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- Charmante princesse, répondit-il en tenant à la main le gobelet qu’on venait de lui présenter, mon vin acquiert une nouvelle bonté par l’approbation que vous lui donnez.
– Buvez à ma santé, reprit la princesse, vous trouverez vous-même que je m’y connais.»
Il but à la santé de la princesse. Et en regardant le gobelet : « Princesse, dit-il, je me tiens heureux d’avoir réservé cette pièce pour une si bonne occasion ; j’avoue moi-même que je n’en ai bu de ma vie de si excellent en plus d’une manière. » Quand ils eurent continué de manger et de boire trois autres coups, la princesse, qui avait achevé de charmer le magicien africain par ses honnêtetés et par ses manières tout obligeantes, donna enfin le signal à la femme qui lui donnait à boire, en disant en même temps qu’on lui apportât son gobelet plein de vin, qu’on emplît de même celui du magicien africain, et qu’on le lui présentât. Quand ils eurent chacun le gobelet à la main : « Je ne sais, dit-elle au magicien africain, comment on en use chez vous quand on s’aime bien et qu’on boit ensemble comme nous le faisons ? Chez nous, à la Chine, l’amant et l’amante se présentent réciproquement à chacun leur gobelet, et de la sorte ils boivent à la santé l’un de l’autre. » En même temps elle lui présenta le gobelet qu’elle tenait, en avançant l’autre main pour recevoir le sien. Le magicien africain se hâta de faire cet échange, avec d’autant plus de plaisir qu’il regarda cette faveur comme la marque la plus certaine de la conquête entière du coeur de la princesse, ce qui le mit au comble de son bonheur. Avant qu’il bût : «Princesse, dit-il le gobelet à la main, il s’en faut beaucoup que nos Africains soient aussi raffinés dans l’art d’assaisonner l’amour de tous ses agréments que les Chinois, et en m’instruisant d’une leçon que j’ignorais, j’apprends aussi à quel point je dois être sensible à la grâce que je reçois. Jamais je ne l’oublierai, aimable princesse, d’avoir retrouvé, en buvant dans votre gobelet, une vie dont votre cruauté m’eût fait perdre l’espérance, si elle eût continué. »a princesse Badroulboudour, qui s’ennuyait du discours à perte de vue du magicien africain : « Buvons, dit-elle en l’interrompant, vous reprendrez après ce que vous voulez me dire. » En même temps elle porta à la bouche le gobelet, qu’elle ne toucha que du bout des lèvres, pendant que le magicien africain se pressa si fort de la prévenir qu’il vida le sien sans en laisser une goutte. En achevant de le vider, comme il avait un peu penché la tête en arrière pour montrer sa diligence, il demeura quelque temps en cet état, jusqu’à ce que la princesse, qui avait toujours le bord du gobelet sur ses lèvres, vit que les yeux lui tournaient et qu’il tomba sur le dos sans sentiment. La princesse n’eut bas besoin de commander qu’on allât ouvrir la porte secrète à Aladdin.
Ses femmes, qui avaient le mot, s’étaient disposées d’espace en espace, depuis le salon jusqu’au bas de l’escalier, de manière que le magicien africain ne fut pas plutôt tombé à la renverse que la porte lui fut ouverte presque dans le moment. Aladdin monta et il entra dans le salon.
(A suivre)