Fructueux échanges sous la Coupole

Le financement de l’économie nationale en débat


Mourad Tabet
Vendredi 31 Janvier 2020

Habib El Malki : Le Parlement s’engage à accompagner la nouvelle dynamique

Hakim Benchemach : Nécessité de revoir le cadre juridique des banques et des établissements de crédit

Mohamed Benchaaboun : Les porteurs de projets et les TPME sont confrontés à des difficultés pour accéder au financement

Abdellatif Jouahri : Des mesures ont été prises par BAM en faveur des TPME

Othman Benjelloun : La communauté bancaire demeure dévouée à la cause du progrès économique et social

Chakib Alj  : Le financement bancaire devrait être complété par les autres modes  de financement alternatif


Intervenu deux jours après l’importante réunion présidée par le Souverain pour donner le coup d’envoi du programme intégré d’appui et de financement des entreprises, le séminaire sur le financement de l’économie nationale organisé mercredi par la Chambre des représentants sous le Haut patronage de S.M le Roi Mohammed VI a tenu toutes ses promesses.
D’emblée, Habib El Malki, président de la Chambre des représentants, a donné le ton en soulignant que les Hautes orientations contenues dans le discours Royal du 11 octobre dernier à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire d’automne ont insufflé une nouvelle dynamique quant à la diversification des incitations publiques pour soutenir l'initiative privée et notamment celle des jeunes porteurs de projets.
Il a souligné qu’en vertu de la loi de Finances 2020, un compte d’affectation spéciale a été créé sous l’intitulé «Fonds d’appui au financement de l’entrepreneuriat »  et doté de 6 milliards de dirhams (MMDH) sur une durée de 3 ans, et ce dans le cadre d’un partenariat entre l’Etat, Bank Al-Maghrib et le Groupement professionnel des banques du Maroc.
Et dans le cadre de la mise en œuvre des orientations Royales concernant le soutien des jeunes entrepreneurs, Habib El Malki a affirmé que la Commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants étudie actuellement un projet de loi de financement coopératif, qui fixe le cadre législatif des mécanismes alternatifs de financement au profit des très petites et petites entreprises et des projets de jeunes. Lequel projet de loi devait être adopté jeudi par ladite Commission.
Le président de la Chambre des représentants a également mis en avant que le système bancaire national a atteint un stade de maturité lui permettant de se placer au cœur de la dynamique de financement du développement, soulignant que les banques marocaines sont aujourd'hui en mesure de prendre des participations dans les grandes entreprises, de contribuer à la gestion des risques et à la consécration de la bonne gouvernance dans le monde entrepreneurial, mais aussi en matière de formation et de rapatriement des projets.
« Il est dans l'intérêt du pays et du secteur bancaire de favoriser l’accompagnement des petites et moyennes entreprises (PME) et des startup, notamment celles qui sont tournées vers les métiers de l'avenir, l'économie verte et l'exportation. Il doit être plus ouvert, communiquer davantage et comprendre qu’une nouvelle phase de l’histoire du Maroc a commencé et qu’elle est au cœur de sa dynamique », a précisé le président de la Chambre des représentants.
Il a, par ailleurs, souligné l'engagement du Parlement marocain à accompagner cette nouvelle dynamique non seulement en accélérant les procédures législatives pour adopter les nécessaires textes de loi régissant la nouvelle dynamique de développement, mais aussi en publiant les textes réglementaires visant la mise en œuvre des lois, en contrôlant, en évaluant les politiques publiques et en formulant des propositions d’une manière consensuelle  pour les améliorer et corriger les dysfonctionnements potentiels.
Pour sa part, Hakim Benchemach, président de la Chambre des conseillers, a souligné dans son intervention que l'efficacité du financement de l’économie nationale est le facteur déterminant du succès des stratégies d’investissement et des initiatives entrepreneuriales.
Il a affirmé que le Maroc est invité à apporter de profondes réformes au système bancaire, en phase avec les transformations technologiques que connaît le secteur au niveau mondial, et ce en droite ligne avec la volonté Royale de renforcer la participation du système bancaire dans la dynamique économique nationale.
Dans ce sens, il a souligné la nécessité de revoir le cadre juridique régissant les banques et les établissements de crédit et l’inscrire dans un "Code bancaire et financier", d’améliorer les relations entre les investisseurs et les banques et de renforcer l’offre bancaire nationale pour assurer la continuité de la dynamique de consommation.
Le président de la Chambre des conseillers a appelé à la création de plateformes dédiées au financement et au suivi des projets portés par les jeunes et par les auto-entrepreneurs, tout en renforçant la place des banques électroniques et en préparant l'arrivée des crypto-monnaies en tant qu'importante source de revenus pour un large éventail de jeunes travailleurs indépendants marocains.
Il a, en outre, insisté sur l'importance de revoir le système de garanties et de gestion des risques, conformément aux dispositions de la loi n° 21.18, qui vise à faciliter l'accès des entreprises aux différentes sources de financement disponibles, en leur fournissant les garanties mobilières disponibles, en renforçant la liberté contractuelle dans ce domaine, en garantissant la sécurité juridique contractuelle, en améliorant les conditions de compétitivité des contrats et en sécurisant les opérations de financement des investissements.
Il a également estimé que ces réformes amélioreraient l’architecture du produit bancaire brut, dont 80% des ressources sont basées sur des services d'intermédiation de prêts, ce qui pousse à réfléchir sur de nouvelles alternatives possibles, dont la plus importante est le renforcement du marché des capitaux qui devrait œuvrer à élargir le nombre des bénéficiaires de ses services.
Il a, également, appelé à accélérer le processus d'établissement d'un marché pour les petites et moyennes entreprises (PME) à la bourse des valeurs de Casablanca et à établir un cadre juridique pour accueillir la nouvelle génération de produits financiers, telle la souscription d'obligations et de produits financiers uniques et dérivés, soulignant la nécessité de penser au financement des collectivités territoriales par le biais d'obligations dans le but de diversifier leurs modes de financement et d'élargir l'offre du marché national des capitaux.

