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Celui qui a été argentier du Royaume vit le choix de Rabat pour abriter les célébrations de la Journée de la Terre comme un challenge. «Un challenge pour nous, un challenge en ce qui concerne les zones vertes. De la même façon, nous devons nous occuper avec vigilance et de manière continue du patrimoine environnemental qui est le nôtre et en même temps penser aux quartiers populaires».
Les clameurs des festivités tues, que restera-t-il de la Journée de la Terre ? «La prise de conscience que cette semaine est une introduction pour l’action à l’avenir. C’est un challenge, un engagement vis-à-vis de nous-mêmes, entre nous en tant que Marocains et entre l’espace qui nous entoure et nous». L’économiste qu’est F. Oualalou en retient aussi et surtout un message à l’adresse de la communauté internationale. Aujourd’hui, dit-il, l’attractivité d’un pays est mesurée par les réformes qu’il réalise sur les plans politique, économique, financier, etc, mais aussi et de plus en plus sur le plan environnemental. « C’est un élément désormais lié au progrès. Demain notre P.I.B va intégrer d’une manière ou d’une autre le coefficient de l’environnement», prévient le maire de Rabat.
Libération : Rabat a été retenue pour accueillir la Journée de la Terre. Alors Rabat capitale verte, est-ce un slogan ou une réalité aujourd'hui?
Fathallah Oualalou : Rabat a des atouts et c'est pour cela qu'elle a été choisie. La ville a des atouts par sa position géographique : Rabat partage avec Salé l'embouchure du Bouregreg qui est en fait un site archéologique. Plus important encore, si la géographie détermine tout, elle a aussi déterminé le cours de l'Histoire de Rabat. Les grands sites historiques sont en même temps des sites écologiques. Les Romains qui sont arrivés à Rabat il y a 20 siècles se sont installés dans un site devenu le Chellah. C'est un site écologique, intimement lié au Bouregreg. Sous les Almohades, il y a eu les Oudayas, également un site historique et écologique. Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a presque un siècle, Rabat est devenue la capitale. Et avec l'avènement de cette fonction de capitale, un certain nombre de grands jardins ont été mis en place à la fin des années 1910 et qui continuent d'exister aujourd'hui. Je pense particulièrement au Jardin d'essais qui vient d'être remis à niveau, à ce qu'on appelait à l'époque le Triangle de vue, devenu aujourd'hui Nouzhat Hassan, ou encore le Belvédère qui surplombe la Bibliothèque nationale. Après l'Indépendance, il y a eu la ceinture verte et aussi le parc zoologique qui est actuellement en mouvement puisqu'il va être redéployé et ouvrira ses portes l'année prochaine. A cet inventaire, il convient d'ajouter le golf. Je voudrais enfin ajouter que même si on exclut la ceinture verte, qui représente pas moins de 1000 hectares, nous avons 20m2 par habitant, c'est le double de la moyenne internationale.
Rabat, capitale écologique, oui. Mais c'est en même temps un challenge pour nous, un challenge en ce qui concerne les zones vertes. Nous devons nous occuper avec vigilance et de manière continue de ce patrimoine que je viens d'évoquer. Et il faut en même temps penser aux quartiers populaires.
Justement, est-ce que la ville de Rabat est parée, prête à préserver ce patrimoine écologique qui est le sien et en même temps à aménager de nouveaux espaces ?
Je crois que oui. Un intérêt important va être accordé aux quartiers populaires. Il faut créer une nouvelle culture dans les rapports entre la femme, l'homme et l'espace. L'espace doit respecter les gens et les habitants doivent eux aussi respecter l'espace. Il est certain que ceci passe par la lutte contre les bidonvilles, notamment à Yacoub El Mansour et contre l'habitat informel, et je pense ici au quartier Youssoufia. Ce sont là des points noirs...
