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L’étincelle qui avait embrasé la capitale économique, fut, en effet, la circulaire du ministre de l’Education nationale, feu Youssef Belabbès, datée de mars 1965 et interdisant aux lycéens de plus de 17 ans l'accès au deuxième cycle du secondaire.
Le 21 du même mois, les élèves ont commencé à défiler dans les rues de Casablanca. Dans le calme et en bon ordre.
Le lendemain, les ouvriers et les jeunes chômeurs ont pris le relais et le mardi 23 mars, c’est tout Casablanca qui s’est soulevé.
La police intervient et la manifestation tourne à l’émeute. En fin d’après-midi, les habitants des bidonvilles rejoignent les lycéens. La capitale économique est sens dessus-dessous. Des barricades sont dressées. Les parents sont sortis dans la rue demander la libération de leurs enfants incarcérés, les chômeurs pour réclamer du travail, les étudiants des bourses et d’autres manifestants ont battu le pavé pour simplement crier leur colère. Des combats de rue les opposèrent aux forces de l’ordre. L’événement s’est transformé en séisme quand la contagion gagne d’autres villes.
Il a fallu faire appel à la troupe que dirige Oufkir en personne pour réprimer ces émeutes dans le sang. La ville est en état de siège. Le général félon prend en main sa reconquête en commandant les opérations depuis son hélicoptère. Nul ne connaîtra jamais le bilan précis de ces trois jours, mais les morts se comptèrent par centaines.
La nuit du 24 mars, les dirigeants de la Fédération de l’enseignement sont arrêtés et le soir même, les brigades spéciales sont entrées en scène.
Le Parlement, à la demande du groupe UNFP, constitue une commission d’enquête, mais le gouvernement ne l’autorise pas à faire son travail. La presse est saisie. « Al Alam » et « L’Opinion » sont interdits le 25 mars et « Maroc Espoir » le 28 mars. Les tribunaux régionaux multiplient les condamnations. Les jours suivants, des correspondants étrangers sont venus de partout. Mais il n’y avait plus de traces de disparus. Seulement des dégâts matériels.
Le 25 mars, le calme est rétabli au prix d’un nombre incalculable de vies humaines et de dégâts.
Le 29 mars, le Roi apparaît à la télévision. Il reconnaît l’existence du chômage et la crise économique et déclare que «l’avenir n’est pas prospère à courte échéance». Puis il en appelle à l’union nationale. Avec ce discours, une ère nouvelle dans les relations pouvoir-mouvement national commence. La dissolution du Parlement et l’instauration de l’état d’exception, le 7 juin 1965, marginalisent politiquement le mouvement national. La mort de Ben Barka scelle la fermeture du champ politique.
Trente ans après, au soir de sa vie, interrogé par Eric Laurent, Hassan II revient sur cette date : «Il ne s’agissait pas d’événements dont la fatalité était inscrite en filigrane, dans le cours des choses. C’étaient des flambées. Rien ne les laissait prévoir». Mars 1965, selon le Souverain, n’est rien d’autre que le «passage d’un âge à un autre âge, mais je n’ai jamais pu comprendre que ce passage à une autre époque ait pu avoir des effets aussi violents. De toute façon, c’était un épisode malheureux».
Ce drame a annoncé tout un cycle d'émeutes et, aujourd'hui encore, le 23 mars 1965 fait partie des traumatismes qui ont marqué l'histoire récente du Maroc.
Il aura eu, entre autres conséquences inattendues, la floraison de l’économie de rente et de la corruption. 46 ans après, elles font encore des ravages et continuent de provoquer levées de boucliers et dénonciations.
Il n’y a qu’à voir les revendications des jeunes du Mouvement du 20 février pour s’en convaincre. Néanmoins, les récentes manifestations des jeunes réclamant davantage de démocratie, de dignité et plus de droits de l’Homme, ont pu avoir lieu dans un climat responsable et serein. Toute la différence entre les deux évènements réside dans l’élargissement du champ des libertés et la propension des forces de l’ordre à donner désormais la priorité à la sécurité sans passer, pour autant, par la répression.
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