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«Al Makina»,
récemment diffusé sur 2M, est une
réalisation d’Abderrahman
Tazi, que nous avons rencontré lors de la
projection
en avant-première de ce téléfilm. L’occasion
pour l’icône
du 7ème Art
marocain
et le réalisateur
du film à succès
«A la recherche
du mari de ma femme» d’exposer
certaines de ses préoccupations artistiques.
Libé : Que peut-on savoir de votre nouveau téléfilm, «Al Makina»?
Mohamed Abderrahman Tazi : C’est une comédie dans laquelle je me suis concentré pour donner plus de consistance au niveau des situations comiques et des personnages consistants plutôt que d’entrer dans le stéréotype de comédien jouant le même rôle, peut-être à succès par rapport aux films précédents. Le défi était de prendre quatre acteurs très connus et ayant fait leur preuve dans la comédie (Abdellah Toukouna dit Ferkous, Bouchra Ahrich, Amal El Atrach et Abdessamad Miftah El Kheir) et d’essayer de donner une «consistance» par rapport à ce que je veux. J’ai voulu exprimer ma vision des situations comiques et non le burlesque, les dialogues et les mimiques des acteurs.
C’est la première fois que vous travaillez avec ces quatre comédiens. Etes-vous satisfait de cette collaboration et des prestations de ces derniers?
Je voulais avoir un minimum de dialogues, mais un dialogue sobre et ne pas jouer la comédie par rapport à son goût. Plutôt par rapport à ce qu’on vit. De ce point de vue je dirais que je suis tout à fait satisfait. Je suis parvenu au bout de quelques jours à me faire comprendre et à faire comprendre ce que je désirais. C’est un travail satisfaisant d’autant plus que, pour moi, un tournage détermine si le film doit avoir ou pas du succès auprès du public dès lors que les gens sont motivés et se plaisent même pendant les répétitions.
La diffusion de votre nouvel opus pendant le Ramadan contribue-t-elle à mieux distiller les messages véhiculés? Les téléspectateurs seront-ils plus attentifs ? Pourquoi autant de rigueur?
La rigueur a toujours primé dans mon travail. D’abord, ce film n’a pas été fait pendant le Ramadan. Mais il y a une tradition à la deuxième chaîne qui soit un peu dans la comédie et qui évite la drogue, l’alcool… Cette comédie n’a donc pas été faite spécialement pour le Ramadan, mais cela fait toujours plaisir qu’il ait été sélectionné pour être diffusé durant cette période.
Ensuite, il est vrai que durant le Ramadan, on essaie d’être dans la comédie, le divertissement et la légèreté. Il se trouve que beaucoup de films ont attiré plus de téléspectateurs après et non pendant le Ramadan du fait que la diversité des programmes durant ce mois ne permet pas toujours de distinguer une production des autres. D’ailleurs, le programme du Ramadan se juge souvent dans l’ensemble. C’est pourquoi je serais plus attentif lors de sa rediffusion après le Ramadan. J’attends avec appréhension comment le public, auquel je suis habitué mais au niveau du cinéma, va réagir.
Vous êtes le réalisateur du film «A la recherche du mari de ma femme». Le succès qu’a connu ce film influence-t-il vos nouvelles réalisations?
Je viens d’avoir le fonds d’aide pour mon prochain long métrage qui sera dans la même lignée. Cela veut dire d’abord, le patrimoine, la société marocaine avec ses particularités et son identité qui se perd jour après jour. Il y a aussi ce plaisir pour moi de critiquer ma propre société par le comique mais en respectant certaines règles, sachant que le Marocain aime à se faire critique lui-même. Le prochain film va s’intéresser à la «baira», qu’on peut traduire «la vieille fille » qui n’arrive pas à se marier.
S’agira-t-il aussi d’une comédie ?
Oui, parce que je pense que le public a un besoin incessant de rire. Malheureusement, la production nationale au cinéma comme à la télévision est telle que la comédie a un pourcentage très minime. Alors que c’est dans ce registre que les gens se retrouvent parce qu’ils en ont assez aussi de voir des films qui ne reflètent pas leur vie, alors qu’ils devaient être un miroir qui leur montre ce qu’il côtoie tous les jours. Ce qui explique d’ailleurs le succès que rencontrent les films indiens et turcs, par exemple : il y a l’amour, de la vie, sans mystifier les choses.
Vous êtes une icône dans votre domaine. Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus aujourd’hui?