Un autre élément important réside dans le fait que nous sommes en train d'améliorer nos transports en commun avec, à partir de cette semaine, l'arrivée de bus neufs, la mise en fonction l'année prochaine du tramway. Tous ces éléments intègrent la même logique, celle de l'amélioration des rapports entre l'habitant et l'espace. C'est un objet de fierté que d'abriter les festivités du 40ème anniversaire de la Journée de la Terre. Mais c'est en même temps un challenge. Et dans notre agenda, dans nos actions, l'environnement va être présent. Nous avons l'ambition d'être, en plus du fait d'être capitale politique du Royaume, reconnu comme capitale de l'écologie. Nous avons également l'ambition de faire de Rabat la capitale de la culture et du savoir. Les grandes écoles, les universités, les centres de recherche, les musées en cours de réalisations justifient une telle ambition. Il me semble qu'il faut intégrer ces trois éléments -écologie, culture et science- dans la même logique. Il y a une volonté politique à tous les niveaux, du plus haut niveau à celui des élus. Et nous avons la volonté d'aller dans ce sens. Parmi les projets, il y a une idée qui va se concrétiser dans les semaines à venir, la création d'un grand jardin andalou, qui sera situé tout au long des remparts du palais Royal de Rabat.
Rabat ville écologique, comment le maire de Rabat que vous êtes compte-t-il imprimer sa politique par rapport à ce challenge ?
Il s'agit ici essentiellement de créer une sorte de synergie dans nos actions. D'abord avec les départements gouvernementaux comme l'Intérieur et l'Environnement mais aussi avec des ministères qui sont en contact direct avec les populations et ce à travers des actions en faveur de l'environnement. Je pense ici à l'Education nationale, à la Jeunesse, à la Culture, à l’Habitat, au Tourisme. Parce qu'à partir de cette fonction culturelle, nous cherchons à faire de Rabat une destination de tourisme culturel et environnemental. Et je ne fais pas uniquement référence aux touristes étrangers mais aussi et surtout aux touristes nationaux qui viennent d'Oujda, de Fès, etc. Il faut créer ces nouvelles habitudes car nous avons aussi un marché intérieur à développer. Cela permettra d'ailleurs aux Marocains de se connaître et de connaître leur Histoire. Sur ce plan-là, Rabat a beaucoup de choses à proposer.
Il ne faut pas non plus oublier notre projet-phare, le réaménagement des rives du Bouregreg. Ce projet est culturel et écologique.
Mais le projet du Bouregreg ne s'est-il pas fait au détriment de l'environnement ?
Ecoutez, seulement 20% des 6000 hectares liés à ce projet vont être construits. Le reste constituera un espace dédié à l'environnement et aux activités sportives et culturelles. De même, le Bouregreg va créer une sorte de réconciliation avec l'Histoire, réconciliation des deux villes, Rabat et Salé, des deux villes et le littoral, des deux villes et le fleuve. C'est en ce sens qu'il s'agit d'un projet culturel car il est appelé à révolutionner le rapport des habitants avec l'espace et ce dans un sens d'ouverture à la modernité. La gestion de l'environnement fait partie aujourd'hui de toutes les actions visant à promouvoir la modernité. Pour un socialiste, sur le plan politique, la question de l'environnement est un prolongement de l'action pour la démocratie. Parce qu'elle est à la base d'une réconciliation des rapports avec l'espace. Sur le plan économique, cette question est essentielle. Le développement économique était auparavant conçu comme un développement purement matériel. Pour nous, les socialistes, il fallait aussi intégrer le coefficient social. Il est important aujourd'hui que ce développement intègre l'élément environnemental. C'est ce qu'on appelle le développement durable. Seuls les progressistes et les modernistes sont capables d'adhérer à cette double dimension qui permet de lier l'intérêt à l'environnement aux progrès économiques et aux progrès de la démocratie.
Vous évoquez les partis politiques et la question de l'environnement. C'est une question qui ne préoccupait pas vraiment les politiques jusque-là. Les élus ont-ils pris conscience de l'importance de l'environnement ?
