de la société et omniprésente dans certains espaces publics. Les productions artistiques aident à saisir la place complexe qu'elle occupe dans une société, même s’il s’agit de fiction».
Répondant à une question du journaliste espagnol Eduadro Nabal Aragon, sur la manière dont la littérature marocaine évoque la sexualité, Jean Zaganiaris a fait savoir que celle-ci est présente depuis les années 80 dans les productions littéraires marocaines, voire avant avec «Le passé simple» de Driss Chraïbi, publié dans les années 50 ou encore «Messaouda» de Abdelhak Serhane, sorti en 1983. «Il y a eu un virage important à partir de la fin des années 90, où on a commencé à voir de plus en plus d’évocations de la sexualité dans les romans et les nouvelles de la littérature marocaine », dit-il. « Je pense aux textes de Mohamed Leftah, Abdelhak Serhane ou Mohamed Nedali, notamment son livre «Morceaux de choix», paru en 2003 chez Le Fennec, ainsi qu’à de jeunes auteurs tels Sonia Terrab ou Hicham Tahir qui a publié en 2012 un recueil de nouvelles « Jaabouq ». Des femmes telles que Ghita El Khayat (La liaison, 1994 ; 2003) ou Baha Trabelsi (Une femme tout simplement, 1996) publient en leur nom des textes où les pratiques sexuelles sont explicites », précise l’écrivain dans ledit entretien. Tout en indiquant que «les romans évoquant publiquement la sexualité dans le contexte du Printemps arabe, dont on peut étendre les répercussions aujourd’hui, incarnent quelque chose existant depuis des années. C’est dans ce contexte que publient Abdellah Taïa ou Rachid O., qui a remporté en 2012 le prix de la Mamounia de Marrakech avec son roman «Analphabète ».
Dans un tout autre registre, Jean Zaganiaris a fait savoir qu’il est important de condamner la barbarie de l’attentat contre Charlie Hebdo «sans les «oui mais» qu’on peut voir sur les réseaux sociaux», précise-t-il. «Il est également important, poursuit l’écrivain, de ne pas faire d’amalgames islamophobes et de ne pas verser dans la stigmatisation. Les personnes de confession musulmane n’ont pas à s'excuser ou se sentir mal à l'aise parce que des criminels ont commis ces actes barbares au nom d’une religion qui n’existe que dans leur tête ou parce que des abrutis inconscients ont fait des quenelles sur une chaîne de télé pendant que la journaliste commentait l'attentat». «C'est quoi aujourd'hui être "musulman"? C'est plein de choses différentes, plein d’identités multiples. On focalise sur l’image d’intégristes religieux et on ne regarde pas d’autres islamités, plus humanistes, plus libertaires ou plus inclusives, notamment les queer muslims» a-t-il ajouté, avant de conclure : «Il suffit de lire la littérature arabe pour comprendre la pluralité des islamités et les usages multiples, voire inexistants, des références religieuses ».