Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse


Libé
Vendredi 1 Novembre 2013

Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse
Cet homme le lui enseigna ; sur quoi, après avoir conçu et arrêté le dessein détestable dont nous allons parler bientôt, afin de le savoir plus sûrement, il observa toutes ses démarches le premier jour qu’elle sortit, après avoir fait cette enquête, sans la perdre de vue jusqu’au soir, qu’il la vit rentrer dans son ermitage. Quand il eut bien remarqué l’endroit, il se retira dans un des lieux que nous avons dits, où l’on buvait d’une certaine boisson chaude et où l’on pouvait passer la nuit si l’on voulait, particulièrement dans les grandes chaleurs, que l’on aime mieux en ces pays-là coucher sur la natte que dans un lit. Le magicien, après avoir contenté le maître du lieu en lui payant le peu de dépense qu’il avait faite, sortit vers le minuit et il alla droit à l’ermitage de Fatime, la sainte femme, nom sous lequel elle était connue dans toute la ville.
Il n’eut pas de peine à ouvrir la porte : elle n’était fermée qu’avec un loquet. Il la referma sans faire de bruit quand il fut entré, et il aperçut Fatime, à la clarté de la lune, couchée à l’air, et qui dormait sur un sofa garni d’une méchante natte et appuyé contre sa cellule. Il s’approcha d’elle, et après avoir tiré un poignard qu’il portait au côté, il l’éveilla. En ouvrant les yeux, la pauvre Fatime fut fort étonnée de voir un homme prêt à la poignarder. En lui appuyant le poignard contre le coeur, prêt à le lui enfoncer : « Si tu cries, dit-il, ou si tu fais le moindre bruit, je te tue. Mais lève-toi, et fais ce que je te dirai. » Fatime, qui était couchée dans son habit, se leva en tremblant de frayeur.
« Ne crains pas, lui dit le magicien, je ne demande que ton habit ; donne-le-moi et prends le mien. » Ils firent l’échange d’habits, et quand le magicien se fut habillé de celui de Fatime, il lui dit : « Colore-moi le visage comme le tien, de manière que je te ressemble et que la couleur ne s’efface pas. » Comme il vit qu’elle tremblait encore, pour la rassurer et afin qu’elle fît ce qu’il souhaitait avec plus d’assurance, il lui dit : « Ne crains pas, te dis-je encore une fois ; je te jure par le nom de Dieu que je te donne la vie. » Fatime le fit entrer dans sa cellule, elle alluma sa lampe, et en prenant d’une certain liqueur dans un vase avec un pinceau, elle lui en frotta le visage et elle lui assura que la couleur ne changerait pas, et qu’il avait le visage de la même couleur qu’elle sans différence ; elle lui mit ensuite sa propre coiffure sur la tête, avec un voile dont elle lui enseigna comment il fallait qu’il s’en cachât le visage en allant par la ville.
 Enfin, après qu’elle lui eut mis autour du cou un gros chapelet, qui lui pendait par-devant jusqu’au milieu du corps, elle lui mit à la main le même bâton qu’elle avait coutume de porter, et en lui présentant un miroir : « Regardez, dit-elle, vous verrez que vous me ressemblez on ne peut pas mieux. » Le magicien se trouva comme il l’avait souhaité, mais il ne tint pas à la bonne Fatime le serment qu’il lui avait fait si solennellement. Afin qu’on ne vît pas de sang en la perçant de son poignard, il l’étrangla, et quand il vit qu’elle avait rendu l’âme, il traîna son cadavre par les pieds jusqu’à la citerne de l’ermitage, et il la jeta dedans.
Le magicien, déguisé ainsi en Fatime la sainte femme, passa le reste de la nuit dans l’ermitage, après s’être souillé d’un meurtre si détestable. Le lendemain matin, à une heure ou deux de jour, quoique dans un jour que la sainte femme n’avait pas coutume de sortir, il ne laissa pas de le faire, bien persuadé qu’on ne l’interrogerait pas là-dessus, et au cas qu’on l’interrogeât, prêt à répondre. Comme une des premières choses qu’il avait faites en arrivant avait été d’aller reconnaître le palais d’Aladdin, et que c’était là qu’il avait projeté de jouer son rôle, il prit son chemin de ce côté-là.
    (A suivre


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