Pour sa part, Mohamed Benchaaboun, ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration a déclaré que « d’après l’analyse des données disponibles, les très petites entreprises constituent environ 95% du total des entreprises marocaines, et la plupart sont des entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 3 millions de dirhams ». Et d’insister sur le fait que «malgré les développements et les réalisations enregistrés, la catégorie des porteurs de projets et de petites et très petites entreprises en particulier, est toujours confrontée à de nombreuses difficultés et contraintes pour accéder au financement ».
Des études confirment, selon ce haut commis de l’Etat, "la persistance des différences spatiales entre les zones rurales et urbaines, et entre les différentes régions du Royaume, et l'accès limité des femmes et des jeunes aux services (prestations) financiers en général".
Le ministre a aussi évoqué "la mise en place d'un programme intégré de soutien et de financement entrepreneurial viasnt à développer des réponses urgentes pour surmonter les difficultés les plus importantes qui limitent l'accès des jeunes porteurs de projets et les très petites et petites entreprises au financement".
"En plus de l'importance numérique de la catégorie des très petites entreprises, son importance se reflète également dans sa capacité à créer des emplois à des taux élevés et à faible coût en capital capables de générer de la richesse, de lutter contre la pauvreté, d’améliorer le niveau de vie et d’intégrer socialement un nombre important de familles », a-t-il affirmé en rappelant la création, (dans le cadre du projet de loi de Finances pour l'année 2020), d'un fonds dénommé "Fonds de soutien à l'initiative contractante", pour lequel un montant total de six milliards de dirhams sera alloué sur une période de 3 ans dans le cadre d'un partenariat entre l'Etat et le secteur bancaire.
Il a expliqué dans ce sens que ce fonds sera principalement destiné à soutenir les jeunes diplômés porteurs de projets et les petites et moyennes entreprises, à leur permettre d'accéder à des financements, ainsi qu'à soutenir les entreprises actives dans le domaine de l'exportation, et à permettre aux travailleurs du secteur informel de s'intégrer professionnellement et économiquement.
Quant à Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, il a précisé que «les créances impayées ont plus que doublé au cours des dix dernières années, pour dépasser 70 milliards de dirhams en 2019 » et que « les créances impayées constituent 7,7 % de l’ensemble des créances, soit 10 % pour les entreprises et 8% pour les ménages ».
Selon lui, le taux des créances impayées a atteint plus de 20 % dans les secteurs du textile, du tourisme et des matériaux de construction, soulignant que le recouvrement des dettes bancaires se heurte à un ensemble de difficultés, notamment les procédures judiciaires qui ne facilitent pas la solution du problème des créances impayées.
Abdellatif Jouahri a, en outre, précisé que les banques sont actuellement « en train d'étudier, sous la supervision de Bank Al-Maghrib, un ensemble de mesures visant à réduire le nombre de créances douteuses, notamment par le biais du processus de cautionnement ».    
Il a, par ailleurs, mis en lumière les principales mesures prises au cours de ces dernières années en faveur des toutes petites, petites et moyennes entreprises (TPME), affirmant que l’institution qu’il préside a organisé durant les années 2007, 2011 et 2014, des campagnes régionales d'écoute et de sensibilisation en faveur des TPME, et ce, en collaboration avec le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), la Caisse centrale de garantie, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et l'Agence nationale pour la promotion des PME.
Il a aussi rappelé la création en 2013 de l'Observatoire marocain de la très petite, petite et moyenne entreprise (OMTPME) dont l’objectif est de centraliser les données et les informations sur le tissu productif, de fournir aux acteurs publics et privés des statistiques sur ce sujet et de mener des études.
Abdellatif Jouahri a également rappelé la création en 2013 de la Fondation marocaine pour l’éducation financière (FMEF) ; laquelle est chargée notamment de la formation, la sensibilisation et l'information des TPME sur les questions financières.
Un "Fonds de soutien financier aux TPME" a été créé en 2014 par Bank Al-Maghrib, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et la Caisse centrale de garantie (CCG) afin de cofinancer avec le concours des établissements de crédit les TPME qui connaissent des difficultés temporaires en raison de conditions difficiles et non structurelles.
Ce fonds a été doté d'un montant de 3,6 milliards de dirhams, ce qui a permis le financement de 476 entreprises et le maintien de plus de 61.000 postes d’emploi, notamment dans les secteurs de l'industrie, de la construction, des travaux publics et du commerce.
