Geneviève de Galard, "l'Ange de Diên Biên Phù", héroïne malgré elle 
 



Libé
Lundi 3 Juin 2024

Geneviève de Galard, "l'Ange de Diên Biên Phù", héroïne malgré elle 
            

Elle était surnommée "l'Ange de Diên Biên Phù": par son courage et son abnégation lors de cette bataille, qui scella en 1954 la présence coloniale française en Indochine, l'infirmière Geneviève de Galard, décédée jeudi à 99 ans, était devenue une héroïne malgré elle.


"On parle souvent de +sexe faible+. (Cet épisode) a permis de se rendre compte que le sexe faible n'était pas celui qu'on pensait...", racontait-elle en souriant bien des années plus tard.


Elle n'avait rien oublié de ce printemps 1954 où l'artillerie du Viêt-minh indépendantiste, soutenu par la Chine, pilonne sans relâche le camp retranché français: le bruit "d'enfer" des tirs, la puanteur et la chaleur étouffante des boyaux de terre, les noms de "ses chers" blessés...
Seule femme présente sur place, elle a survécu à ce désastre militaire, devenu un cimetière à ciel ouvert pour quelque 3.400 soldats français.

L'affrontement déboucha sur les Accords de Genève qui scellèrent en juillet 1954 le départ des Français de cette colonie et coupèrent en deux le Vietnam.
"Au milieu de cette défaite collective, il y a eu Geneviève de Galard", résumait en juin 2022 sur France Inter Marie-Laure Buisson, qui a consacré un chapitre de son livre "Femmes combattantes" à l'infirmière. "C'est une très grande héroïne".


La France et le reste du monde découvrent le 5 juin 1954 cette femme brune aux yeux bleus de 29 ans. Elle fait la Une de Paris Match, en combinaison verte de parachutiste. L'hebdomadaire titre "La France accueille l'héroïne de Diên Biên Phù". La photo fait le tour du monde.
Née à Paris le 13 avril 1925, Geneviève de Galard-Terraube a grandi dans une vieille famille aristocratique. Un aïeul aurait combattu avec Jeanne d'Arc.
 Elle perd à neuf ans son père, officier, un deuil douloureux, qui la rend sensible à la souffrance d'autrui.


Devenue infirmière, elle a déjà géré des situations difficiles en Afrique quand elle signe en 1953 un contrat de convoyeuse de l'air et se porte volontaire pour l'Indochine.
 Elle accompagne dans les Dakota médicalisés les blessés depuis Diên Biên Phù mais les bombardements incessants rendent les évacuations très difficiles.
Le 28 mars, son avion se pose acrobatiquement. Endommagé, il ne redécollera jamais. Armée d'une simple trousse de premiers secours, elle officie à l'antenne chirurgicale.


Elle refait des pansements à la lumière de lampes de poche, administre des piqûres, réconforte les blessés, des hommes souvent plus jeunes qu'elle au regard "d'enfants égarés".
"Quand vous descendez dans mon abri, mon moral remonte de 100%", lui murmure l'un. "Quand ce sera fini, Geneviève, je vous emmènerai danser", lui promet un légionnaire, amputé des deux bras et d'une jambe.


"Le bruit des bombardements était infernal et, lors de l'accalmie du matin, on savait que d'autres brancards allaient nous arriver", raconte-t-elle en 2014 à l'AFP. Parfois, il n'y a plus rien à faire. Certains meurent dans ses bras.
Gagnant le respect et l'admiration de tous, elle est faite, sur place, chevalier de la Légion d'honneur et reçoit la Croix de guerre.


A la chute du camp le 7 mai, elle demande à rester jusqu'à l'évacuation des derniers blessés mais est finalement poussée dans un avion pour regagner la France.
Elle s'y retrouve confrontée à une immense popularité. "Que je n'avais jamais ni voulue, ni recherchée. Je n'avais fait que mon devoir".


Conviée par le Congrès américain - "la première invitation de ce genre depuis Lafayette", s'enorgueillissait son mari Jean de Heaulme, officier épousé en 1956 - elle est accueillie comme un chef d'Etat et décorée à la Maison Blanche de la Médaille de la Liberté, plus haute distinction pour un étranger.


Surnommée "L'Ange de Diên Biên Phù" par la presse, elle parcourt le pays pendant trois semaines et descend Broadway sous les confettis devant 250.000 New-Yorkais.
Elle a alors "l'impression d'être tout à la fois actrice et spectatrice". Fuyant les honneurs, elle repart vite en mission et retombe dans un relatif anonymat qui lui convient très bien.





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