Ma préoccupation, c’est de pouvoir instaurer une école de cinéma marocain de sorte que lorsqu’on voit des images, qu’on dise ça c’est un film marocain. Il y a tellement de tendances, on veut absolument toucher un public universel au point qu’on arrive à oublier le public marocain. Ma préoccupation c’est d’abord de toucher le public local et partant aspirer à l’universel. C’est le cas du film « A la recherche du mari de ma femme » qui a connu un succès au Maroc, en Europe, aux USA et au Moyen-Orient. Il serait intéressant qu’on parle du film marocain, comme on parle de la nouvelle vague en France, du cinéma polonais et ou tchèque. Qu’on puisse avoir des images qui nous distinguent au niveau international.
A vous entendre, on n’en serait pas encore arrivé là ?
Il existe beaucoup de films et d’orientations, mais on ne peut pas dire qu’il y a une particularité de ces films.
A quel niveau se situe le problème ?
D’abord dans la maturité, la complémentarité et une certaine symbiose entre les différents secteurs de l’industrie du cinéma : cinéaste, dialoguiste, comédien, entre autres. Et là, on est encore au stade de l’homme-orchestre. Etre cinéaste, dialoguiste et réalisateur, c’est déjà pouvoir accéder à une forme de cinéma industriel.
Aujourd’hui quand voit les gens parler de cinéma, c’est pour devenir réalisateur. Or, il y a des sections très importantes pour la création. C’est un travail collectif, chacun apporte quelque chose : l’ingénieur du son, le chef opérateur, le compositeur de musique, le dialoguiste. Malheureusement, c’est ce qui nous fait défaut.
Dans ce cas, pensez-vous que les nombreux festivals que compte le Maroc peuvent jouer un rôle déterminant dans la construction du cinéma marocain auquel vous appelez de votre vœu?
C’est certain. Il faudrait juste qu’on oublie l’esprit de quantité nourri par la thèse soutenant que c’est de la quantité qu’émerge une certaine qualité. En même temps, on est face à une multitude de tentations. Pour preuve, nombre de Marocains de l’étranger viennent faire des films au Maroc, et avec tout mon respect, sans une connaissance de cette société. Certains veulent tendre toujours à l’universel alors que d’autres sont imprégnés par le social.
Cela fait sans doute une diversité, mais il faudrait un certain temps peut-être pour pouvoir arriver à cette école du cinéma marocain.
récemment diffusé sur 2M, est une
réalisation d’Abderrahman
Tazi, que nous avons rencontré lors de la
projection
en avant-première de ce téléfilm. L’occasion
pour l’icône
du 7ème Art
marocain
et le réalisateur
du film à succès
«A la recherche
du mari de ma femme» d’exposer
certaines de ses préoccupations artistiques.
Libé : Que peut-on savoir de votre nouveau téléfilm, «Al Makina»?
Mohamed Abderrahman Tazi : C’est une comédie dans laquelle je me suis concentré pour donner plus de consistance au niveau des situations comiques et des personnages consistants plutôt que d’entrer dans le stéréotype de comédien jouant le même rôle, peut-être à succès par rapport aux films précédents. Le défi était de prendre quatre acteurs très connus et ayant fait leur preuve dans la comédie (Abdellah Toukouna dit Ferkous, Bouchra Ahrich, Amal El Atrach et Abdessamad Miftah El Kheir) et d’essayer de donner une «consistance» par rapport à ce que je veux. J’ai voulu exprimer ma vision des situations comiques et non le burlesque, les dialogues et les mimiques des acteurs.
C’est la première fois que vous travaillez avec ces quatre comédiens. Etes-vous satisfait de cette collaboration et des prestations de ces derniers?
Je voulais avoir un minimum de dialogues, mais un dialogue sobre et ne pas jouer la comédie par rapport à son goût. Plutôt par rapport à ce qu’on vit. De ce point de vue je dirais que je suis tout à fait satisfait. Je suis parvenu au bout de quelques jours à me faire comprendre et à faire comprendre ce que je désirais. C’est un travail satisfaisant d’autant plus que, pour moi, un tournage détermine si le film doit avoir ou pas du succès auprès du public dès lors que les gens sont motivés et se plaisent même pendant les répétitions.
La diffusion de votre nouvel opus pendant le Ramadan contribue-t-elle à mieux distiller les messages véhiculés? Les téléspectateurs seront-ils plus attentifs ? Pourquoi autant de rigueur?
La rigueur a toujours primé dans mon travail. D’abord, ce film n’a pas été fait pendant le Ramadan. Mais il y a une tradition à la deuxième chaîne qui soit un peu dans la comédie et qui évite la drogue, l’alcool… Cette comédie n’a donc pas été faite spécialement pour le Ramadan, mais cela fait toujours plaisir qu’il ait été sélectionné pour être diffusé durant cette période.