Le monde entier était en retard par rapport à la question de l'environnement. On l'a d'ailleurs constaté lors du sommet de Copenhague. La prise de conscience est peut-être plus théorique. Pour les pays en développement, le retard est encore plus grand. Rabat a été choisie pour accueillir les festivités du 40ème anniversaire de la Journée de la Terre, cela signifie bien qu'on a conscience au niveau international que le Maroc est le pays qui s'intéresse le plus dans la région, c'est-à-dire dans le Sud de la Méditerranée, à l'environnement. C'est dans ce cadre que le débat sur la Charte de l'environnement a commencé. Nous y avons tous participé en tant qu'élus au niveau local, régional et national. Une telle participation ne peut être que positive et je vais encore plus loin en disant qu'il est essentiel de l'intégrer dans une vision de réformes y compris politique. Les forces de progrès, comme l'USFP, sont capables de véhiculer ce message. La gestion des problèmes de l'environnement ne peut pas se faire uniquement dans un cadre national mais aussi régional. Nous avons au moins deux grands dangers autour de nous. Il y a d'abord la Méditerranée aujourd'hui polluée et qu'il faut sauvegarder. C'est un travail que les deux rives de la Méditerranée doivent accomplir en commun. Il y a ensuite le désert qui nous interpelle parce qu'il n'en finit pas d'avancer. Comme pour beaucoup de réformes, il y a là une action purement nationale à développer mais il y a aussi la main tendue à nos voisins. C'est en matière d'environnement que la question du voisinage s'impose à tout le monde. On vient de le constater avec le nuage de cendres provoqué par l'éruption d'un volcan en Islande, les frontières n'ont plus vraiment de sens.
Un congrès constitutif d'un nouveau parti, celui de la gauche verte, va bientôt avoir lieu ? Est-ce que c'est quelque chose qui vous réjouit et répond à vos attentes ?
L'environnement est l'affaire de tous. Ce qui est essentiel aujourd'hui est de l'intégrer dans nos projets, en tant que partis. Qu'il y ait une certaine spécificité n'est pas une mauvaise chose. La question de l'environnement nous concerne tous, quelle que soit notre sensibilité. En même temps, je comprends que la gauche soit mieux outillée pour accorder un intérêt aux questions environnementales. Tout simplement parce que la gauche pense durable et à long terme et n'est pas nécessairement liée aux valeurs de la profitabilité.
Des actions de sensibilisation, des gestes forts en termes de protection de l'environnement, sont organisées un peu partout à travers le Maroc et à Rabat en particulier qui abrite un espace écologie aux Oudayas. Avez-vous le sentiment que la population de Rabat a une conscience environnementale ? Comment cette prise de conscience se traduit-elle ?
J'ai visité les stands en dehors de l'instant officiel de l'inauguration. Et j'ai constaté que la population s'est déplacée en masse pour découvrir cet espace écologie. Il est certain que c'est une affaire d'éducation, de sensibilisation, de culture. C'est du travail continu et qui doit se développer dès l'école et à la maison. Chacun de nous doit s'intéresser à son petit espace, c'est-à-dire sa maison, la rue, son lieu de travail… En fait, nous devons inciter chacun d'entre nous à se respecter. Même les pays développés n'ont pris conscience théoriquement de ces problèmes qu'il y a 30 ans. Au niveau opérationnel, des actions ne sont menées que depuis 10 ans. En tant que pays en voie de développement, nous devons accélérer le rythme exactement comme en matière d'économie ou en politique.
Les festivités de la Journée de la Terre terminées, qu'en restera-t-il pour Rabat, pour le Maroc, pour les politiques, pour les citoyens?
Ce qui va rester, c'est le fait de prendre conscience que cette semaine est une introduction pour l'action à l'avenir. C'est un challenge, un engagement vis-à-vis de nous-mêmes, entre nous en tant que Marocains et entre l'espace qui nous entoure et nous. Il en restera aussi un message international. Aujourd'hui, on mesure l'attractivité d'un pays par les réformes qu'il réalise sur les plans politique, économique, financier, etc. mais aussi et de plus en plus sur le plan environnemental. C'est un élément désormais lié au progrès. Notre P.I.B de demain va intégrer d'une manière ou d'une autre le coefficient de l'environnement. Ce n'est pas facile, cela coûte cher, mais il est important d'intégrer la dimension de l'environnement dans nos actions.