Par ailleurs, il a mis en avant les mesures qui ont été prises par Bank Al-Maghrib pour faciliter l’accès des entreprises au financement en application des Hautes orientations de S.M Mohammed VI  contenues dans le discours Royal du 11 octobre dernier.
Il s’agit notamment de la mise en place par Bank Al-Maghrib d’un mécanisme de refinancement illimité de tous les crédits bancaires accordés aux catégories évoquées par le Souverain dans ce discours, qu’il s’agisse de crédits d’exploitation ou d’investissement. Ce mécanisme de refinancement bénéficiera également aux financements adressés au secteur agricole et aux projets réalisés dans le milieu rural
Ce mécanisme de refinancement bénéficiera également aux financements adressés au secteur agricole et aux projets réalisés dans le milieu rural, -t-il précisé, notant que ce mécanisme vient s’ajouter au programme spécial mis en place par BAM en 2012 et relatif au refinancement direct des crédits bancaires accordés aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME). Il s'agit aussi de l'application d'un taux d'intérêt préférentiel de 1,25% dans le cadre du mécanisme de refinancement des banques des catégories cibles, soit 100 points de moins que le taux directeur de BAM, ce qui représente le taux d'intérêt le plus bas jamais appliqué par la banque centrale, a souligné Abdellatif  Jouahri.
Ces mesures se rapportent également à la réduction des exigences en fonds propres concernant les crédits accordés aux TPME, a-t-il indiqué.
Intervenant dans ce même cadre, le président du Groupement professionnel des banques du Maroc, Othman Benjelloun, a déclaré : « Nous réitérons l’engagement de la communauté bancaire de continuer à porter haut les couleurs de notre pays et de demeurer dévouée à la cause du progrès économique et social », soulignant que cette communauté réitère l’engagement qu’elle a pris, devant S.M le Roi Mohammed VI lundi dernier, qu’elle demeurera mobilisée pour la réussite et la pérennisation des dispositifs mis en place, au bénéfice des cibles fixées par le discours Royal du 11 octobre dernier devant le Parlement.
«Le secteur bancaire est un bien commun en tant qu’infrastructure économique matérielle et immatérielle», a-t-il précisé, soulignant le rôle important joué par ce secteur dans le financement de l’économie nationale.
Il a, à cet effet, présenté quelques chiffres qui démontrent  l’importance, la résilience et la solidité du secteur bancaire au Maroc.
Selon lui, les capitaux propres ont été multipliés par 8 pour atteindre 180 milliards de dirhams à fin 2019, les crédits bancaires ont atteint 900 milliards de dirhams, soit douze fois le niveau enregistré en 1999, et le taux de bancarisation a désormais atteint 61% contre 25% il y a 20 ans.
En plus, le secteur bancaire emploie désormais 60.000 salariés (ils sont aujourd'hui trois fois plus nombreux qu’en 1999), il est le premier contributeur fiscal et il s'est acquitté de 15 milliards de dirhams d’impôts l’an dernier.
Un autre chiffre important avancé par le président du GPBM concerne les transferts des MRE via le secteur bancaire qui  ont atteint 60 milliards de dirhams en 2019, ce qui en fait  les troisièmes pourvoyeurs du Maroc en devises, après celles générées par les exportations et le tourisme.
Dans son intervention, Chakib Alj, nouveau patron de la CGEM, a, pour sa part, déclaré que « si le gouvernement, la Banque centrale et le secteur bancaire ont répondu présents à la feuille de route tracée par S.M le Roi, réponse que nous saluons ici, nous pensons que le financement bancaire devrait être complété par les autres modes de financement alternatifs, comme le capital-investissement, le capital-risque, le crowdfunding ou encore les business angels ».
 Selon lui, une réglementation plus adaptée de ces modes de financement devrait voir le jour pour permettre leur développement et compléter ainsi le dispositif bancaire, affirmant «le devoir collectif de créer les outils de financement adéquats pour notre économie à même d'intégrer les entreprises non éligibles aux financements bancaires, tout cela sans réduire l'immunité bancaire de notre pays ».
Il a affirmé que la CGEM a toujours œuvré pour que l'accès au financement soit facilité pour les TPME, et ce à travers les opérations de promotion et de vulgarisation avec ses partenaires comme Bank Al-Maghrib, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) ou la Caisse centrale de garantie (CCG), ainsi qu'en travaillant sur des chantiers impactants comme celui des délais de paiement.
«La CGEM reste engagée et mobilisée, aux côtés de ses partenaires, pour accompagner la mise en oeuvre et la réussite des différentes initiatives lancées», a-t-il précisé, faisant part de sa détermination à remplir le devoir d’informer et d'inciter les entreprises à reprendre goût en l'un des actes les plus nobles de l'activité socioéconomique, celui d'entreprendre, et de le faire en toute confiance.


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