Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse


Libé
Mercredi 6 Novembre 2013

Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse
La princesse commanda aussitôt qu’on fit venir la sainte femme, et pendant qu’on alla l’appeler, elle raconta à Aladdin à quelle occasion elle se trouvait dans le palais, où elle lui avait donné un appartement. La fausse Fatime arriva, et dès qu’elle fut entrée : « Venez, ma bonne mère, lui dit Aladdin ; je suis bien aise de vous voir et de ce que mon bonheur veut que vous vous trouviez ici. Je suis tourmenté d’un furieux mal de tête qui vient de me saisir.
 Je demande votre secours par la confiance que j’ai en vos bonnes prières, et j’espère que vous ne me refuserez pas la grâce que vous faites à tant d’affligés de ce mal. » En achevant ces paroles, il se leva en baissant la tête, et la fausse Fatime s’avança de son côté, mais en portant la main sur un poignard qu’elle avait à sa ceinture, sous sa robe. Aladdin, qui l’observait, lui saisit la main avant qu’elle l’eût tiré, et en lui perçant le coeur du sien, il la jeta morte sur le plancher. « Mon cher époux, qu’avez-vous fait ? s’écria la princesse dans sa surprise : vous avez tué la sainte femme.
– Non, ma princesse, répondit Aladdin sans s’émouvoir, je n’ai pas tué Fatime, mais un scélérat qui allait m’assassiner si je ne l’eusse prévenu. C’est ce méchant homme que vous voyez, ajouta-t-il en le dévoilant, qui a étranglé Fatime, que vous avez cru regretter en m’accusant de sa mort, et qui s’était déguisé sous son habit pour me poignarder. Et afin que vous le connaissiez mieux, il était frère du magicien africain, votre ravisseur.» Aladdin lui raconta ensuite par quelle voie il avait appris ces particularités, après quoi il fit enlever le cadavre. C’est ainsi qu’Aladdin fut délivré de la persécution des deux frères magiciens. Peu d’années après, le sultan mourut dans une grande vieillesse.
Comme il ne laissa pas d’enfants mâles, la princesse Badroulboudour, en qualité de légitime héritière, lui succéda, et communiqua la puissance suprême à Aladdin. Ils régnèrent ensemble de longues années et laissèrent une illustre postérité.
– Sire, dit la sultane Scheherazade en achevant l’histoire des aventures arrivées à l’occasion de la lampe merveilleuse, Votre Majesté sans doute aura remarqué dans la personne du magicien africain un homme abandonné à la passion démesurée de posséder des trésors par des voies condamnables, qui lui en découvrirent d’immenses, dont il ne jouit point parce qu’il s’en rendit indigne.
Dans Aladdin, elle voit au contraire un homme qui d’une basse naissance s’élève jusqu’à la royauté, en se servant des mêmes trésors, qui lui viennent sans les chercher, seulement à mesure qu’il en a besoin pour parvenir à la fin qu’il s’est proposée. Dans le sultan elle aura appris combien un monarque bon, juste et équitable court des dangers et risque même d’être détrôné lorsque, par une injustice criante et contre toutes les règles de l’équité, il ose, par une promptitude déraisonnable, condamner à mort un innocent sans vouloir l’entendre dans sa justification. Enfin elle aura eu horreur des abominations de deux scélérats de magiciens, dont l’un sacrifie sa vie pour posséder des trésors, et l’autre sa vie et sa religion à la vengeance d’un scélérat comme lui, et qui comme lui aussi reçoit le châtiment de sa méchanceté.
Le sultan des Indes témoigna à la sultane Scheherazade, son épouse, qu’il était très satisfait des prodiges qu’il venait d’entendre de la lampe merveilleuse, et que les contes qu’elle lui faisait chaque nuit lui faisaient beaucoup de plaisir. En effet, ils étaient divertissants, et presque toujours assaisonnés d’une bonne morale. Il voyait bien que la sultane les faisait adroitement succéder les uns aux autres, et il n’était pas fâché qu’elle lui donnât occasion par ce moyen de tenir en suspens à son égard l’exécution du serment qu’il avait fait si solennellement de ne garder une femme qu’une nuit et de la faire mourir le lendemain. Il n’avait même presque plus d’autre pensée que de voir s’il ne viendrait point à bout de lui en faire tarir le fonds.  (fin)


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