Faits sur la sécurité alimentaire


PAR Idriss Ettabaâ *
Mardi 30 Novembre 2010

Faits sur la sécurité alimentaire
Par son rôle fondamental pour le corps humain, l’alimentation est l’une des principales préoccupations des peuples depuis l’ère des temps. Après avoir pratiqué la cueillette et la chasse, les sociétés ont développé l’agriculture comprenant la culture et l’élevage. C’était il y a environ 10.000  ans dans la région du Moyen-Orient, de l’Iran et de la Nouvelle-Guinée. Sans une bonne alimentation, les humains sont plus sujets aux maladies, aux risques de mortalité infantile, moins aptes à apprendre et moins productifs1. Même quelques mois de malnutrition peuvent altérer le développement et la croissance d’un enfant.
L’importance2 de l’alimentation sur la santé physique et mentale des gens n’est plus à démontrer mais pourtant, en 2010, on retrouve plus d’un milliard de personnes affamées dans le monde3. Cela correspond au 1/6 de la population mondiale.
Plus grave encore, la grande majorité des affamés de notre planète sont en fait des paysans qui n’ont pas les moyens économiques de se nourrir ni même parfois l’accès aux denrées auxquelles ils sont culturellement attachés.
Selon la FAO, «la sécurité alimentaire est concrétisée lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active».4
La hausse fulgurante des prix en 2009-2010 a poussé de nombreuses familles dans la trappe de l’insécurité alimentaire. Dans les pays en développement, les personnes les plus pauvres sont très vulnérables face à l’inflation des produits alimentaires, car ils consacrent une proportion importante de leurs dépenses en biens alimentaires. Parfois, cette part budgétaire va même jusqu’à 60%5. Une hausse des prix comme nous l’avons vu en 2008 est donc fatale pour ces ménages. Le taux élevé de malnutrition est revenu au niveau de 1970. C’est donc dire que tous les efforts qui ont été entrepris pour la réduction de la faim dans le monde ont été réduits à néant par la crise alimentaire de 2008.
Dans les années 1960, de nombreux pays pauvres étaient pourtant de larges exportateurs agricoles. Les politiques d’ajustement structurel ont entraîné la privatisation et la libéralisation de leurs économies. Les organismes de stabilisation des prix des biens et les agences de commercialisation ont été éliminés pour faire place au marché libre.  De plus, l’aide publique au développement pour le secteur agricole a alors énormément diminué; l’accent étant plutôt mis sur l’industrialisation de ces pays.
La FAO dénote maintenant 82 pays faisant partie des  « Low-income Food Deficit Countries ». Ces derniers sont très fragiles face aux fluctuations importantes des biens agricoles. Les producteurs vendent à bas prix et achètent au prix fort à cause des dysfonctionnements des marchés. Par ailleurs, la plupart des producteurs agricoles sont touchés eux-mêmes par l’insécurité alimentaire.
Conséquences de
l’insécurité
alimentaire
Face à ce fléau, les ménages n’ont d’autres choix que de prendre des décisions qui ont des impacts néfastes. Par exemple, retirer les enfants de l’école détruit le capital humain à long terme; vendre des actifs réduit les ressources physiques et financières disponibles qui sont par la suite difficiles à reconstituer; et renoncer à des aliments plus nutritifs pour d’autres qui le sont moins ou simplement manger moins cause la malnutrition, affecte la productivité du travail et réduit le potentiel cognitif de l’enfant6.
Au niveau économique, la sécurité alimentaire est primordiale pour le développement d’un pays. Selon le PAM, un enfant dont le développement physique et mental est retardé par la malnutrition, perdra entre 5 et 10% de revenus au cours de sa vie7.
La principale cause de mortalité dans le monde est la faim et la malnutrition. Leur impact dépasse celui du SIDA, du paludisme et de la tuberculose.
Ce n’est pas pour rien que Sa Majesté le Roi Mohamed VI dans son récent discours aux Nations Unies, a insisté énormément sur cette problématique qui, si elle n’est pas résolue de manière vigoureuse, risque d’être source d’instabilité économique et sociale.
Pour la prise en consi
dération de la spécificité de l’agriculture
et des aliments
Les dirigeants d’organisations agricoles en provenance de quatre continents, dans une déclaration, en marge de la miniconférence ministérielle de juillet 2008, intitulée «La crise alimentaire ne peut pas être résolue par un accord à l’OMC»8, ont exprimé face à l’absence de prise en considération de la spécificité de l’agriculture, leurs craintes, à savoir que les propositions actuellement sur la table à l’OMC « mineront la capacité de nombreux pays dans le monde à offrir à leurs citoyens la sécurité et la stabilité alimentaires si cruellement indispensables. Dans cette situation, l’absence d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord ». Pour pallier cette situation, ils ont recommandé  de prendre en considération les principes fondamentaux suivants lors de la  conclusion des négociations sur les modalités agricoles:
Tous les pays doivent avoir le droit de produire pour leur consommation intérieure afin d’améliorer leur niveau d’autosuffisance alimentaire et d’assurer leur sécurité alimentaire.
Les règles commerciales doivent tenir compte de mesures politiques, y compris la gestion de l’offre, qui promeuvent la stabilité de l’approvisionnement et des prix alimentaires.
Le renforcement des capacités et le traitement spécial ou différencié accordé aux pays en développement doivent permettre à ces derniers de répondre aux véritables préoccupations des petits agriculteurs, plus vulnérables et dont les ressources sont modestes.
Tous les pays devraient avoir le droit de répondre aux préoccupations économiques de leurs citoyens, y compris la sécurité alimentaire, l’environnement, le bien-être des animaux et les besoins des communautés rurales.
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, a tenu un sommet à Rome en octobre 2009 sur l’insécurité alimentaire.  Elle soutient qu’il faudrait augmenter de 70% la production actuelle pour nourrir la planète en 2050. Cette augmentation devra être atteinte à 90% par une meilleure productivité agricole compte tenu des effets néfastes d’une extension de l’utilisation des terres et des ressources en eau.
Afin de lutter contre la pauvreté et la faim, les États présents se sont entendus pour mettre en œuvre des politiques visant le développement de l’agriculture que ce soit à travers des plans de coordination stratégique aux niveaux national, régional et mondial, un meilleur partenariat entre les pays notamment sur le plan du savoir et des technologies, des investissements plus élevés en agriculture et dans le développement durable, et des mesures à court terme pour contrer la faim qui touche les personnes les plus vulnérables.
La société civile, lors de son forum en marge du sommet, a réitéré l’importance de la souveraineté alimentaire et la nécessité de redonner du pouvoir aux communautés dans le choix de la production et de la consommation d’aliments.

* Expert en commerce et politique agricole au Canada

1 PAM Collection la Faim dans le monde  
2 Le droit à l’alimentation est d’ailleurs inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme depuis 1948
3 PAM Collection la Faim dans le Monde  
4 Source : FAO (2009). L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde pp 10,11 et 14
5 PAM. Collection la Faim dans le monde
6 Source : FAO (Septembre 2009), Perspectives économiques et sociales : La faim face à la crise p. 2
7 PAM. La faim
8Déclaration conjointe des agriculteurs du monde entier : la crise alimentaire ne peut pas être résolue par un accord à l’OMC. En linge :   http://www.copa-cogeca.eu/img/user/File/declaration_WTO/DECLARATION_WTO_f.pdf



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