Quelques mois plus tard, Herson vendait déjà la peau de l’ours : « En résumé, les prévisions les plus pessimistes ont annoncé des bénéfices de 8,75 milliards de dollars avec impôts au bout de trois ans, ce qui en ferait la plus grande opération de paris/loterie au monde ».
La voilà, la Grande Idée que Joao et Jean-Marie attendaient depuis si longtemps. Quelque chose comme 8 milliards de dollars par an au bas mot, pour commencer. Songez aux petits pourcentages, aux commissions, aux bonus, aux honoraires de conseillers… Même les défraiements seraient grandioses.
Herson écrivit à Blatter : « J’ai enregistré tous les documents ainsi que toutes les discussions liés au projet dans des mémorandums de plusieurs mégaoctets ; ceci afin de suivre régulièrement son avancement et d’enregistrer tous les liens et la participation des différentes personnes et entités ».
L’Américain avait de surprenantes révélations à faire sur les agissements de Jean-Marie au nom de la FIFA. «Pendant la première moitié de 1994, avec l’accord informé d’ISL, ces plans ont été présentés et discutés avec un certain nombre d’organisations comme Caesars World et VISA international, dans un effort pour les intéresser au projet et obtenir leur soutien. D’importantes négociations ont eu lieu à Dallas, Londres et Zurich, généralement au centre-ville, dans l’hôtel où séjournait M. Havelange». Ils élaborèrent une franchise qu’ISL confierait exclusivement au groupe Machline. Matias serait autorisé à exploiter le logo FIFA et ses droits commerciaux pour «le développement et l’exploration des activités choisies».
La Coupe du monde 1994 arriva aux Etats-Unis et le 16 juin à Chicago, Havelange fut réélu pour quatre ans sous les acclamations. Le lendemain, l’Allemagne inaugura le tournoi contre la Bolivie. Quelques semaines plus tard, les hommes d’affaires se retrouvaient à nouveau, pour «une réunion de travail concluante», dans un luxueux palace de Dallas, The Mansion on Turtle Creek Hotel. Une dernière mouture du contrat fut rédigée et signée par Weber, Coelho, Machline et Herson.
Le même jour, le 3 juillet, toujours à Dallas, la Suède battait l’Arabie Saoudite 3 à 1.
Ils se réunirent à nouveau à la Mansion on Turtle Creek, pour “une séance préparatoire additionnelle”, le 17 juillet. La finale de la Coupe débuta sans eux, à l’heure du déjeuner, à plus de deux mille kilomètres de là, à Pasadena en Californie (le Brésil battit l’Italie après prolongations, par 3 tirs au but à 2). Mais les affaires sont les affaires. Il y avait des fortunes colossales à gagner. Au pays, Matias Machline accueillit les vainqueurs en grande pompe. Lors d’une réception organisée avec Ricardo Teixeira, ils offrirent un téléviseur à chaque joueur et mirent plusieurs milliers de dollars dans la cagnotte prévue pour leur offrir un beau cadeau.
Un mois plus tard, ils ne retrouvèrent dans un hôtel à New York. Ils furent rejoints par un nouveau collègue, un businessman aux dents longues qui avait quitté son poste tout en haut de la hiérarchie à American Express Brazil pour devenir directeur général de FIFA Club.
C’était le 12 août et tout le monde signa le contrat définitif. Herson raconte: “Les opérations devaient débuter peu après. Il était prévu que plusieurs grandes organisations bancaires et de jeu rejoignent bientôt le projet”.
Matias Machline, soixante et un ans, et son épouse Maria Araujo, trente ans, dirent au revoir à leurs nouveaux partenaires de jeu et se rendirent à l’héliport de la 34e Rue. A vingt heures trente, le couple embarquait dans un hélicoptère privé pour se rendre à Atlantic City, où Matias comptait prendre un peu de bon temps dans les casinos.
Le pilote Doug Roesch avait passé tous les tests pour voler dans des conditions normales de visibilité. Mais il manquait d’expérience pour faire face à une situation imprévue nécessitant de voler uniquement aux instruments de bord. Au bout de quinze minutes de vol, il contacta sa base. Il déclara que les conditions météorologique le préoccupaient. Il hésitait à poursuivre le voyage.
Puis il établit un contact radio avec son collègue Eric Mansell, qui effectuait un vol panoramique au-dessus de la ville. Roesch lui annonça qu’il allait faire demi-tour, puis il se ravisa et décida de tenter une dernière fois d’atteindre l’aéroport d’Atlantic City. Ils se parlèrent à nouveau cinq minutes plus tard. Mansell a déclaré après les faits: “Roesch, d’abord inquiet et tendu, était devenu calme et confiant”. Cependant, il faisait très noir et il grimpa à deux mille pieds pour tenter d’éviter les nuages bas sur sa trajectoire de vol.
Dix minutes plus tard, Mansell appela Roesch pour savoir où il en était. Le magnéto dans le cockpit de Manseil enregistra le bref échange suivant:
Roesch: Eric, je ne vois plus rien! (voix angoissée).
Mansell: Doug, tu plaisantes?
Roesch: Eric, je ne contrôle plus le moteur (voix paniquée).
Mansell: Doug, tu plaisantes? Tu plaisantes? ça va?
Roesch: Eric! (voix paniquée)
Une femme qui se tenait devant sa maison dans une zone boisée près de Whiting dans le New Jersey entendit l’hélicoptère au-dessus d’elle. Elle a raconté aux enquêteurs: «Tout à coup, le ronflement du moteur a ralenti, devenant crachotant. Tandis que j’essayais de suivre le bruit des yeux, j’ai vu une grande lueur orange remplir le ciel».
A SUIVRE