Harcèlement sexuel dans l’espace public, les étudiants s’engagent

“Me siffler n’est pas un compliment !”


Mehdi Ouassat
Samedi 9 Mai 2015

Harcèlement sexuel dans l’espace public, les étudiants s’engagent
Le harcèlement sexuel des femmes dans l’espace public a toutes les raisons d’être réprouvé. Les initiatives de faire prendre conscience de ce phénomène sont de plus en plus récurrentes et ce qui apparaissait autrefois comme une banalité ou une simple tentative de séduction en milieu urbain est devenu aujourd’hui un sujet politique délicat qui ne cesse d’alimenter les polémiques. 
Ainsi, «Le harcèlement sexuel, les femmes dans l’espace public», un livre collectif consacré à ce sujet, vient de paraître aux éditions «Afrique Orient». Il  reproduit les travaux d’une journée d’études, tenue en avril 2014 à la Faculté des lettres d’Aïn-Chok de Casablanca, à l’initiative du département de français, et sous la supervision d’Abdellah El Ghazouani, professeur au sein de la même faculté. Selon lui, l’intérêt de cet ouvrage de 180 pages repose sur le fait que ce sont les étudiants eux-mêmes, par leurs témoignages et leurs réflexions, qui se sont investis dans cette enquête. Il s’agit donc de l’aboutissement d’un travail sur le harcèlement sexuel qui contient des témoignages de femmes condamnées à affronter ce phénomène désagréable au quotidien. Tantôt banal, tantôt sournois ou carrément grossier. 
«Le harcèlement sexuel, les femmes dans l’espace public» se veut également une réflexion sur les causes profondes de ce phénomène et sur les moyens de le contenir, de l’endiguer.  «Il est intolérable que notre société marocaine, qui connaît une émergence dans plusieurs domaines, n’arrive, paradoxalement, pas encore à gérer cette problématique en souffrance qui continue à la gangrener, tout en  demeurant pointée du doigt par l’opinion internationale», souligne Touria El Safi, une des étudiantes qui ont coécrit ce livre. «Peut-on éventuellement se fier aux  timides statistiques publiées de temps à autre par des ONG ?», se demande-t-elle, avant de préciser qu’il y a «un grand décalage entre la réalité du harcèlement au quotidien, le nombre réel des plaintes et le nombre de celles qui aboutissent». 
L’ouvrage présente, par ailleurs, quelques propositions susceptibles de contribuer à la sensibilisation de l’opinion publique et à l’évolution des mentalités.  Il suggère en premier lieu l’installation d’un dispositif de dissuasion qui affirme clairement et à haute voix que certains comportements sont préjudiciables à la quiétude et la tranquillité des femmes. «L’élaboration d’un guide, qui indique avec précision ce qu’est le harcèlement sexuel et qui précise qu’il n’est accepté ni légalement ni moralement, est à envisager», souligne-t-on. La deuxième proposition qui ressort dudit ouvrage est la mise en place d’un dispositif d’actions concrètes alors que le troisième élément consiste, selon les auteurs du livre, en l’installation des dispositifs de compréhension. Et ce «en lançant des études menées par des équipes pluridisciplinaires afin de mieux comprendre le comportement des uns et des autres dans l’espace public. Il s’agit d’agir sur le long terme», lit-on dans le troisième chapitre.
Il est à rappeler que plusieurs gouvernements ont renforcé leur dispositif de lutte contre le harcèlement sexuel, chacun à sa manière. En Belgique par exemple, une étudiante en cinéma a réussi, en 2012, à interpeller les pouvoirs publics avec son documentaire, «Femmes de la rue», qui filmait le harcèlement urbain en plein cœur de Bruxelles. Quelques mois plus tard, le gouvernement belge a décidé de punir les comportements sexistes dans l’espace public, lesquels sont désormais passibles d’une peine d’emprisonnement allant d’un mois à un an et/ou d’une amende de cinquante à mille euros. La ministre des Transports britannique envisage, quant à elle, de réserver une partie du métro de la capitale anglaise aux femmes. Et ce en réponse à la hausse de 20% en un an des agressions sexuelles dans les transports publics. Si cette mesure de ségrégation constitue une première en Europe, elle a, par ailleurs, été adoptée depuis plusieurs années dans les pays où les cas de harcèlement sexuel sont légion.  
Selon le quotidien français, «Le Figaro», près de 64% des femmes entre 20 et 40 ans ont déjà été victimes d’attouchements non désirés dans les transports du Japon. Sont depuis apparus les « trains roses » et leur bannière «Women only», qui désignent les wagons réservés aux femmes lors des heures de pointe durant lesquelles les dérapages sont nombreux. Toujours selon la même source, ces wagons exclusifs existent également en Égypte, où 99,3% des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel ou verbal et 86,5% ne se sentent pas en sécurité dans les transports publics. Au Brésil aussi les métros de Brasilia et de Rio de Janeiro  proposent des wagons « roses », alors qu’en Mexique, les femmes ont, depuis 2008, droit à leur ligne de bus privé «solo para damas » (seulement pour les dames).
Pour sa part, le Canada a, lui aussi, décidé d’agir par le biais des transports publics mais de façon un peu plus adaptée avec la fameuse formule baptisée « Entre deux arrêts ». La nuit, dans les bus, les femmes qui le souhaitent peuvent demander au chauffeur de les déposer entre deux arrêts pour se rapprocher de leur destination. Ce qui leur évite de marcher trop longtemps pour se rendre chez elles si elles ne se sentent pas en sécurité.
 


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