Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse


Libé
Mardi 22 Octobre 2013

Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse
Mon palais forcé ! reprit le sultan. Qui peut avoir cette audace ?
– Sire, repartit le grand vizir, que Votre Majesté jette les yeux sur les murs du palais et sur la place, elle connaîtra la vérité de ce que je lui dis. » L’épouvante du sultan fut si grande quand il eut vu une émotion si vive et si animée, que dans le moment même il commanda au bourreau de remettre son sabre dans le fourreau,  d’ôter le bandeau des yeux d’Aladdin et de le laisser libre. Il donna ordre aussi aux tchaoux de crier que le sultan lui faisait grâce et que chacun eût à se retirer.
Alors tous ceux qui étaient déjà montés sur les murs du palais, témoins de ce qui venait de se passer, abandonnèrent leur dessein. Ils descendirent en peu d’instants, et, pleins de joie d’avoir sauvé la vie à un homme qu’ils aimaient véritablement, ils publièrent cette nouvelle à tous ceux qui étaient autour d’eux.
Elle passa bientôt à toute la populace qui était dans la place du palais, et les cris des tchaoux, qui annonçaient la même chose du haut des terrasses où ils étaient montés, achevèrent de la rendre publique. La justice que le sultan venait de rendre à Aladdin en lui faisant grâce désarma la populace, fit cesser le tumulte, et insensiblement chacun se retira chez soi. Quand Aladdin se vit libre, il leva la tête du côté du balcon, et comme il eut aperçu le sultan : «Sire, dit-il en élevant sa voix d’une manière touchante, je supplie Votre Majesté d’ajouter une nouvelle grâce à celle qu’elle vient de me faire, c’est de vouloir bien me faire connaître quel est mon crime. – Quel est ton crime, perfide! répondit le sultan : ne le sais-tu pas? Monte jusqu’ici, continua-t-il, et je te le ferai connaître». Aladdin monta, et quand il se fut présenté : «Suis-moi», lui dit le sultan en marchant devant lui sans le regarder. Il le mena jusqu’au cabinet ouvert, et quand il fut arrivé à la porte : «Entre, lui dit le sultan, tu dois savoir où était ton palais ; regarde de tous côtés et dis-moi ce qu’il est devenu». Aladdin regarde et ne voit rien. Il s’aperçoit bien de tout le terrain que son palais occupait ; mais comme il ne put deviner comment il avait pu disparaître, cet événement extraordinaire et surprenant le mit dans une confusion et dans un étonnement qui l’empêchèrent de pouvoir répondre un seul mot au sultan».
Le sultan, impatient : «Dis-moi donc, répéta-t-il à Aladdin, où est ton palais et où est ma fille!» Alors Aladdin rompit le silence. «Sire, dit-il, je vois bien, et je l’avoue, que le palais que j’ai fait bâtir n’est plus à la place où il était, je vois qu’il a disparu, et je ne puis dire aussi à Votre Majesté où il peut être, mais je peux l’assurer que je n’ai aucune part à cet événement.
«– Je ne me mets pas en peine de ce que ton palais est devenu, reprit le sultan. J’estime ma fille un million de fois davantage : je veux que tu me la retrouves, autrement je te ferai couper la tête, et nulle considération ne m’en empêchera.
«–Sire, repartit Aladdin, je supplie Votre Majesté de m’accorder quarante jours pour faire mes diligences, et si dans cet intervalle je n’y réussis pas, je lui donne ma parole que j’apporterai ma tête au pied de son trône afin qu’elle en dispose à sa volonté. – Je t’accorde les quarante jours que tu me demandes, lui dit le sultan ; mais ne crois pas abuser de la grâce que je te fais, en pensant échapper à mon ressentiment.
En quelque endroit de la terre que tu puisses être, je saurai bien te trouver».
Aladdin s’éloigna de la présence du sultan dans une grande humiliation et dans un état à faire pitié. Il passa au travers des cours du palais la tête baissée, sans oser lever les yeux, dans la confusion où il était ; et les principaux officiers de la cour, dont il n’avait pas désobligé un seul, quoique amis, au lieu de s’approcher de lui pour le consoler ou pour lui offrir une retraite chez eux, lui tournèrent le dos, autant pour ne pas le voir qu’afin qu’il ne pût pas les reconnaître. Mais, quand ils se fussent approchés de lui pour lui dire quelque chose de consolant ou pour lui faire offre de service, ils n’eussent plus reconnu Aladdin : il ne se reconnaissait pas lui-même et il n’avait plus la liberté de son esprit. Il le fit bien connaître quand il fut hors du palais ; car, sans penser à ce qu’il faisait, il demandait de porte en porte
(A suivre)


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