Ensuite, il est vrai que durant le Ramadan, on essaie d’être dans la comédie, le divertissement et la légèreté. Il se trouve que beaucoup de films ont attiré plus de téléspectateurs après et non pendant le Ramadan du fait que la diversité des programmes durant ce mois ne permet pas toujours de distinguer une production des autres. D’ailleurs, le programme du Ramadan se juge souvent dans l’ensemble. C’est pourquoi je serais plus attentif lors de sa rediffusion après le Ramadan. J’attends avec appréhension comment le public, auquel je suis habitué mais au niveau du cinéma, va réagir.
Vous êtes le réalisateur du film «A la recherche du mari de ma femme». Le succès qu’a connu ce film influence-t-il vos nouvelles réalisations?
Je viens d’avoir le fonds d’aide pour mon prochain long métrage qui sera dans la même lignée. Cela veut dire d’abord, le patrimoine, la société marocaine avec ses particularités et son identité qui se perd jour après jour. Il y a aussi ce plaisir pour moi de critiquer ma propre société par le comique mais en respectant certaines règles, sachant que le Marocain aime à se faire critique lui-même. Le prochain film va s’intéresser à la «baira», qu’on peut traduire «la vieille fille » qui n’arrive pas à se marier.
S’agira-t-il aussi d’une comédie ?
Oui, parce que je pense que le public a un besoin incessant de rire. Malheureusement, la production nationale au cinéma comme à la télévision est telle que la comédie a un pourcentage très minime. Alors que c’est dans ce registre que les gens se retrouvent parce qu’ils en ont assez aussi de voir des films qui ne reflètent pas leur vie, alors qu’ils devaient être un miroir qui leur montre ce qu’il côtoie tous les jours. Ce qui explique d’ailleurs le succès que rencontrent les films indiens et turcs, par exemple : il y a l’amour, de la vie, sans mystifier les choses.
Vous êtes une icône dans votre domaine. Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus aujourd’hui?
Ma préoccupation, c’est de pouvoir instaurer une école de cinéma marocain de sorte que lorsqu’on voit des images, qu’on dise ça c’est un film marocain. Il y a tellement de tendances, on veut absolument toucher un public universel au point qu’on arrive à oublier le public marocain. Ma préoccupation c’est d’abord de toucher le public local et partant aspirer à l’universel. C’est le cas du film « A la recherche du mari de ma femme » qui a connu un succès au Maroc, en Europe, aux USA et au Moyen-Orient. Il serait intéressant qu’on parle du film marocain, comme on parle de la nouvelle vague en France, du cinéma polonais et ou tchèque. Qu’on puisse avoir des images qui nous distinguent au niveau international.
A vous entendre, on n’en serait pas encore arrivé là ?
Il existe beaucoup de films et d’orientations, mais on ne peut pas dire qu’il y a une particularité de ces films.
A quel niveau se situe le problème ?
D’abord dans la maturité, la complémentarité et une certaine symbiose entre les différents secteurs de l’industrie du cinéma : cinéaste, dialoguiste, comédien, entre autres. Et là, on est encore au stade de l’homme-orchestre. Etre cinéaste, dialoguiste et réalisateur, c’est déjà pouvoir accéder à une forme de cinéma industriel.
Aujourd’hui quand voit les gens parler de cinéma, c’est pour devenir réalisateur. Or, il y a des sections très importantes pour la création. C’est un travail collectif, chacun apporte quelque chose : l’ingénieur du son, le chef opérateur, le compositeur de musique, le dialoguiste. Malheureusement, c’est ce qui nous fait défaut.
Dans ce cas, pensez-vous que les nombreux festivals que compte le Maroc peuvent jouer un rôle déterminant dans la construction du cinéma marocain auquel vous appelez de votre vœu?
C’est certain. Il faudrait juste qu’on oublie l’esprit de quantité nourri par la thèse soutenant que c’est de la quantité qu’émerge une certaine qualité. En même temps, on est face à une multitude de tentations. Pour preuve, nombre de Marocains de l’étranger viennent faire des films au Maroc, et avec tout mon respect, sans une connaissance de cette société. Certains veulent tendre toujours à l’universel alors que d’autres sont imprégnés par le social.
Cela fait sans doute une diversité, mais il faudrait un certain temps peut-être pour pouvoir arriver à cette école du cinéma marocain.