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Une grande partie des pays affectés souffre ainsi d’une menace multiple : ils sont situés dans des zones arides ou semi-arides où la disponibilité des ressources en eau est déjà restreinte en temps normal (dimension géographique) ; ils sont souvent plus vulnérables au changement climatique impliquant des sécheresses et des inondations plus fréquentes (dimension climatique) ; leur économie dépend souvent à un degré important de l’agriculture pour assurer la sécurité alimentaire et les emplois dans les milieux ruraux (dimension économique), et les répartitions pratiquées correspondent fréquemment à des structures politiques et sociales spécifiques (dimension politique).
Le prélèvement accru par un pays des ressources disponibles dans les débits transfrontaliers paraît alors logique. Face à ces enjeux liés à l’alimentation en eau et à sa pénurie croissante, les scénarios alarmistes du milieu scientifique ou même de l’ONU sur les futures «guerres de l’eau» et la valeur géostratégique de cet «or bleu» paraissent presque plausibles (Starr, 1991; UNDP; et Annan, 2000). Si ces discussions ont eu le mérite d’attirer l’attention sur la valeur essentielle de l’eau pour le développement humain, les enjeux stratégiques liés à sa répartition et donc la nécessité de mesures politiques efficaces, elles ont également contribué à brouiller un peu plus les pistes de réflexion quant à la probabilité réelle de conflits violents. Bien que la pénurie se fasse sentir dans un nombre croissant de pays, dont beaucoup sont concernés par des flux transfrontaliers, nous n'observons à cette date que très peu de guerres entre États, provoquées par cette rivalité (Houdret, 2005).
Il n’y a plus de doute aujourd’hui que les ressources en eau dans de nombreux pays sont arrivées à un stade critique, à la fois parce que la demande dépasse de loin l’offre mobilisée, et que la dégradation croissante et parfois irrémédiable de la qualité de la ressource est indiscutable. L’augmentation spectaculaire de la demande liée à la croissance des centres urbains, comme à l’extension de l’agriculture irriguée et de l’industrie, se heurte à une offre déclinante, due à la surexploitation et aux effets du changement climatique. Les sécheresses, plus fréquentes et plus prolongées qu’avant, ont déjà un impact considérable sur la production agricole et la sécurité alimentaire et cela risque de s’aggraver. En outre, les besoins en eau pour la production agricole augmenteront de 17 % d’ici vingt ans (UNESCO, 2005).
Une partie importante des régions affectées ou menacées par la pénurie d’eau se trouve dans les pays en développement, dont beaucoup dans des zones arides ou semi-arides. La comparaison avec une carte de la pauvreté dans le monde souligne qu’une grande partie des pays les plus pauvres sont situés dans des zones où l’eau est insuffisante au moins pendant une partie de l’année, souffrent de sécheresses et voient une grande partie des eaux s’évaporer et n’être donc plus disponible pour les besoins humains (Falkenmark et Lindh, 1993). Cette zone de pauvreté hydraulique et économique est aussi fortement affectée par une production agricole en baisse et, en conséquence, par des insuffisances alimentaires. Cette observation nous amène non seulement au constat d'une interdépendance de ces évolutions, mais également à des interrogations quant aux facultés d’adaptation suite à une pénurie d’eau.
La production agricole est généralement de loin le secteur le plus vorace dans ces pays. Dans le même temps, c'est celui qui garantit une partie de la sécurité alimentaire, contribue souvent pour une part importante au PIB, assure les emplois et l’économie de subsistance dans les zones rurales ou encore dont les exportations sont source de devises (Houdret, 2005). La « ceinture » de forts taux de prélèvements va du Maroc à la Thaïlande, en passant par l’Arabie Saoudite, l’Inde et jusqu’en Thaïlande et, en un peu moins fort, la Chine. Elle se prolonge dans l’hémisphère Sud en Afrique et s’étend également en Amérique du Sud et en Australie. Si l'on considère la bande située entre le Maroc et l’Inde inclus, les prélèvements de l'ensemble de ces pays dépassent déjà de plus de 40 % les ressources en eau renouvelable (Rekacewicz, 2002) et proviennent donc des ressources souterraines.
Prenons quelques exemples témoignant de la portée sociopolitique de ces évolutions physiques. Au Maroc, l’agriculture, utilisatrice de 88 % des ressources mobilisées, contribue entre 14 et 16 % au produit intérieur brut (Bzioui, 2004) et pourvoit en emplois pour environ 40 % de la population – voire même 81 % dans les zones rurales (DRS, 2002). Or le pays a actuellement déjà atteint le seuil de « stress hydrique », fixé par la FAO à 1000 m3/habitant/an, et devra faire face à une pénurie très sérieuse d’ici vingt ans avec moins de 500 m3 d’eau disponible par habitant et par an (EU 2003). Ces évolutions ont un impact sur plusieurs niveaux (écologique, économique et social). Mentionnons simplement, à titre d’exemple, les interdépendances macroéconomiques et leurs répercussions au niveau local : les effets de la pénurie sur les revenus de la population rurale viendront amplifier le mouvement de libéralisation des marchés, qui affectera considérablement le prix de certains produits de base, tels que le blé ou le sucre. Alors que, par ailleurs, les subventions directes ou indirectes du secteur agricole devront vraisemblablement baisser, les moyens de subsistance de la majorité de la population rurale, souvent illettrée, atteindront probablement un niveau dramatique (Houdret, 2005).
Des mesures pour une meilleure coordination des politiques nationales dans les secteurs de l’industrie, du tourisme, de l’agriculture et du développement urbain sont revendiquées dans de nombreux pays affectés par la pénurie, mais la réalité s’avère complexe et les changements souvent lents. La gouvernance de l’eau reflète les structures sociales, les relations de pouvoir établies et les intérêts spécifiques des acteurs associés et dépasse donc largement la seule question technique de l’équation entre l’offre et la demande (Houdret, 2005). C'est ce que nous nommons la «géographie politique de la pénurie d’eau» qui est une clé d’analyse des interdépendances entre le système social et le système naturel, et aussi une clé à l’étude des enjeux conflictuels autour de l’eau aux niveaux international et infra-étatique. Il s’avère que la question du conflit sur l'eau est avant tout une conséquence des politiques adoptées et non de l’évolution physique de la ressource.
* Docteur en géographie, environnement, aménagement de l'espace et paysages - Université Nancy 2 – GEOFAO : Bureau d'études et d'ingénierie, Agadir.