Hydrogène vert. Cette belle gageure marocaine

Le coût de production pourrait-il en freiner l’élan ?


Hassan Bentaleb
Jeudi 9 Janvier 2025

Hydrogène vert. Cette belle gageure marocaine
Mauvaise nouvelle pour le Maroc. Alors que notre pays s’impose progressivement comme un acteur clé dans le développement de l’hydrogène vert et a clairement exprimé ses ambitions de devenir un leader régional et un exportateur majeur de cette énergie, un nouveau rapport publié récemment par BloombergNEF (BNEF) jette un pavé dans la mare. Alors qu’il anticipait encore récemment une diminution rapide du coût de l’hydrogène, le cabinet a désormais révisé ses prévisions à la baisse.

En effet, en raison de coûts plus élevés que prévu, notamment pour les électrolyseurs, BNEF prévoit désormais que le prix de l’hydrogène vert évoluera de sa fourchette actuelle de 3,74 à 11,70 $/kg à une plage de 1,60 à 5,09 $/kg d’ici 2050. A titre de comparaison, l’hydrogène « gris », issu du gaz naturel, affiche aujourd’hui un coût situé entre 1,11 et 2,35 $/kg.

Toujours selon BNEF, « le coût de production et d'installation des électrolyseurs pour la production d'hydrogène vert a augmenté de plus de 50% à l'échelle mondiale, y compris en Chine, par rapport à l'année dernière. Parmi les principales causes identifiées figurent l'inflation persistante et les retards dans l'octroi des subventions ».

A rappeler qu’en  2022, BNEF avait anticipé une réduction de 30% des coûts d'investissement EPC (ingénierie, approvisionnement et construction) sur une période de trois ans, avec une baisse annuelle constante. Selon ces projections, les coûts totaux du système auraient dû diminuer de 8 à 10% en 2023, par rapport à 2022, grâce aux économies d'échelle, aux avancées technologiques, à l'intégration verticale et à des marges réduites. Or, force est de constater que cette trajectoire de réduction des coûts, annoncée dans un rapport de 2022, ne s’est pas matérialisée.
 
Une dynamique mondiale en demi-teinte

Même son de cloche de la part de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport Renewables 2023: Analysis and Forecast to 2028. Selon ce dernier la production de l’hydrogène vert progresse lentement et plusieurs régions du monde peinent à aligner ambitions et réalisations, à cause de défis structurels et économiques.

D’après l’AIE, seulement 45 GW de nouvelle capacité de production d’hydrogène vert seront opérationnels d’ici 2028, ce qui représente à peine 7% des projections initiales. Loin des objectifs, cette lenteur pourrait engendrer une offre insuffisante pour répondre à la demande croissante d’hydrogène vert dans les secteurs de l’industrie, des transports et de l’énergie.

En Europe, bien que l’UE soit sur la voie d’atteindre ses premiers objectifs d’utilisation d’hydrogène renouvelable (42% dans l’industrie et 1% dans les carburants de transport d’ici 2030), la réalisation des étapes suivantes dépendra fortement des politiques de soutien mises en place. L’AIE souligne que des mécanismes financiers clairs et pérennes sont nécessaires pour garantir la rentabilité des projets à long terme.

Aux États-Unis, la situation est similaire. Le rapport met en lumière le potentiel d’une accélération si les incitations fiscales de l’Inflation Reduction Act (IRA) rendent l’hydrogène renouvelable compétitif par rapport aux alternatives fossiles. Cependant, une telle dynamique repose sur la capacité des décideurs à maintenir des conditions favorables aux investissements dans la filière.

Dans d’autres régions, comme l’Amérique latine ou la zone Asie-Pacifique, les prévisions de production d’hydrogène vert sont revues à la baisse. Ces marchés, pourtant riches en potentiel en raison de leur capacité de production d’électricité renouvelable (solaire et éolienne), rencontrent des problèmes d’ordre logistique, technique et financier qui ralentissent la mise en œuvre des projets.
A l’horizon 2030, cependant, certains pays exportateur

s de pétrole comme l’Arabie Saoudite pourraient émerger. Le projet NEOM, par exemple, pourrait symboliser l’essor d’une production à grande échelle, destinée aux marchés internationaux.
 
Un pari stratégique dans un contexte mondial complexe

Le Maroc bénéficie de conditions idéales pour produire de l’hydrogène vert. En effet, le pays dispose d’un potentiel solaire et éolien parmi les meilleurs au monde, avec des taux d’ensoleillement élevés et des zones propices à l’installation de parcs éoliens. Il a également déjà investi massivement dans des projets de production d’énergie renouvelable, comme le complexe solaire de Noor à Ouarzazate, qui pourraient être intégrés à des projets d’électrolyse. D’autant qu’il a présenté en 2021 sa "Feuille de route pour l’hydrogène vert", visant à capter entre 2 et 4% du marché mondial à l’horizon 2030 et à attirer des investisseurs internationaux.

Mais malgré ses avantages, le Maroc n’échappe pas aux défis mondiaux liés à la production d’hydrogène vert. Ce dernier est produit à partir d’eau et d’électricité renouvelable via l’électrolyse. Or, le coût des électrolyseurs reste élevé puisqu’il représente environ 30% du coût total de production. A noter également que des retards dans la fabrication et la livraison des électrolyseurs à l’échelle mondiale, souvent liés à des problèmes de chaîne d’approvisionnement, ralentissent les projets.

A noter que bien que le Maroc bénéficie d’un faible coût de production pour l’électricité renouvelable, celui-ci reste dépendant des infrastructures solaires et éoliennes qui requièrent un financement massif pour être opérationnelles à grande échelle. La volatilité des marchés mondiaux pose également problème. Les matériaux nécessaires à la fabrication des panneaux solaires et des éoliennes, comme le silicium ou les terres rares, connaissent une hausse des prix.

Hassan Bentaleb


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