Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse


Libé
Vendredi 20 Septembre 2013

Histoire d’Aladdin ou la lampe merveilleuse
Le fils du grand vizir, plus honteux et plus mortifié du mauvais succès de cette dernière nuit que de la première, à peine eut-il entendu venir le sultan, qu’il se leva avec précipitation et se jeta dans la garde-robe. Le sultan s’avança jusqu’au lit de la princesse en lui donnant le bonjour, et après lui avoir fait les mêmes caresses que le jour de devant : « Hé bien, ma fille, lui dit-il, êtes-vous ce matin d’aussi mauvaise humeur que vous étiez hier? Me direz-vous comment vous avez passé la nuit ? »
La princesse garda le même silence, et le sultan s’aperçut qu’elle avait l’esprit beaucoup moins tranquille et qu’elle était plus abattue que la première fois. Il ne douta pas que quelque chose d’extraordinaire ne lui fût arrivé. Alors, irrité du mystère qu’elle lui en faisait : « Ma fille, lui dit-il tout en colère et le sabre à la main, ou vous me direz ce que vous me cachez, ou je vais vous couper la tête tout à l’heure. » La princesse, plus effrayée du ton et de la menace du sultan offensé que de la vue du sabre nu, rompit enfin le silence. «Mon cher père et mon sultan, s’écria-t-elle les larmes aux yeux, je demande pardon à Votre Majesté si je l’ai offensée; j’espère de sa bonté et de sa clémence qu’elle fera succéder la compassion à la colère quand je lui aurai fait le fidèle du triste et pitoyable état où je me suis trouvée toute cette nuit et la nuit passée». Après ce préambule, qui apaisa et qui attendrit un peu le sultan, elle lui raconta fidèlement tout ce qui lui était arrivé pendant ces deux fâcheuses nuits, mais d’une manière si touchante qu’il en fut vivement pénétré de douleur par l’amour et par la tendresse qu’il avait pour elle.
Elle finit par ces paroles : « Si Votre Majesté a le moindre doute sur le récit que je viens de lui faire, elle peut s’en informer de l’époux qu’elle m’a donné : je suis bien persuadée qu’il rendra à la vérité le même témoignage que je lui rends. » Le sultan entra tout de bon dans la peine extrême qu’une aventure aussi surprenante devait avoir causée à la princesse. « Ma fille, lui dit-il, vous avez grand tort de ne vous être pas expliquée à moi dès hier sur une affaire aussi étrange que celle que vous venez de m’apprendre, dans laquelle je ne prends pas moins d’intérêt que vous-même. Je ne vous ai pas mariée dans l’intention de vous rendre malheureuse, mais plutôt dans la vue de vous rendre heureuse et contente, et de vous faire jouir de tout le bonheur que vous méritez et que vous pouviez espérer avec un époux qui m’avait paru vous convenir. Effacez de votre esprit les idées fâcheuses de tout ce que vous venez de me raconter. Je vais mettre ordre à ce qu’il ne vous arrive pas davantage des nuits aussi désagréables et aussi peu supportables que celles que vous avez passées. » Dès que le sultan fut rentré dans son appartement, il envoya appeler son grand vizir. « Vizir, lui dit-il, avez-vous vu votre fils, et ne vous a-t-il rien dit ? » Comme le grand vizir lui eut répondu qu’il ne l’avait pas vu, le sultan lui fit le récit de tout ce que la princesse Badroulboudour venait de lui raconter. En achevant : « Je ne doute pas, ajouta-t-il, que ma fille ne m’ait dit la vérité ; je serai bien aise néanmoins d’en avoir la confirmation par le témoignage de votre fils. Allez, et demandez-lui ce qui en est. »
Le grand vizir ne différa pas d’aller joindre son fils. Il lui fit part de ce que le sultan venait de lui communiquer, et il lui enjoignit de ne  point lui déguiser la vérité et de lui dire si tout cela était vrai. « Je ne vous la déguiserai pas, mon père, lui répondit le fils. Tout ce que la princesse a dit au sultan est vrai ; mais elle n’a pu lui dire les mauvais traitements qui m’ont été faits en mon particulier. Les voici : depuis mon mariage, j’ai passé deux nuits, les plus cruelles qu’on puisse imaginer, et je n’ai pas d’expression pour vous décrire au juste et avec toutes leurs circonstances les maux que j’ai soufferts.
(A suivre)


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