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Cette inclination généreuse lui fit donner par tout le peuple mille bénédictions, et il était ordinaire de ne jurer que par sa tête. Enfin, sans donner ombrage au sultan, à qui il faisait fort régulièrement sa cour, on peut dire qu’Aladdin s’était attiré par ses manières affables et libérales toute l’affection du peuple, et que, généralement parlant, il était plus aimé que le sultan même.
Il joignit à toutes ces belles qualités une valeur et un zèle pour le bien de l’état qu’on ne saurait assez louer. Il en donna même des marques à l’occasion d’une révolte vers les confins du royaume. Il n’eut pas plutôt appris que le sultan levait une armée pour la dissiper, qu’il le supplia de lui en donner le commandement. Il n’eut pas de peine à l’obtenir. Sitôt qu’il fut à la tête de l’armée, il se conduisit en toute cette expédition avec tant de diligence, que le sultan apprit plus tôt que les révoltés avaient été défaits, châtiés ou dissipés, que son arrivée à l’armée. Cette action, qui rendit son nom célèbre dans toute l’étendue du royaume, ne changea point son coeur ; il revint victorieux, mais aussi doux et aussi affable qu’il avait toujours été. Il y avait déjà plusieurs années qu’Aladdin se gouvernait comme nous venons de le dire quand le magicien, qui lui avait donné sans y penser le moyen de s’élever à une si haute fortune, se souvint de lui en Afrique, où il était retourné. Quoique jusqu’alors il se fût persuadé qu’Aladdin était mort dans le souterrain où il l’avait laissé, il lui vint néanmoins en pensée de savoir précisément quelle avait été sa fin. Comme il était grand géomancien, il lira d’une armoire un carré en forme de boite couverte, dont il se servait pour faire ses observations de géomancie.
Il s’assied sur son sofa, met le carré devant lui, le découvre, et après avoir préparé et égalé le sable avec l’intention de savoir si Aladdin était mort dans le souterrain, il jette les points, il en tire les figures et il en forme l’horoscope. En examinant l’horoscope pour en porter jugement, au lieu de trouver qu’Aladdin fût mort dans le souterrain, il découvre qu’il en était sorti et qu’il vivait sur terre dans une grande splendeur, puissamment riche, mari d’une princesse, honoré et respecté.
Le magicien africain n’eut pas plutôt appris, par les règles de son art diabolique, qu’Aladdin était dans cette grande élévation, que le feu lui en monta au visage. De rage il dit en lui-même : «Ce misérable fils de tailleur a découvert le secret et la vertu de la lampe : j’avais cru sa mort certaine, et le voilà qui jouit du fruit de mes travaux et de mes veilles ! J’empêcherai qu’il n’en jouisse longtemps ou je périrai. » Il ne fut pas longtemps à délibérer sur le parti qu’il avait à prendre.
(A suivre)